Face au Hamas, Israël va devoir réapprendre à faire de la politique…
L’Orient se remet doucement de ses traumatismes. Après des années de guerre civile interreligieuse entre musulmans sunnites et chiites, l’État islamique est désormais réduit à la portion congrue. Sur le terrain, le régime de Damas a tenu le coup, aidé par la coalition russo-iranienne. Après des débuts erratiques les ayant conduits à faire, un temps, la vie facile au même État islamique, les Turcs rentrent dans le rang, préférant se concentrer, avec la délicatesse qu’on sait, sur la question kurde. Quant aux Saoudiens, ils sont aujourd’hui condamnés à en rabattre. À peine parvenaient-ils à faire oublier leur soutien à la soldatesque islamique que l’offensive de charme menée par Mohammed ben Salmane, le prince régnant, sombrait dans le grotesque morbide avec l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Dans le même temps, l’embargo économique de Riyad sur Doha ne parvient pas à empêcher le Qatar de peser à nouveau sur la scène internationale. Et Israël, dans tout cela ?
Tel Aviv a eu la sagesse de ne point trop s’impliquer dans ce conflit, se contentant de ponctuellement soigner les blessés de Daech, histoire de ne pas laisser le meilleur ennemi syrien gagner trop de terrain. Pareillement, si le gouvernement de Benyamin Netanyahou n’a pas hésité à bombarder quelques bases du Hezbollah libanais, ce fut avec l’accord plus ou moins tacite des Russes, les grands gagnants de l’affaire. En revanche, plus encombrante demeure son alliance à revers avec les Saoudiens, lesquels ne sont pas spécialement les plus fiables des alliés. Et, plus préoccupante encore, cette question palestinienne dont la résolution paraît être chaque jour repoussée.
Comme toujours, l’actuel Premier ministre continue de penser pouvoir régler le problème par la force en étranglant la bande de Gaza. Mais, acculés à la mer, ses habitants n’ont d’autre choix que de rendre coup pour coup. Le Hamas, renforcé par la victoire de l’allié iranien pour l’armement et le retour en force du Qatar pour le financement, se sent pousser des ailes. Son matériel est de plus en plus sophistiqué et il a l’avantage de jouer encore plus à domicile que l’ennemi israélien.
Ces jours derniers, ce sont donc 460 missiles qui ont ainsi été lancés sur son puissant voisin. Même si les pertes causées sont des plus modestes – un mort et soixante-dix blessés –, l’information majeure est ailleurs, sachant que, sur ces 460 engins, seule une centaine a été interceptée par le dispositif « Dôme de fer », pourtant fleuron de la technologie locale… En retour, les bombardements massifs de l’armée israélienne n’ont fait que sept morts et soixante blessés. Une sorte de match nul, donc. Mais quand le faible fait jeu égal avec le fort, on dira que c’est le faible qui a gagné.
Une situation en ces termes résumée par Naftali Bennett, ministre de l’Éducation et de la Diaspora : « Quelque chose de terrible est en train d’arriver, l’État d’Israël a arrêté de gagner… » Ainsi, Benyamin Netanyahou, même s’il n’est pas de la trempe d’un Yitzhak Rabin, ou même d’un Ariel Sharon, a fini par prendre la mesure de la situation en signant un cessez-le-feu avec la résistance palestinienne ; ce, au grand dam d’Avigdor Liberman, son ministre de la Défense. Ce dernier, émigré moldave et dont le parti, Israel Beytenou, campe largement à la droite de la droite du Likoud, considérait récemment que Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, n’était qu’un « terroriste diplomatique » et que « les Arabes israéliens déloyaux envers Israël méritent de se faire décapiter à la hache ».
Plus sérieusement, Benyamin Netanyahou cherche évidemment une solution de paix durable, même s’il semble mettre tout en œuvre pour ne pas s’en donner les moyens. Israël craint le Grand Remplacement ; mais les Palestiniens plus encore, eux dont les territoires sont chaque jour davantage occupés par de nouvelles colonies. Tel Aviv a longtemps vécu dans l’illusion que sa supériorité militaire et technologique lui permettait de sans cesse remettre l’affaire à plus tard. Cette illusion, qui avait déjà perdu de son lustre avec la guerre perdue au Sud-Liban, contre le Hezbollah, en 2006, vient de définitivement voler en éclats avec l’échec du fameux "Dôme de fer".
Il va donc devoir réapprendre à faire de la politique. Ce dont l’État hébreu avait fâcheusement perdu l’habitude depuis les accords d’Oslo, en 1993.
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