Quand l’Europe finance des journaux qui traitent de… l’Europe !

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C’est une annonce, ce vendredi, sur le site de Libération : une offre gratuite pour un abonnement en ligne à la nouvelle newsletter « European Focus ». Associé à huit autres titres de la presse européenne, ce nouveau média sera chargé de vous « livrer chaque semaine une nouvelle manière de lire l’Europe ».

L'Europe traîne une mauvaise image ? Le public se détourne dès qu'on aborde le sujet ? Bruxelles a trouvé la solution. Le projet est ambitieux autant que généreux : « Tous les mercredis dans vos boîtes mail, une newsletter venue de Sarajevo, Madrid, Varsovie, Paris, Kyiv, Tallinn, Rome, Budapest et Berlin à la fois. » Le pluralisme géographique, donc. Tout cela « parce que la guerre en Ukraine nous a une nouvelle fois rappelé que l’Europe va bien au-delà des frontières de l’Union européenne et qu’on ne peut pas la résumer à Bruxelles ». Alors, éperdus de générosité, « Libération et huit autres médias, implantés de la Méditerranée à la Baltique, ont décidé de rassembler leurs forces pour évoquer des sujets qui nous concernent toutes et tous ».

À partir du 28 septembre prochain, chaque mercredi, les abonnés pourront lire « cinq articles, en anglais, sur un même thème. Mais toujours avec des points de vue différents. » En principe. Toutefois, même si Libé nous dit que « en Ukraine, en Allemagne ou en Estonie, les débats sur la livraison d’armes à Kyiv ne sont pas les mêmes, ils ne résonnent pas avec la même histoire, avec la même urgence, mais ensemble, ils contribuent à dessiner l’Europe », on ne voit pas dans les titres sélectionnés quelque chose qui ressemble à une voix dissidente sur le sujet…

Sont retenus pour l’opération anti-désinformation et diffusion de la bonne parole (on comprend bien que c’est de cela qu’il s’agit) : Balkan-Insight (Bosnie-Herzégovine), Delfi (Estonie), Domani (Italie), El Confidencial (Espagne), Gazeta Wyborcza (Pologne), HVG (Hongrie), Libération (France) et Tagesspiegel (Allemagne). Le tout est, bien sûr, financé par la Commission européenne sous la houlette de l’Allemand N-ost.

N-ost se présente comme un titre spécialisé dans « le journalisme transfrontalier », raison pour laquelle, sans doute, l’Union européenne l’a choisi pour monter l’opération. Et pour cela, il lui faut recruter du monde. Un appel à candidature figure sur son site. On comprendra aisément, à le lire, que l’objectif est nettement plus ciblé que ne le dit Libération.

Le voilà (traduction de Google) :

« N-ost met en œuvre le nouveau projet European Ukraine Desk (EUD). L'objectif primordial de l'EUD est de favoriser échange et collaboration entre les médias ukrainiens, français, allemands, hongrois, d'Italie, de Serbie et d'Espagne afin de renforcer la compréhension mutuelle entre les médias professionnels et contrer la désinformation. Le projet est financé par la Commission de l'Union européenne. »

Pour atteindre l’objectif, les moyens ne manqueront pas : « Programme de newsletter, pour informer sur les discours médiatiques de l'intérieur et, concernant l'Ukraine […], activités de hub médiatique à Kiev, pour donner des opportunités aux médias internationaux et nationaux professionnels en Ukraine. Enfin, pour se connecter/réseauter, se soutenir mutuellement et acquérir conjointement de nouvelles expertises. »

Au temps de l’Allemagne nazie, on appelait cela Propagandastaffel : en allemand, « escadron de propagande », soit un service chargé par les autorités de la propagande et du contrôle de la presse et de l'édition.

On ne sait pas le montant de l’allocation allouée aujourd’hui par l’Union européenne aux bons petits soldats chargés de répandre la juste parole. Mais l'argent de l'Europe n'est pas perdu pour tout le monde...

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Alors là les petits loups je suis rassuré. Après euro News une nouvelle information. Grâce à là bienveillance d’Ursula, et surtout sa tolérance et son ouverture d’esprit nous serons bien informés sur la justification des décisions absurdes.

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