Le pape François a fait savoir que 500.000 dollars prélevés sur le denier de Saint-Pierre, c’est-à-dire la contribution volontaire de catholiques au financement de l’Église, seront alloués à l’Église du Mexique pour venir en aide aux migrants. Cela chahute un peu dans les Landerneau catholiques ou non de France, de Navarre et sans doute d’ailleurs.

Au préalable, peut-être faut-il rappeler que si l’Église, en France, est globalement pauvre, suite aux spoliations opérées par les diverses républiques, ce n’est pas vrai de l’autre côté des Alpes. Sans cet éclairage contextuel, ce changement de prisme, il serait dangereux de porter un jugement sur cette information. Nous ne parlons pas d’un nécessaire de la pauvre veuve, mais du superflu d’un riche pharisien (1).

Sur l’aspect gouvernance au sein de l’Église autour de cette décision, j’avoue ne pas disposer d’informations spécifiques, et je dois donc botter en touche.

À l’aune de la Doctrine sociale de l’Église, il n’y a pas photo : le pape François a raison. Il faut restaurer autant que possible la dignité de ces migrants. La solidarité et l’option préférentielle pour les pauvres nous disent clairement que dans toute personne fragile, nous devons voir le Christ lui-même et lui apporter tous les soins dont nous sommes capables. « […], j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; [...] (2) ». La subsidiarité veut que l’Église du Mexique agisse par délégation du Saint-Siège. L’utilisation de ces fonds sera très vraisemblablement conforme à la destination universelle des biens. Donc, le pape agit en conformité avec la doctrine élaborée depuis plus d’un siècle par l’Église, en réaction aux excès d’une société engendrée par la révolution industrielle. La tentation est grande de terminer ici cet article avec un lapidaire et tonitruant « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Sur le choix d’aider ces migrants, choix polémique et publiquement assumé, il y a bien sûr une grande interrogation. Les migrants ne sont qu’un symptôme, et pas la pathologie elle-même. Cette pathologie, c’est l’absence de développement dans les pays d’origine, l’absence de perspectives pour ces populations qui fait que l’herbe du pré occidental apparaisse plus verte que la brousse ou la pampa locale. Quid, alors, de l’optimisation de ces fonds ? Ne seraient-ils pas mieux investis dans du développement local ? La réponse est évidente : il faut faire les deux !

La première des choses à faire est peut-être de soigner notre schizophrénie collective. Nous nous plaignons de la fuite des cerveaux, mais nous sommes généreux en cartes de séjour et permis de travail avec les têtes bien pleines et bien formées de ces pays : c’est l’intérêt de nos entreprises ! Nous ronchonnons sur notre chômage endémique, mais refusons de voir que c’est très cyniquement grâce à ce chômage et l’existence d’un prolétariat immigré que le prix du travail est maintenu aussi bas, permettant nos consommations effrénées et compulsives à crédit ! Nous nous désolons de l’existence de ghettos et de notre perte d’identité, mais nous ne faisons rien depuis des lustres pour casser les communautarismes qui rendent encore plus insupportables ces migrations. Nous feignons de respecter les gouvernants de ces pays et nous entretenons en sous-main la corruption. Bref, nous sommes malades d’un libéralisme illimité que nous imposons au monde et nous refusons de nous soigner.

Les besoins de générosité de par le monde sont immenses. Face à l’orientation de la générosité privée, des polémiques à deux euros peuvent vite éclore, comme cela était constaté récemment avec le milliard pour Notre-Dame. Nombre de quidams s’autoproclament experts en allocation de fonds caritatifs. La seule vraie question est pourtant : « Ces fonds serviront-ils le bien commun ? » Si la réponse est oui, merci de respecter la sensibilité et le libre-arbitre du donateur, ou de celui qui décide pour lui.

(1) Cf. Mc, 12, 41-44
(2) Cf. Mt 25, 31-46

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01 mai 2019 à 18:12

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