Enseignement : quand des contractuels, désabusés, quittent le navire…

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Macron et son gouvernement sont des illusionnistes et, qui plus est, de mauvais illusionnistes. Pour faire face à la pénurie de professeurs, ils n'ont rien trouvé de mieux que d'organiser des entretiens d'embauche express, désignés sous l'horrible anglicisme de « job dating ». Le Parisien vient de faire un bilan de l'expérience dans l'académie de Versailles, une des plus grosses académies. Force est de constater que ce n'est pas brillant : on pouvait malheureusement s'y attendre.

On apprend ainsi qu'une traductrice d'anglais, recrutée en juin, a jeté l'éponge au bout d'une journée. Elle était pourtant très enthousiaste à l'idée de transmettre des connaissances, de faire « un métier qui ait du sens ». La réalité l'a fait vite déchanter. Nommée dans un collège à deux heures de son domicile, sans réelle préparation, sans tuteur, confrontée à des classes hétérogènes et de niveau faible, elle n'a pu que « faire du disciplinaire » et a immédiatement décidé de sortir de cet enfer : « Ça ne m’a même pas donné envie de m’accrocher car il était clair que j’allais le payer cher en matière de santé mentale », a déclaré l'intéressée.

Si des contractuels ont démissionné d'eux-mêmes, d'autres se sont fait remercier sans ménagement. Comme cette jeune étudiante en lettres classiques, qui a été propulsée dans un collège de REP (réseau d’éducation prioritaire) du Val-d’Oise. Elle a bien bénéficié d'une courte formation, mais confie qu'« on a eu des conseils sur le disciplinaire mais jamais sur comment on gère une classe à problèmes ». Or, elle avait des classes difficiles et des élèves en grande difficulté, « dont le niveau de français était catastrophique et qui pensaient que j'étais là parce que j’étais punie ». À la suite d'une « visite conseil » en octobre, on lui a reproché de ne pas maîtriser « les fondamentaux du professeur » et de manquer « d'autorité »...

Il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur le nombre de départs : selon Le Parisien, le ministère devrait publier prochainement un « panorama de l’ensemble des personnels ». Quel que soit le nombre de ceux qui ont dû jeter l'éponge, cette expérience montre qu'on ne s'improvise pas professeur. Il faut d'abord s'assurer que les postulants, quelle que soit leur bonne volonté, maîtrisent la discipline qu'ils vont enseigner. Il faut ensuite leur donner une formation pratique, ce qui ne se fait pas en quelques jours. Ce ne sont pas ces contractuels, hâtivement recrutés, qu'il faut dénoncer, mais ceux qui veulent faire croire qu'on peut, du jour au lendemain, s'improviser professeur, dans un métier qui devient de plus en plus difficile.

L'enseignement est dans un tel état que même les professeurs titulaires en sont dégoûtés. Les illusionnistes qui nous gouvernent n'ont réussi, en ce domaine comme dans d'autres, qu'à susciter la désillusion. Désillusion des contractuels confrontés à la réalité des classes ; désillusion des titulaires qui, de plus en plus nombreux, cherchent à se reconvertir ; désillusion des parents, qui ne font plus confiance à l'école publique ; désillusion des élèves sérieux, qui ne peuvent pas travailler dans des classes trop hétérogènes où des perturbateurs font impunément la loi. L'enseignement, « le plus beau métier du monde », devient un enfer. Il est temps de refonder véritablement l'école sur des bases nouvelles !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

55 commentaires

  1. L’autorité naturelle existe , . . . rarement. Comment se faire respecter si le Proviseur ne suit aucune sanction proposée ?

  2. Je ne pourrais jamais faire enseignant, même si j’en ai les diplômes. À moins de changer drastiquement le système de l’éducation nationale: instaurer l’uniforme, une discipline plus stricte dans les lieux d’enseignement, les portables interdits, les commentaires désobligeants aussi, appliquer des heures de retenue aux récalcitrants et s’il y a un geste pouvant laisser penser à une attaque, réagir physiquement et expulser cet élève sur le champ. Il y en a qui font du sport, moi, ce sont des sports de combat. Je suis Samuel Paty et Charlie Hebdo.

  3. Merci monsieur Kerlouan de démontrer ainsi l’incompétence à tous les niveaux de ceux qui se proclament « élite » et non de cesse que de ridiculiser ceux qui osent nommer les choses. Il appartient aux électeurs de comprendre enfin qu’une élection, et ce, à n’importe quel niveau, est un acte important.

  4. Et c’est ainsi qu’à défaut de professeurs La Macronie fera des économies de nombre, alors que ce n’est pas là qu’il aurait fallut les limiter. Et si le nombre d’incultes augmente peu leur importe, car j’en suis persuadé depuis maintenant 6 ans, leur objectif « ordo ab chao » (du Chaos nait l’ordre). Reconquête à nous….! ! !

  5. Parmi les enseignants chevronnés choisis comme tuteurs, bon nombre démissionnent car eux mêmes s’estiment incapables de résoudre leurs propres problèmes compte tenu de l’évolution des élèves mais surtout des parents. On ne voit jamais certains parents aux réunions, mais confisquez le portable de leur chérubin, ils sont là dans les cinq minutes.

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