Emmanuel Macron veut mutualiser les achats de gaz : ne nous faisons pas d’illusions…

GAZ

Le dernier Conseil européen a décidé de « mettre en place une plate-forme d’achat commune de gaz sur une base volontaire ». En dehors des 27, les pays des Balkans, l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie y seraient associés. Je ne bouderai pas mon plaisir. Dès 2017, dans Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle, j’avais considéré que la mutualisation et la diversification des achats de gaz représentaient, pour l’Union européenne, un enjeu hautement stratégique. Une proposition que j’ai clairement réitérée dans mon récent ouvrage L’Utopie de la croissance verte sorti en octobre 2017.

Cette décision va d’ailleurs dans le sens du traité de Lisbonne qui fait référence « à l’esprit de solidarité prévalant entre États membres dans la mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie… notamment en temps de crise ».

L’achat de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance notamment des États-Unis, du Qatar ou du Nigeria devrait en théorie permettre de desserrer l’étau gazier russe, tandis qu’une mutualisation est censée jouer sur les prix et satisfaire à plus long terme une transition énergétique choisie. En théorie, car la réalité est très différente.

Appliquer une telle stratégie de diversification et de mutualisation en temps de paix aurait été d’une grande efficacité. Telle était, d’ailleurs, l’idée de Donald Tusk qui, en mai 2014, avait créé, sur fond de crise russo-ukrainienne (eh oui !), l’Europe de l’énergie. Un projet structurant qui devait donner l’occasion aux États membres de « construire une politique énergétique cordonnée conciliant réduction des émissions, compétitivité des entreprises et sécurité d’approvisionnement ». Hélas, l’initiative visionnaire de l’ancien président du Conseil européen est restée… lettre morte. Ainsi, les Verts allemands se sont toujours opposés à la construction d’un terminal de regazéification sur la mer Baltique, poussant Angela Merkel à se lancer dans la construction des deux gazoducs Nord Stream 1 (2012) et Nord Stream 2 (2021). Et pour cause : les grandes ONG qui les supportaient étaient en partie financées par… Gazprom via Nord Stream. Comme leurs collègues allemands, les Verts français et belges portent aujourd’hui une responsabilité écrasante à la situation actuelle.

Le reroutage du GNL vers l’Europe pour remplacer le gaz russe est un objectif moyen-long terme. La promesse de Sleepy Joe de nous offrir (contre forte valorisation ; le prix du gaz aux États-Unis est fouze fois moins cher qu’en Europe) 15 milliards de mètres cubes de GNL représente moins de 10 % des importations russes (160 milliards de mètres cubes importés de Russie, en 2020). Se libérer du carcan russe prendra clairement plusieurs années.

Bien que louable, la mutualisation des achats de gaz n’aura malheureusement aucun impact immédiat sur les prix : le marché gazier mondial est aujourd’hui saturé par une demande croissante et une offre limitée et ne peut, à court terme, fournir les quantités nécessaires au remplacement du gaz russe. Les producteurs le savent et leur gaz sera vendu au plus offrant. Quant à l’intégration des Moldaves, des Géorgiens et des Ukrainiens, elle soulève un problème aigu d’éthique : minés par la corruption en tout genre, ces pays ont des standards économiques très éloignés de ceux exigés par l’Union européenne (l’Ukraine et la Moldavie sont parmi les pays les plus corrompus du monde, avec des indices inférieurs à 40 !).

Si cette mutualisation va dans le sens d’une meilleure intégration européenne, il ne faut guère se faire d’illusion quant à son impact sur les cours du gaz qui resteront essentiellement dépendants d’un marché mondial déjà largement sous tension avant le conflit ukrainien.

La seconde proposition du Conseil est de changer la règle de calcul du prix de l’électricité aujourd’hui basée sur celui de la dernière source (mais aussi généralement la plus chère) mise en œuvre. C’est cette règle qui indexe aujourd’hui le prix de l’électricité sur celui du gaz. La modification de la règle serait crédible si le gaz ne pesait que marginalement dans le mix électrique des différents pays européens. Or, 20 % des MWh circulant dans le réseau électrique européen sont gaziers, et pour certains membres comme la Hollande ou l’Italie, ce chiffre dépasse 50 %.

Déconnecter, comme le souhaiterait le Conseil européen, le prix de l’électricité du prix du gaz encouragerait à arrêter une grande partie des installations gazières devenues non rentables et conduirait à stopper les échanges d’électricité sur la grille européenne. Une grille européenne qui nous a fourni, en janvier et février dernier, 10 % de notre électricité aux heures de pointe. Changer la règle, ce serait donc implicitement accepter, durant l’hiver prochain, des périodes de black-out. La règle du mérite est le prix à payer pour une franchise « zéro black-out ». Les citoyens sont-ils prêts à s’en affranchir ?

 

 

 

 

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Il va y avoir beaucoup de création de sociétés de négoce de gaz sous droit turc par exemple qui par le jeu du trading gazier ou des swaps vont acheter du gaz russe pour l’échanger contre du gaz d’autre provenances (gaz de schiste US par exemple) en réalisant de confortables marges? Rien ne ressemble plus à une molécule de méthane qu’une molécule de CH4.

  2. Incompétence totalement renouvelée d’un président qui traite les énergies -surtout fossiles- à la manière des professionnels de la bourse comme il la pratiquait chez Rothschild…

  3. On va mutualiser au niveau de l’Europe pour faire contrôler les achats par des sociétés privées ou des fonctionnaires non élus. Cela nous permettra de participer aux prix élevés payés par les verts Allemands qui découlent de leur politique stupide.

  4. Si c’est comme la mutualisation de l’approvisionnement en vaccins, ou comme la mutualisation des prix de l’électricité, on a du souci à se faire.
    J’ai personnellement réglé le problème: je ne consomme pas de gaz.

  5. On sait qu’ils sont nuls et on remet le couvert. Masques vaccins et maintenant gaz. Les fous sont lâchés. C’est vrai chez nous y a pas de corruption. Un milliard c’est mille millions. Y vous faut quoi?

  6. « implicitement accepter, durant l’hiver prochain, des périodes de black-out. »

    Génant uniquement les riens, sans dents et sentant des pieds, donc aucune importance!

    Voilà ce que pensent ces monstres sadiques.

  7. Soyons réalistes c’est l’Allemagne qui est à la manœuvre. Pas d’électricité, extrême dépendance de la Russie donc on mutualiste, c’est comme le communisme, on partage tout. C’est beau comme un sou tout neuf. Après, on reprendra les bonnes habitudes à savoir une Allemagne forte et patronne de l’Europe.
    Heureusement Jupiter l’éolien veille. A Quoi ?

  8. La France a beaucoup de gaz de schiste parait-il,mais les pastèques n’en veulent pas…..

    • C’est vrai que l’extraction est nocive pour la nature, mais on avait le temps d’expérimenter des méthodes plus propres sur les schistes bitumineux d’Autun et on s’est interdit même ces expérimentations.

  9. Enfin un intervenant qui se rappelle que les grands amis Ukrainiens des bobos français , vivent dans un des pays les plus corrompus, il n’est qu’à connaître l’entourage de Zélinsky au lieu de se pâmer devant ce monsieur qui , commence à devenir lourd avec ses interdits dictés à la terre entière, interdits qui vont nous coûter très chers, et qui encore une fois vont engraisser les USA.

  10. Achat commun pour tirer les prix, d’accord. Donc, normalement, le prix de base devrait être le même pour les 27.
    Le prix du Kw sera-t-il le même en France qu’en Pologne ou en Belgique ? Là, j’ai des gros doutes parce qu’avant il y aura le passage obligatoire chez Saint-Taxe.

    • Les Hongrois, pas idiots, viennent de signer un contrat à long terme avec les Russes pour obtenir du gaz à bon prix. Qui est livré par un pipeline contournant l’Ukraine.

  11. Les minorités dirigent, puisque même Zelenski donne des ordres aux européens. Serions-nous tombés sur la tête ? Ce qui se passe en Ukraine ne nous concerne pas puisque ce n’est qu’une histoire russo russe. La politique de Biden est de détruire l’Europe, la Russie et la Chine, mais il rêve. Son pays s’effondre sous la pression du wokisme, de la cancel culture, et dans un avenir proche, la fin de l’hégémonie du dollar dans les échanges internationaux. Qu’il s’occupe de redresser son pays décadent.

    • J’ai cru un instant que vous décriviez l’état de la France, c’est à peu près ça. Mais le nain européen va encore une fois se faire avoir par les USA ! Comment faire d’autre quand nos dirigeants appâtés par les postes qui les attendent font tout pour nous rendre dépendants de l’énergie… importer du gaz pour faire de l’électricité que nous pouvions faire cherchez l’erreur !

  12. compte tenu de l’excellente (!) gestion du pays par Macron « bon à rien mauvais à tout », et du niveau zéro des pingouins budgetivores Commission européenne et autres crétins nous pouvons etre surs qu’ils vont tout rater. Je vais acheter un troupeau de vaches pour produire du gaz.
    Je sais un troupeau de vaches dans 50m2 de jardin ça va etre dur…

    • Attention vous allez-êtres visiter par les délicats sauveurs d’animaux qui vont les lâcher dans la nature où elles serons encore plus en danger.

    • Pourquoi prévoit-il encore quelque chose pour la France si près des élections ? à moins d’être certain d’être réélu, mais par qui ? la fraude venue des USA ?

  13. Curieux qu’un professionnel comme M. Charlez n’aborde pas la question des swaps sur le marché gazier qui fait qu’en réalité la menace de boycott des achats de gaz russe n’est que poudre aux yeux et posture de communication pour les gogos.

  14. Pour faire court nous allons payer plus cher des produits dont nous avons besoin mais que nous refusons d’acheter à la Russie sous le fallacieux prétexte que l’Ukraine et la Russie sont en guerre alors que nous ne sommes en guerre avec aucun des deux, je trouve inacceptable que le président de l’Ukraine se permette de demander aux entreprises françaises de quitter la Russie alors qu’il est responsable de ne pas avoir respecté les accords signés en 2014, c’est de l’ingérence mal venue.

    • Évidemment, tout comme la parade du sénile américain en Pologne est pratiquement un « casus belli ».

    • Donc vous préconisez la politique de l’autruche ? Moi pas, sinon à qui le tour après l’Ukraine ? Pas besoin de faire l’ENA pour savoir qu’il ne faut dépendre de personne dans la vie, la preuve ! Au lieu de chercher du gaz développons les centrales nucléaires !!!

      • La création de centrales nucléaires n’est pas instantanée et en attendant qu’elles soient productives nous avons besoin des autres pays pour faire vivre nos industries. La Russie nous fournit environ 17% du gaz et 13 % de pétrole brut. Nous ne sommes en guerre ni avec l’Ukraine ni avec la Russie, la guerre actuelle entre ces deux pays est due à une non application des accords de 2014 par les instances ukrainiennes. Ce n’est pas une politique de l’autruche c’est une politique de bon sens.

    • et son ingérence ne concerne pas que la Russie, ce clown se permet de donner des leçons aux députés français qui ont le petit doigt sur la couture du pantalon !

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