Emmanuel Macron, ou l’art de jeter de l’huile sur le feu
Nicolas Gauthier a dit avec talent l'insondable maladresse d'Emmanuel Macron quand il s'adresse à ce qu'il faut bien appeler... le peuple. Peuple dont il s'est lui-même séparé depuis cette fameuse admonestation du « Je traverse la rue et je vous en trouve » (un emploi). Séparation validée et revalidée constamment depuis deux ans, par lui-même ou ses hommes. Dernière réussite en la matière : celle du préfet de police de Paris à une gilet jaune : « Nous ne sommes pas dans le même camp. » Armé d'un tel florilège, allez faire pleurer dans les chaumières sur la France en archipel et essayez de vous faire passer pour le grand rapiéceur providentiel... Emmanuel Macron n'a décidément peur de rien.
Donc, la visite du Président dans sa ville natale d'Amiens ne s'est malheureusement pas limitée au couplet - fort recevable, par ailleurs - sur la positive attitude, repris avec enthousiasme par Sibeth Ndiaye, dénonçant une France « trop négative », trop souvent encline à la « sinistrose », et nous rappelant que la France était un pays formidable, qu'il « faut aimer aussi ». Nouvelle façon, enjouée, de tracer des limites, des camps ? Qui ne serait pas pour eux n'aimerait pas assez cette France qu'il faut aimer ?
Emmanuel Macron aurait dû s'en tenir là et faire profil bas mais, fidèle à son naturel qui l'avait poussé, l'automne dernier, à jouer les provocateurs avant que ne se déclenche l'orage des gilets jaunes, il a voulu faire la leçon à ceux qui s'apprêtent à protester, le 5 décembre prochain, contre sa réforme des retraites. Nouvelle façon de délimiter ce « camp », le discréditer, le rendre repoussant pour ceux qui hésiteraient encore à rejoindre le mouvement. Vous n'allez tout de même pas faire grève avec ces gens-là, voyons ?
Ces gens sont des corporatistes, engagés dans une « une mobilisation contre la fin des régimes spéciaux », a affirmé, ce vendredi 22 novembre, Emmanuel Macron.
Ces gens font de la politique : « Cela fait quelques mois que les uns ou les autres, inspirés par une logique de politique politicienne ou par une vision de la société que je ne partage pas. »
Ces gens sont pris dans une « mobilisation étrange » dirigée contre une réforme « dont on ne connaît pas les termes exacts ».
Tout cela est en partie vrai. Mais réversible comme un gant et, finalement, accablant pour le Président et sa réforme. Une réforme non seulement des régimes spéciaux - qui se défendait mais qu'il fallait mener autrement, sans la noyer dans une réforme « systémique » (quelle idée...) - mais qui impactera tout le monde, entraînera des incertitudes et des baisses de pension pour une majorité de Français. Et Emmanuel Macron voudrait que les choses se passent tranquillement sans qu'on connaisse, en plus, « les termes exacts » de l'arnaque ?
Mais l'argument massue - ou LBD - n'a pas tardé, comme il y a un an, à surgir du chapeau, ou de la casquette de M. Lallement, peut-être : ces gens-là « veulent à chaque occasion créer le désordre ». Emmanuel Macron a dénoncé « tous ceux qui essaient de jouer avec les peurs [qui] non seulement se trompent de combat », mais aussi « prennent des responsabilités au regard de la démocratie. Le droit de manifester doit être respecté, dans un cadre, celui de la non-violence. Tous ceux qui franchissent cette ligne sont les ennemis du droit de manifester. »
Emmanuel Macron essaie de faire peur avec la moustache de M. Martinez, la chevelure de Marine Le Pen mais surtout les cagoules des Black Blocs. Quelque chose me dit qu'il y aura plus que ces trois « camps » à protester le 5 décembre. N'a-t-il pas compris que cette diabolisation grossière ne fait qu'accroître la mobilisation ?
L'un de ses partisans, M. Villani, qui sait compter, l'a bien compris, lui, et a proposé l'organisation d'un référendum sur les retraites. Pas idiot. Dans l'immédiat, on pourrait suggérer à MM. Macron et Castaner de s'occuper enfin des Black Blocs.
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