Emmanuel Macron : coincé entre légalité et légitimité

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L’Élysée, c’est Camerone ; le panache français en moins, il va sans dire. Encerclé de toutes parts, le premier des Français se doit de resserrer les rangs. Ce qu’il a fait, le mardi 21 mars, flattant la croupe de ses fidèles députés. Car députés, ils ne le seront plus forcément en cas de dissolution du Parlement ; et fidèles, voilà qui demeure à démontrer, puisque majoritairement opposés au 49.3 sur la réforme des retraites et craignant un « embrasement du pays », à en croire Le Parisien de ce mercredi.

D’où ces phrases martiales : « Notre cap est clair. Nous devons garantir l’ordre démocratique et républicain. » Il serait peut-être temps, en effet, devant ces fins de manifestations de plus en plus violentes, principalement dues à une extrême gauche en voie de radicalisation et probablement aidée par des délinquants venus de ces fameuses « zones de non-droit ».

Notons que cet « ordre démocratique et républicain » serait sûrement mieux respecté si ces deux sortes de sauvageons – les uns pillant pour mettre à bas le patriarcat capitaliste, les autres venant faire leurs courses gratis – ne savaient que le glaive vengeur de la loi n’est autre qu’un fleuret de bois. Ainsi les Français savent-ils que les deux bénéficient d’une quasi-immunité de fait. Ils en usent, en abusent et auraient bien tort de se priver de ce laxisme devenu quasi institutionnel, au contraire de gilets jaunes réprimés avec une violence qui n’avait rien de « démocratique et de républicain ».

Serrant les fesses et bombant le torse, Emmanuel Macron a donc beau jeu de stigmatiser ce peuple se défiant de sa personne : « La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus. […] Les meutes ne l’emportent pas sur les représentants du peuple. » Fort bien : nous voilà donc revenus à l’antienne de la bourgeoisie française, de centre gauche et de centre droit, sur ces « fameuses classes dangereuses », oubliant au passage que les représentants du peuple peuvent aussi trahir ce même peuple. En 2005, ce dernier n’a-t-il pas voté « non » au projet de Constitution européenne, avant que ses représentants ne fassent comme si le peuple avait voté « oui » ?

Emmanuel Macron, qui se targue de bien connaître l’Histoire de France, aurait-il encore oublié que de tout temps, légalité et légitimité se sont souvent opposées ? Jeanne d’Arc n’avait rien de « légal », mais elle était « légitime ». « Légales », les grèves de 1936 ne l’étaient peut-être pas, mais « légitimes » le devinrent, forgeant ainsi le roman national de la gauche. Pareillement, le gouvernement du maréchal Pétain était « légal », alors que la rébellion du général de Gaulle l’était moins, avant de, rétrospectivement, devenir « légitime ». Et que dire de cette Assemblée ayant légalement voté la mort du roi Louis XVI, alors que cette dernière était à l’évidence illégitime ? Pour un Macron regrettant ce crime doublé d’une injustice et, pis, d’une faute politique, ces actuelles déclarations n’en prennent que plus de sel.

À ce titre, notre Président serait autrement plus crédible s’il prenait la peine, ou montrait l’audace, de mieux nommer les choses. Quand, cajolant ses élus, il leur assure : « Mes remerciements vont aussi à vous tous et toutes, parce que les groupes de la majorité ont tenu de manière irréprochable. Vous avez tenu les débats dans des circonstances inédites d’incivilité, de brutalité et de chahut avec des propos qui ne sont pas acceptables. »

Mais qui s’est de la sorte comporté ? Sont-ce les élus du Rassemblement national ? Ou leurs collègues de La France insoumise ? Poser la question équivaut à y répondre. Mais Emmanuel Macron n’y répond pas ; ce qui n’a rien de bien étonnant, sachant que Jean-Luc Mélenchon a appelé à voter pour lui, au second tour de l’élection présidentielle de 2022. En attendant, Emmanuel Macron ne change rien, à en croire son intervention de ce mercredi, sur TF1, sûr qu’il est d’une « légalité » de moins en moins « légitime ».

La loi d’Antigone contre celle de Créon ? Certes, les deux avaient leurs raisons. Mais entre Macron et Mélenchon, ce sont deux Créon, piégés en leurs égoïstes calculs, qui s’affrontent, tandis que Marine Le Pen n’est pas la pire Antigone, pouvant à la fois se targuer de la « légalité » et de la « légitimité ».

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Légalité et légitimité ont des étymologies voisines sinon identiques. Morale en tient d’une autre mais est leur voisine sémantique. Elles traduisent toutes la volonté du dominant de consolider son pouvoir acquis par le force ou la ruse et d’assurer sa pérennité par un apparent consentement.
    Conseil de lecture: Lupus et agnus de Géant de la source.

  2. Macron connaissant bien l’Histoire? Alors, s’il n’est pas inculte, c’est encore pire. Ses déclarations, notamment en Algérie, relèvent de l’indignité. La « meute » finira-t-elle par le lui signifier?

  3. Le gros problème avec MLP, c’est qu’elle a un programme économique FORT PROCHE de celui de Mélenchon. De ce fait, elle aura beaucoup de mal à récupérer ceux des LR qui lui sont, par ailleurs, très favorables

  4. Et pendant ce temps j’ai appris que le Maire de Villeurbanne aurait interdit à Zemmour de venir dédicacer son livre dans sa Commune pour raison de « sécurité »…! ! ! Je croyais La République Une et Indivisible ? ! ! ! Elle prend l’eau de plus en plus, et sous l’ére des Macroniste, l’eau arrive au bord des lèvres…avec des ordures qui n’en finissent pas de s’accumuler…

  5. Ou l’on a la démonstration que macronie et gauche du capital traitent avec violence toute forme de révolte ayant pour origine le petit blanc européen porteur de l’histoire des luttes et en parallele bichonnent les racailles de banlieue.

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