La police et la Justice veillent sur les humbles citoyens que nous sommes et c’est tout à leur honneur. D’ailleurs, nous respirons mieux depuis ce matin, ayant appris qu’une sorte de nouvel ennemi public number one allait être bientôt mis sous les verrous.

Ainsi, le procureur de la République de Roanne vient-il de requérir de deux à quatre mois de prison contre un automobiliste jugé "pour outrage à une personne chargée d’une mission de service public". Son forfait ? Avoir été flashé par deux radars, à Saint-Forgeux-Lespinasse et Bessay-sur-Allier – capitales bien connues des spécialistes du crime organisé –, alors que sa plaque d’immatriculation était illisible et qu’il adressait un doigt d’honneur des plus ostentatoires en direction des machines à sous en question.

Et le procureur d’estimer que les "fonctionnaires du centre de traitement des images de Rennes" ont été "outragés" par ce geste. Il est vrai qu’une telle souffrance doit être prise en compte, le châtiment se révéler exemplaire et la cellule de soutien psychologique tôt mise en place afin que les victimes aient une chance d’enfin se reconstruire. Pour le moment, les relations entre le dangereux criminel et le gang des frères Hornec n’ont pu être formellement établies ; ce qui ne devrait être qu’une simple question de jours, à n’en point douter.

En revanche, le fait que ce possible tueur en série ait été contrôlé positif au sortir d’un dîner plus qu’arrosé laisse encore planer quelques doutes quant à son éventuelle radicalisation et les liens qu’il pourrait entretenir avec l’État islamique. En attendant une éventuelle confirmation de ces derniers, trois autres mois de prison ferme ont été requis. Le bras de la Justice se doit de ne pas trembler. Surtout à l’heure des digestifs.

En fait, la grande erreur de notre Attila des temps modernes est de s’être trompé d’époque. Il se croyait dans un film de Claude Sautet, avec Yves Montand et Serge Reggiani, conduisant à tombeau ouvert, clope au bec, sans ceinture et avec un gramme dans chaque œil. Alors que, non, pas du tout. La mode n’est plus aux Depardieu ; sauf pour Gérard. Plus malin, il aurait fait croire qu’il était artiste conceptuel, un peu comme Maurizio Cattelan, connu pour avoir récemment exposé une main de onze mètres de haut, doigt d’honneur y compris, dressée devant la Bourse de Milan et intitulée « L.O.V.E. ». Du coup, l’outrage « ressenti » – comme le froid du même nom – par les fonctionnaires rennais aurait laissé place à cette sensation indicible que, seuls, provoquent les transports amoureux.

Mieux : Maurizio Cattelan étant également réputé pour deux autres statues, l’une d’Hitler priant à genoux et l’autre du pape Jean-Paul II écrasé par une météorite, que notre assassin n’a-t-il transformé son automobile en véhicule de l’art dérangeant ? Des fanions aux couleurs hitlériennes, les mêmes que celles de Darty, sur les portières, des calottes en guise de phares et une crosse papale brandie à l’avant, juste histoire qu’on ne vienne pas lui en chercher, des crosses. Voilà qui lui aurait sûrement valu de pleines pages dans Libération, Le Monde, Les Inrocks et Télérama, plutôt qu’une paire de mois sous les verrous.

En attendant, dormez tranquilles, tels des loirs. L’ordre règne en France. Et pas que sur les routes de la Loire.

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22 mars 2018 à 20:47

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