La définition que Renan donnait de la nation demeure d'actualité parce qu'elle est intemporelle. "La nation est une âme, un principe spirituel." Certains la trouveront désuète. La platitude actuelle préfère les intérêts économiques. Cette attitude est un contresens, parce que ce qui constitue les communautés humaines ne peut justement reposer sur des intérêts matériels sans liquéfier le ciment communautaire au gré des égoïsmes.

Le 22 mars, le mauvais génie de notre pays s'est, une fois de plus, réveillé. Des mouvement sociaux sous forme de grèves et de manifestations permettent une nouvelle fois aux revendications confuses et contradictoires de s'exprimer avec, comme toujours, la volonté de casser tout élan national.

On ne pourra même pas en tenir rigueur aux manifestants, tant le pouvoir actuel use d'un mépris de donneur de leçons, tant il dresse les "bons Français" qui "réussissent" contre les mauvais, les chômeurs, et cette épouvantable génération de profiteurs qui, nés après la guerre, sont maintenant retraités et ont eu l'indélicatesse d'épargner et, éventuellement, d'acquérir de l'immobilier plutôt que de consommer ou de confier leur argent à la Bourse… Il faut qu'ils rendent gorge !

Justement, cette génération est celle dont le destin a basculé un certain 22 mars, celui de 1968, où la chienlit a commencé. La France ne s'est moralement jamais remise de cette aventure. Les étudiants étaient plus nombreux qu'ils ne l'avaient jamais été. Le 19 mars 1962, le jour du cessez-le-feu en Algérie, les avait libérés du risque de participer à la guerre. Un vent de liberté soufflait, qui curieusement venait de penseurs et de pensées liées aux dictatures totalitaires qui menaçaient l'Occident, et de leur idéologie marxiste déclinée en trotskisme et en maoïsme. Le Parti communiste et la gauche s'engouffrèrent dans la brèche, les syndicats paralysèrent le pays, avec la sympathie d'un certain nombre d'intellectuels et de journalistes.

Les accords de Grenelle apportèrent une substantielle amélioration du pouvoir d'achat et la marée gaulliste qui remonta les Champs-Élysées le 30 mai, balayant la gauche fin juin, aux législatives, mit fin à cette effervescence absurde.

Les conséquences de ces événements funestes furent triples : d'abord, les gauchistes qui avaient animé le mouvement prirent une position stratégique dans les pouvoirs d’influence. Le pouvoir fut bloqué dans ses tentatives de réformes par la peur de la rue, notamment des manifestations "d'étudiants", et cette crainte s'accentua encore en 1986, avec la mort accidentelle de Malik Oussekine.

Ensuite, le "dialogue social" qui existe dans certains pays comme l'Allemagne fut jusqu'à aujourd'hui remplacé par le rapport de force.

Enfin, le paysage politique fut redessiné avec, en premier lieu, une gauche libertaire qui remplace le progrès social rendu difficile en raison de la situation économique du pays par les avancées sociétales ; avec, en second lieu, une gauche acharnée à conserver toutes les tares de la société française ; et, en troisième lieu, avec une droite qui s'accroche au pouvoir quand elle y est, sans jamais faire triompher des idées qu'elle n'ose même plus afficher.

Le Général a, par deux fois, remis la France "dans la course". D'abord en 1945, en la plaçant à nouveau parmi les cinq grands. Ensuite en 1958, et en lui donnant des institutions stables. La seconde fois, il pensait inévitable de quitter l'Algérie, et il avait sans doute raison. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que cet abandon allait tuer chez les Français toute ambition nationale. Certains osent célébrer le 19 mars 1962 alors que des dizaines de milliers de Français d'Algérie, pieds-noirs et harkis, ont été ensuite assassinés dans l'indifférence des Français de métropole. D'autres, et souvent les mêmes, désirent commémorer 1968.

On pourrait aussi ne fêter qu'un seul anniversaire en France, celui de Waterloo, mais heureusement, c'était un 18 juin et c'est un autre souvenir qui l'emporte !

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22 mars 2018 à 20:45

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