Djihadisme : aux origines de la thèse du « déséquilibré »

poignard

Les vendredis djihadistes ne cesseront de se répéter au sein de nos frontières, à l’image de la dernière attaque à l’arme blanche perpétrée à La Chapelle-Sur-Erdre par un « schizophrène sévère », ou du moins diagnostiqué comme tel en 2016, nous dit-on. Encore une fois, il s’agit d’un multirécidiviste, d’un « individu » plusieurs fois condamné par la Justice, mais récemment libéré au nom du droit. Et, comme ce fut le cas dans le cadre de la défenestration sauvage dont a été victime Sarah Halimi en 2017, il s’agirait, peut-être, d’un esprit se disant « possédé par le mal ». En bref, nos gouvernants se défaussent, encore et toujours, en se barricadant derrière l’État de droit.

Pire encore : des criminologues nous parlent même d’« hybrides » ou de « bombes humaines », donc d’entités mi-électriques mi-combustibles ! Et des titres du Monde opinent du chef : par exemple, « Attentat de Rambouillet : des terroristes isolés, sans affiliation et indétectables », le 26 avril dernier, puisque Jamel G. « aurait été » un désaxé sexuel ou un « déséquilibré »… Sans compter les avis tranchés du garde des Sceaux, l’ancien avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti, qui, du reste, ne veut pas « juger les fous » (le 21 avril, sur RTL). Ainsi, le peuple français devrait accepter ces rodomontades moralistes, pour ne pas dire humanistes, comme si tous ces « individus » étaient des « éléments fondateurs d’une civilisation post-européenne » : toxicomanes (par exemple, les accros au crack qui sévissent dans le XIXe arrondissement de Paris), schizophrènes, autant d’êtres égarés dans une société malade, malade de ses équations à plusieurs inconnues, au nom du sacro-saint principe d’égalité, voire de nos ratiocinations plus subtiles les unes que les autres amenant la raison sur la voie de la ruse contre elle-même, notre rationalité (occidentale) n’arrivant plus à percevoir les phénomènes de masse. De l’exception et jamais du général ! C’est oublier que « la folie est quelque chose de rare chez les individus ; elle est la règle pour les groupes, les partis, les peuples, les époques » (Nietzsche).

En dépit des préjugés en la matière, c’est Michel Foucault qui a anticipé cette difficulté : « L’insensé lui-même n’est jamais qu’une ruse du sens, une manière pour le sens de venir au jour. » Bon gré mal gré, le fou manifeste l’arrière-cour de nos sociétés démocratiques. Ainsi, le pompeux « vivre ensemble » a du plomb dans l’aile, l’insensé n’étant pas un pur accident de l’ordre social : il n’y a pas un déviant que la société n’ait généré, ou quand le ça et le moi finissent par broyer ensemble le surmoi, l’homme moderne devant nécessairement se désagréger. En résumé, le caïdisme et le djihadisme sont les deux faces d’une même pièce de monnaie, qui plus est, à partir de la même propension au dédoublement de personnalité – volontaire ou pas, l’inconscient collectif étant notre force de gravité –, où la simulation et la dissimulation coexistent en toute impunité : la drogue amène l’argent et l’argent amène les armes (cf. Les narcos français brisent l’omerta, de Frédéric Ploquin) ; tout étant finalement lié, tout étant « toléré » par nos services fiscaux - art du blanchiment oblige. Avec, en sus, la livraison à domicile, pour qu’on puisse jouir, davantage encore, de notre aliénation au « Spectacle » et à ses variétés… On connaît la chanson, n’est-ce pas ? « Liberté, égalité »... et barbarité !

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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