Des mouchards électroniques, mais pour la bonne cause !

smartphone

Déduire d’une position des pièces sur l’échiquier les coups qui l’ont immédiatement précédée, c’est un exercice intellectuel passionnant. Arturo Pérez-Reverte en fait un épisode palpitant dans Le Tableau du maître flamand. Et c’est un peu ce à quoi les épidémiologistes se livrent quand ils recherchent le patient zéro, afin de mieux comprendre comment une maladie nouvelle émerge et comment elle se propage, pour mieux la soigner et réduire son impact sur la santé publique.

Dès lors qu’une personne est identifiée comme contaminée, il convient d’identifier tous ceux qui auraient été en contact avec elle pendant la période de contagiosité afin, d’une part, de les surveiller et, le cas échéant, les soigner et, d’autre part, de prévenir des contagions ultérieures en l’isolant d’autres personnes : c’est le principe des quarantaines.

C’est l’idée du gouvernement que de faciliter cette recherche des personnes qui pourraient être contaminées et contaminantes du fait de contacts avec une personne testée positive. Olivier Véran et Cédric O, dans un entretien au Monde, ont présenté un projet digne de l’ambitieuse nation aux talentueuses jeunes pousses, dont le nom de code est StopCovid. Ils font plancher les forces vives numériques de la nation sur une application qui fonctionnerait via la dent bleue de chaque téléphone prétendument intelligent (le Bluetooth de chaque smartphone). Quand deux téléphones ayant téléchargé l’application se situent à proximité, ils s’identifient réciproquement et stockent cette information. Si l’un des contacts se révèle positif, en se déclarant comme tel sur l’application, toute la chaîne des contacts passés peut en être informée et prendre les dispositions pour se faire tester, éventuellement se soigner et se confiner.

Est-il techniquement possible de réaliser une telle application ? Deux téléphones portables à portée de Bluetooth peuvent-ils échanger des données sans avoir préalablement été appariés ? Une antenne qui reçoit un signal Bluetooth peut-elle mesurer la distance qui la sépare de l’appareil qui l’a émis ? Ces questions semble-t-il encore ouvertes devraient conditionner la faisabilité d’un tel projet.

Bien sûr, les deux éminents membres du gouvernement affirment que cette application ne sera en rien liberticide : téléchargeable sur la base du volontariat ; avec des données anonymes ; avec un code open source auditable par tout le monde (vous savez auditer un code logiciel, vous ?) ; et qui, avant de recevoir son nihil obstat et d’être lancée, sera débattue (entre qui et qui ?) et approuvée par la CNIL. Rien que du transparent respectueux des libertés publiques ! Vous pouvez en croire les yeux fermés Olivier Véran qui affirme, en outre : « Nous avons une stratégie qui est dans l’intérêt général et dans l’anticipation » (Le Monde). Où en serions-nous de cette épidémie si nos dirigeants n’avaient de cesse d’anticiper en toute transparence sans jamais écouter des conseillers en conflit d’intérêts ?

Mounir Mahjoubi a, par ailleurs, écrit un rapport parlementaire qui incite le gouvernement à la pédagogie et à la transparence sur ce sujet et affirme, dans Le Figaro, que « personne ne refuserait d’utiliser une méthode qui permet de sauver des gens ».

Donc, nous avons un gouvernement qui a menti délibérément pour camoufler son impéritie et qui souhaiterait pouvoir vous géolocaliser et identifier vos contacts, certes (dit-il) à des fins de santé publique, pour vous protéger et protéger les personnes dont vous croiserez la route. Vous lui faites confiance ? Après avoir dénoncé, dans ces colonnes, les aspects totalitaires du pouvoir macronien, je vais tenter de rester cohérent et me résoudre à faire mentir Mounir Mahjoubi. Je refuserai.

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