Des lectures pour l’été : Aria, de Nazanine Hozar, 2020

aria

À Téhéran, en 1953, Mehri vit un accouchement difficile. Très pauvre, elle est aidée par un couple ami qui ne peut que constater le drame : c’est une fille. Le mari n’en voudra pas et la tuera très certainement. Pour sauver l’enfant, Mehri l’abandonne dans une rue.

Un jeune camionneur de l’armée découvre la petite fille à temps. C’est un homme de cœur, il l’emmène chez lui, à la fureur de Zahra son épouse acariâtre, et l’appelle Aria. Ce livre raconte son histoire.

L’enfance d’Aria sera difficile sous la coupe de Zahra, mais elle s’adapte avec intelligence et courage, bien aidée par l’affection de son sauveur et d’un petit voisin qui organise des rencontres clandestines d’un jardin à l’autre. En grandissant, Aria aura enfin de la chance et sera adoptée par une riche veuve. C’est alors l’aisance et les facultés intellectuelles de la jeune fille peuvent s’épanouir au lycée.

Elle devient amie d’un Arménien, dont le riche père est proche du chah d’Iran, et de la fille d’un militant communiste, tout en donnant des cours d’alphabétisation à une famille qui se révélera juive. Ce sont les dernières années d’un Iran où il était encore possible de ne pas être musulman.

Ils sont tous hostiles au chah et à sa redoutable police politique, la Savak. La révolution bouillonne, l’ayatollah Khomeini, exilé en France, soulève l’enthousiasme. Ils découvriront, trop tard, qu’ils ont participé à leur propre malheur.

Le premier roman de cette jeune Iranienne exilée au Canada est une réussite et son succès bien mérité. La clarté du style et la fluidité du récit en rendent la lecture très agréable. De plus, la plongée au sein de quarante années de l’histoire de l’Iran est tout à fait intéressante. La peinture politique et sociologique de Téhéran est parfaitement restituée avec cette touche de nostalgie poétique propre aux exilés perses.

Il y a, bien sûr, quelques défauts. Certains faits, non essentiels il est vrai, demeurent un peu obscurs. Une aventure homosexuelle, brève et sans détails heureusement, est évoquée au début du livre et donne le sentiment d’être plaquée pour correspondre aux critères modernes.

Mais c’est un beau roman et l’auteur a su donner au personnage d’Aria une densité étonnante. Ce n’est pas « une odyssée féministe », comme l’a écrit démagogiquement John Irving, mais une odyssée féminine, ce qui n’est pas la même chose. D’ailleurs, Aria n’est en rien féministe. Et sans aller jusqu’à l’appréciation de Margaret Atwood (« Un Docteur Jivago iranien »), il faut reconnaître à ce livre un vrai souffle.

Le blog d'Antoine de Lacoste

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Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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