Décès de Jean Vanier : une leçon d’humanité pour tous nos gouvernants

Jean Vanier

Jean Vanier, le fondateur des communautés de l'Arche, qui accueillent des personnes atteintes d'une déficience intellectuelle, s'est éteint, ce mardi 7 mai 2019, à l'âge de 90 ans. Il se trouve que, le même jour, Le Parisien publie une enquête, indiquant que « 89 % des handicapés n'espèrent rien du gouvernement ». Signe que nos élites pensent d'abord aux bien-portants et contribuent à renforcer le caractère individualiste et égoïste de notre société.

« Affaibli par un cancer depuis plusieurs semaines », Jean Vanier « s'est éteint tranquillement cette nuit, entouré de quelques proches », indique L'Arche, dans un communiqué. Fils d'un diplomate canadien, il s'engage au collège de la Royal Navy en pleine Seconde Guerre mondiale. En 1945, son père étant ambassadeur en France et sa mère déléguée de la Croix-Rouge, il participe à l'accueil des survivants des camps de concentration. Il quitte la Marine à 22 ans et, après des études de philosophie, devenu enseignant, il découvre, en 1964, les conditions de vie des personnes handicapées dans les asiles psychiatriques. C'est ce qui détermine sa vocation et son engagement.

« Les personnes ayant un handicap mental nous révèlent ce que c’est qu’être humain », aimait-il à répéter. Mais quel sens peut avoir ce propos dans un monde où l'on n'évoque le handicap qu'en termes de coûts ? Handicap mental ou physique, on en parle de temps en temps, comme pour se donner bonne conscience, mais, dans la réalité, c'est la cinquième roue du carrosse. Macron s'était engagé à faire de cette question une priorité de son quinquennat. Dans sa conférence de presse du 25 avril, il a vaguement abordé la question. On attend de voir venir.

Le président de l'Association des paralysés de France, interrogé par Le Parisien, confie sa déception : « Rien n'est à la hauteur », regrette-t-il. Il s'appuie sur un sondage où 89 % des personnes interrogées répondent qu'elles « n’ont pas, ou ont peu, confiance en la perspective de voir leurs difficultés mieux prises en compte dans la société ». Elles ne demandent pas l'impossible, mais voudraient seulement qu'on les aide à sortir de la précarité, accéder à l'emploi, aux lieux publics, aux loisirs...

Sans nier quelques mesures positives, il dénonce la remise en cause de « droits fondamentaux », la loi ELAN (Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), qui réduit à 20 % l'obligation de logements neufs accessibles, l'insuffisance de l'allocation adulte handicapé... Dans ce domaine, les gouvernements successifs sont moins avares de paroles que d'actes. Et Macron ne déroge pas à la règle. Mais que peut-on attendre d'un dirigeant qui semble n'avoir de compassion que pour « les premiers de cordée » ? Les handicapés physiques ou mentaux sont une trop lourde charge à tirer...

L'affaire Vincent Lambert en est une autre illustration. Après la saisine, par ses parents, du Comité international des droits des personnes handicapées de l'ONU, qui a demandé à la France de reporter toute décision d'arrêt des soins, Agnès Buzyn, le ministre de la Santé, a expliqué que ce comité « s'occupe des personnes handicapées, et non des personnes en état végétatif comme Vincent Lambert ». Autrement dit : circulez, y a rien à voir !

Certes, le problème est complexe et douloureux, mais le gouvernement semble plus sensible aux discriminations signalées par des associations comme SOS Racisme qu'aux discriminations envers les handicapés.

À Manuel Valls, qui lui remettait, en 2016, la croix de commandeur de la Légion d’honneur, Jean Vanier fit cette mise en garde : « L’être humain veut plus de pouvoir, plus d’argent, toujours plus, plus, plus… » Cette leçon vaut pour tous ceux qui prétendent nous gouverner : il n'est pas de véritable humanité sans un peu de spiritualité.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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