Covid-19, ou la revanche de la philosophie
Notre rentrée scolaire 2021 ressemble, en tout point, à celle de l’année dernière : le Covid-19 sévit encore et le bac(calauréat) à sable s’étend durablement. En l’occurrence, le créateur de ce brevet des lycées : Jean-Michel Blanquer, le « Robocop » de notre technostructure scolaire.
Sa carrière technocratique dit tout, en la matière : il fut, entre autres, le directeur de l’Institut des hautes études de l'Amérique latine de Paris III-Sorbonne (en 1998), le recteur de l’académie de Créteil (en 2007) et le directeur général du groupe ESSEC (en 2013). Tout pour être le guillotineur de l’enseignement de la philosophie, robespierriste sur les bords, lockéen sur les rebords : l’adepte tant de l’empirisme (de Locke, de Hume, etc.) que de l’optimisme, tant de l’expérimentation que de la moralisation, principalement laïque. Ainsi, en attendant de devoir s’ARN messager tous les six mois en moyenne, pensons, avec Kant, que « toute connaissance commence avec l’expérience, mais n’en dérive pas ». En dépit du fait que Blanquer ait si bien maçonné pour que le contrôle de l’école reste continu. Puis, Covid oblige, le télé-enseignement et la « nation apprenante » ont réduit la formation académique à une simple transfusion algorithmique. Ou bourrer la tête d’images sans effort. Ô que le Covid a eu bon dos ! Une aubaine, peut-être.
Pourtant, les progressistes eux-mêmes ont reconnu que la philosophie retrouvait de sa superbe au pire de la crise sanitaire. De quelle manière la maladie et la mort étaient revenues comme un boomerang. « Que d’autres s’adonnent à la pratique des problèmes, des syllogismes. Toi, exerce-toi à supporter la mort, la prison, la torture, l’exil », avait proclamé le stoïcien Épictète, tout en nous apprenant à relativiser quand il s’agit de ne pas suivre l’ordre établi. « Le débat ne porte donc pas sur une chose quelconque, mais sur le fait de savoir si nous sommes fous ou non. » En substance, comme l’avait signifié Schopenhauer, le monde est autant « ma volonté » que « ma représentation ».
En outre, durant les confinements et couvre-feux, l’animal social moderne devait comprendre l’importance du dialogue direct, voire du lien charnel avec autrui. « La pensée n’est rien d’intérieur, elle n’existe pas hors du monde et des mots », avait écrit Merleau-Ponty. Néanmoins, nul n’a vraiment résisté aux attraits de la désincarnation ou de la monadisation ; à l’idée de se faire chose en soi, Dieu ou éternité. Précisément, la question métaphysique du pourquoi n’aurait jamais dû être reléguée au second rang par rapport à la question technoscientifique du comment. Car, in fine, « c’est toujours sur une croyance métaphysique que repose la croyance à la science », comme l’avait affirmé Nietzsche. En effet, ce dernier avait perçu par-là un nihilisme plus virulent encore : une farouche volonté de néant à travers laquelle l’idéal ascétique se présente comme « une ruse de la conservation de la vie ». Donc, « que les malades ne rendent pas malades les bien portants ».
Définitivement, le rapport à la vérité est plus que vicié dans cette époque où c’est davantage la notion de « parrêsia », le « dire-vrai » (Foucault), qui prime sur tout le reste. Ou, de la vraisemblance à la dissemblance permanentes, comment faire valoir la seule exactitude contre les partisans, depuis l’origine, des confinements et du passe sanitaire ? Assurément, « le XXIe siècle sera religieux ou sera totalitaire », avait annoncé le philosophe social Claude Polin. En fait, finalement, il est et religieux et totalitaire.
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