Corée du Sud : face aux féministes, les hommes se rebiffent

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Dans la dernière livraison de Courrier international, la correspondante du Los Angeles Times à Séoul raconte la naissance d’un mouvement inédit au sein de la société sud-coréenne : depuis plusieurs semaines, de nombreux groupes de défense des droits masculins manifestent pour susciter un anti-MeToo et réhabiliter l’image masculine.

De quoi cet antiféminisme est-il le nom ?

Après la déferlante #MeToo, de nombreux mouvements féministes apparaissaient en Corée du Sud en 2019. L’exportation, en Extrême-Orient, d’une idéologie typique de la gauche américaine a donné lieu à des situations étranges dans une société traditionnellement très patriarcale. Ces mouvements féministes ont contribué, par leur visibilité et la radicalité de leurs revendications, à cristalliser une guerre des sexes version sud-coréenne. On a vu ainsi des manifestations rassemblant des milliers de personnes dénoncer, à raison, la pratique des caméras-espions dont les images sont revendues à des sites pornographiques. On a vu une femme procureur dénoncer un collaborateur du ministre de la Justice. C’est aussi ce mouvement, né et alimenté sur les réseaux sociaux, de femmes coréennes rasant leurs têtes, jetant leur maquillage, dénonçant publiquement ce culte de l’image dont elles s’estiment les premières victimes. Bref, en s’enlaidissant à loisir, elles entendaient rejeter le rôle d’icône que leur a assigné une société trop traditionnelle. Mais est-ce vraiment de la responsabilité de la société traditionnelle coréenne ou bien de la forte influence occidentale, et singulièrement américaine dans ce qu’elle a de pire, dans ce dévoiement bling-bling et superficiel de l’image féminine ?

La réponse, radicale, à ce déséquilibre, à ce culte démesuré de l’apparence peut être symbolisé, par exemple, dans le mouvement coréen Four Nos : « Pas de rendez-vous, pas de relations sexuelles, pas de mariage et pas d’enfants avec les hommes » (Slate).

En France, on a eu la version trash avec Alice Coffin qui n’a pas hésité à dire que « ne pas avoir un mari, ça m'expose plutôt à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée ».

Ainsi, pour obtenir une évolution de la condition féminine en Corée, les militantes féministes ont adopté un langage et une attitude révolutionnaires. Les hommes se sont alors sentis non seulement déstabilisés, mais, comme aux USA, rabaissés, criminalisés, assimilés à des porcs.

On pourrait aisément appliquer à cette situation ce commentaire d’Eugénie Bastié sur ce militantisme féministe « immédiat, compulsif et dénonciateur (qui) appelle délibérément à contourner un système judiciaire et des institutions jugées trop lentes et impuissantes à prendre en compte "la parole" des femmes ».

Face à cela, les hommes mis en cause dans leur virilité ont mené une contre-offensive : ils se sont rebellés, ont dénoncé les entreprises et parfois même les employés suspects de « féminisme », ont manifesté, faisant du slogan « le féminisme est une maladie mentale » leur cri de ralliement.

Cette vague féministe née avec #MeToo n’en finit plus de détruire des pans entiers des sociétés qu’elle traverse. En substituant la complémentarité hommes-femmes par une dialectique révolutionnaire « dominants-dominés », « victimes-bourreaux », elle monte la moitié de l’humanité contre l’autre, au détriment d’une indispensable paix sociale.

Or, la société sud-coréenne va mal : pourtant dixième puissance économique mondiale, la Corée du Sud a un taux de fécondité de 0,88 enfant par femme… et un taux de suicide de 26,9 pour 100.000 habitants, ce qui situe le pays à la triste quatrième place mondiale dans ce domaine.

Pas sûr que le féminisme radical qui a mécaniquement engendré un retour de bâton chez la population masculine contribue à l’apaisement.

À bon entendeur…

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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