Quand le conseiller militaire de M. Macron fustigeait les coupes du budget des armées

M. Sylvain Fort est une des plumes de M. Macron. Ce normalien de 45 ans l’a rejoint pendant sa campagne électorale et est devenu son conseiller militaire, car il est spécialiste de ces questions complexes.

En mars 2015, M. Fort a signé une tribune fort pertinente dans Le Huffington Post, dans laquelle il fustigeait les coupes budgétaires dans les crédits militaires, car selon lui, elles revenaient à multiplier les trous dans la raquette de tennis, jusqu'à ce qu'on trouve plus de trous que de cordage dans celle-ci. Il affirmait que cette politique était dangereuse, car le matériel de nos armées est vétuste et dépassé. Son plaidoyer était si convaincant qu’il a été repris in extenso par l’association apolitique Soutien de l’armée française. Cet article, dont le retentissement a été grand, a peut-être signalé M. Fort à l’attention de M. Macron et a lancé sa carrière actuelle. M. Fort qui, autrefois, était proche de MM. Wauquiez et Sarkozy n’a pas encore réagi aux amputations sauvages décidées la semaine dernière. Va-t-il démissionner, puisque le nouveau gouvernement pratique une politique qu’il vomissait en 2015 ? On verra bien dans les prochaines semaines.

M. Hollande a, certes, pratiqué des coupes dans le budget militaire, mais elles n’ont jamais atteint l’ampleur qu’impose notre nouveau chef de l’État. 850 millions en 2017 est tout simplement catastrophique. Comme il faudra bien financer les opérations extérieures, c'est le matériel pourtant absolument nécessaire à nos soldats qui ne sera pas acquis.

Si on le juge sur le premier mois où il exerce le pouvoir, M. Macron a l’art de faire le contraire de ce qu’il dit : il promet d’augmenter le budget de la défense jusqu’à 2 % du PNB, mais il le saigne à blanc d’entrée, fragilisant sa promesse. Il reproche à l’ancien gouvernement ses acrobaties budgétaires, pourtant classiques et ordinaires, surtout en période d’élections, affirme qu’il s’agit d’un scandale épouvantable. Mais il utilise (ou plutôt amplifie !), deux semaines après sa leçon de morale, exactement les mêmes méthodes de cavalerie. En plus, dans sa morgue, M. Macron ne tolère aucune critique, alors que le général de Villiers est tout à fait dans son rôle lorsqu’il proteste. Il ne serait pas digne de son poste s’il acceptait sans sourciller cette saignée mortelle. En outre, le chef de l’État exige que tous chantent ses louanges et le placent sur un piédestal (n’est-il pas un génie, puisqu’il vient de trouver en un clin d’œil 4,5 milliards d’euros ?). Sa propagande dans les médias crée le malaise, tant elle est malsaine et ridicule.

Il est, certes, bien trop tôt pour juger de l’efficacité du nouveau pouvoir. Il faudra un à deux ans pour voir si, au-delà des fanfaronnades et du style qui sont déplaisants, M. Macron fait mieux que MM. Hollande et Sarkozy. Néanmoins, le peuple français risque de se dire bientôt « Vivement 2022 », année où il pourra enfin virer M. Macron, s’il le souhaite.

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Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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