Le Tigre et le Président, un film convenu sur Clemenceau et Deschanel

clemenceau
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 16/09/2022.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, BV vous invite à voir ou revoir Le Tigre et le Président, portrait de la France d'après-guerre.

Il y avait sans aucun doute une belle histoire à écrire sur le volcanique et redoutable Clemenceau, surnommé le Tigre. Un homme jamais en retard d’un bon mot, autoritaire, cruel, anticlérical mordant et impénitent, amateur de duels, de femmes et d’effets d’estrade, qui aura peut-être raté la paix mais fut courageux jusque dans les tranchées et passionnément patriote. Un grand Français quoi qu’on en pense, auréolé pour toujours de son titre de « Père la Victoire ». L’idée était bonne de ressusciter l’obscur président de la République Paul Deschanel en idéaliste humaniste pour replonger les spectateurs dans l’après-guerre, quand la Chambre retentissait des voix des grands hommes de la IIIe République.

Hélas, le film Le Tigre et le Président, de Jean-Marc Peyrefitte, sorti 7 septembre et tourné notamment à l’Assemblée, offre un point de vue très convenu, quitte à tordre l’Histoire.

Clemenceau (André Dussolier, méconnaissable) est ici un orgueilleux, ambitieux, velléitaire, vieillissant et résigné, qu’on empêche de parler et qu’on mate facilement à l’Assemblée… Paul Deschanel (Jacques Gamblin, parfait) se drape, lui, des habits du juste, du progressiste, du bon, favorable au vote des femmes, au revenu pour tous et aux minima sociaux. Un centriste social, brillant orateur et très gentil. Mais voilà, sa bonté et sa générosité, son idéalisme et ses grandes idées tournent au perfectionnisme. Un médicament administré un peu vite lui fait perdre ses moyens. Deschanel se noie dans la préparation de son discours, s’enfonce dans sa tâche, se perd dans ses inaugurations et sombre peu à peu dans la folie. Le chef de gare d’une petite station de campagne le retrouvera en pyjama sur la voie ferrée qui mène de Paris à Montbrison. Lorsque les Français parlent de la monarchie, ils lancent presque aussitôt : « Et si le roi devient fou ? » La République a pourtant elle aussi ses Présidents fous, comme Deschanel.

Le titre du film nous roule un peu dans la farine. Les auteurs nous vendent le Tigre mais, au fond, Clemenceau n’est là que pour mettre en valeur Deschanel. Deschanel, qui démissionna le 21 septembre 1920, est le vrai héros de cette fable historique, le vrai moderne, promoteur de la paix, le visionnaire opposé au traité de Versailles, l’idéaliste surtout face aux calculs et aux ambitions représentés par Millerand.

Les réalisateurs ont choisi, dans cette époque peuplée de géants qui ont mis l’Allemagne de Guillaume à genoux, de raconter un dandy un brin macroniste, un homme de notre monde à nous, faible, aux idées sociales généreuses et impossibles. Un homme étranger au patriotisme d’airain qui vient de porter la France vers la victoire. Un intellectuel qui lance des idées, se satisfait de ses petits succès de tribune, se noie dans les mots comme dans la vie. Le film aurait pu raconter ce duel à l’épée, par exemple, qui opposa précisément Clemenceau et Deschanel à la fin du XIXe dans la fournaise de l’affaire de Panama. Clemenceau avait traité Deschanel de menteur et de lâche dans son journal. L’épisode n’est pas mentionné dans le film qui se déroule, il est vrai, vingt ans plus tard. C’est le noyé Deschanel qui intéresse les auteurs du film, en dépit de sa fin lamentable après un mandat court (sept mois seulement) et particulièrement vain. Comme souvent avec les films historiques contemporains, Le Tigre et le Président en dit bien plus long sur notre époque que sur les années 1920.

Restent les décors de la République, les costumes, un récit original, onirique et libre, la peinture d’une époque où les hommes se partagent équitablement entre leur femme dévouée et leur maitresse qui prend soin d’eux dans les claques de luxe. Restent la peinture des mœurs de la politique, la veulerie du milieu, une certaine élégance vestimentaire et oratoire, le cadre d’un siècle qui ne s’était pas accoutumé à l’effroyable laideur ambiante. C’est déjà cela.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 13:53.
Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

8 commentaires

  1. Le traité de Versailles a en réalité ménagé l’Allemagne vaincue sur insistance du président américain Wilson, soutenu par la Grande Bretagne. Clemenceau et Foch ne l’ont accepté que sur l’engagement solennel des États-Unis de garantir son application par les armes. La non ratification par le Sénat américain annula cette clause fondamentale et ouvrit toute grande la porte à Hitler.

    • « Le traité de Versailles a en réalité ménagé l’Allemagne vaincue sur insistance du président américain Wilson, » Sur ordre. Les célèbres propositions de Wilson formaient un tout à prendre ou à laisser. L’Europe exsangue tomba alors avec délices dans le giron américain. Définitivement. Rappelons que les USA, vainqueurs de la dernière heure, avaient ainsi échappé au massacre général de la jeunesse européenne, leurs pertes humaines ayant été mineures. De plus, leur économie de guerre en pleine surchauffe déboucha sur la crise mondiale de 1929 et l’avènement d’Hitler. Beau résultat.

  2. Clemenceau (que les soldats furieux -dont mon père et ses camarades – nommaient  »le père l’armistice ») a arrêté les hostilités en novembre 18 quelques jours avant la grande offensive organisée par le meilleur des chefs français (Castelnau) qui aurait conduit l’armée française au delà du Rhin. La seconde guerre mondiale est la conséquence de cette erreur impardonnable (lire toutes les bios de Castelnau ; et Bainville :  » Les conséquence politiques de la paix » 1920)

  3. Message interrompu. « Je fais la guerre » répondait, si je ne me trompe, Clémenceau aux propositions de paix, fût-elle séparée. Peu lui importaient ces pauvres gars morts, blessés, estropiés, fous à vie . Il continuait à les envoyer à la terreur et à l’horreur. Nivelle, Clémenceau, même indignité. Et pourquoi, alors que l’Allemagne avait demandé l’Armistice le 5.11.1918 n’a-t-on arrêté les combats que le 11 novembre? Bof! Qu’est ce que c’est que quelques dizaine de milliers de morts supplémentaires. Ce sont tous des paysans!

  4. Georges Clemenceau est avant tout celui qui redonna courage aux poilus et permis à la France de vaincre. Il est trop facile de répéter que le traité de Versailles portait en lui les germes de 1940, c’est justement parce qu’il n’a pas été contrôlé que l’Allemagne s’est réarmée. Si seulement, les cinéastes donnaient la juste mesure de notre Histoire et soulignaient la grandeur de ceux qui l’ont écrite, peut être que les jeunes générations seraient plus fortes et enclines à défendre notre culture.

  5. J’ai lu une biographie de Clémenceau,il me semble que le »grand homme »aurait trempé dans le scandale di canal de Panama, »délit d’initiés »,mis en place par le gendre de Deschanel.
    En période de guerre les peuples ont toujours besoin de hérauts pour galvaniser les troupes et l’opinion publique,cependant il me semble que Clémenceau a sabordé des tentatives de paix séparée venant de l’empereur d’Autriche,Charles de Habsbourg .
    Les courriers adressés aux autorités françaises ont été publiées volontairement dans la presse,l’Allemagne a menacé ses alliés de représailles en cas de paix séparée,si cette tentative avait fonctionné,la paix aurait pu intervenir plus tôt et ainsi et ainsi sauver bien des vies.
    D’autre part au moment de l’armistice de 1918 aucun soldats étrangers ne se trouvait sur le territoire germanique,la grippe Espagnole a décimé les troupes Allemande ,et la révolution bolchévique a gagné bien des pays d’Europe de l’Ouest,dont l’Allemagne ,ces évènements ont renversé l’empire de Guillaume II.

  6. Les cinéastes « de gôche », comme il se doit, n’ont jamais hésité à tordre le coup à l’Histoire, la vraie avec un « H », afin de servir leurs intérêts désinformateurs.
    Tant qu’ils peuvent servir à la louche la gloire du socialo-communisme roi, et qu’on les laisse faire sans critique, ils auraient tort de s’en priver !
    Surtout qu’ils ne se gênent pas pour s’auto-récompenser à « leur » Festival de Cannes, dans le luxe, le stupre, et la luxure, et se noient dans la volupté du Champagne et des Palaces, afin d’éblouir les français qui pourtant n’en rêvent même plus !
    Le cinéma français, mais pas seulement, est mort à cause de ses gens-là, « ils ont tué le rêve » qui remplissait les salles obscures.
    Alors, tordre le coup à l’Histoire, vous pensez bien que c’est le dernier de leurs soucis, l’État subventionne !

  7. Deschanel a t il été le seul président fou, passé ou présent de la France. Incapable ou semi demeuré, il y a des noms qui viennent à l’esprit. En revanche, fou, c’est plus délicat à déterminer.

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