Changement de régime prochain en Arabie ?

Salmane ben Abdelaziz Al Saoud

Il était une fois un royaume écrasé par le soleil et assis sur un paysage martien. Un bon roi, qui ne décapitait que ses ennemis et les femmes adultères, avait succédé à d’autres bons rois qui avaient signé un pacte avec le nouveau diable du XXe siècle : le pétrole, qu’il était hors de question pour les puissants du monde de laisser dans les mains de l’Empire ottoman. Mais ce bon roi débonnaire, vingt-cinquième fils présumé du fondateur de la première station-service au monde transformée en royaume, commença à calencher des neurones.

La super-classe dirigeante mondiale avait donc misé sur une sorte de transition dès 2012 en facilitant la nomination de Salmane ben Abdelaziz Al Saoud (سلمان بن عبد العزیز آل سعود‎) au titre de prince héritier, en attendant son avènement le 25 janvier 2015. Le temps de démêler un écheveau successoral où bien des vizirs voulaient être émir à la place de l’émir.

Mais c’était sans compter sur les mirages du désert. Wikipédia l’explique : "Le 21 juin 2017, à la surprise générale, le roi Salmane fait destituer son neveu Mohammed ben Nayef, prince héritier, pour le remplacer par son fils Mohammed ben Salmane (dit MBS), âgé de 31 ans, qui devrait donc succéder à son père, alors que depuis la destitution, en 1964, de Saoud ben Abdelaziz, le trône était revenu successivement à l'un de ses frères. Le 4 novembre 2017, le roi Salmane crée une commission anti-corruption dirigée par son fils Mohammed ben Salmane et déclenche une purge sans précédent qui voit l'arrestation de dizaines de princes, ministres et hommes d'affaires, officiellement pour renforcer la confiance dans l'État de droit et promouvoir les futurs investissements, mais qui concentre les principaux pouvoirs aux mains de son fils."

Mais voilà, « MBS » semble avoir hérité de l’empathie autant que de la générosité du « petit sucre d’orge » merveilleusement décrit par Hergé en la personne du jeune prince héritier Abdallah, fils du mythique Ben Kalish Ezab. C’est ainsi que Jamal Khashoggi, fils d’un des plus grands marchands de canons mondial et opposant de la première heure au clan Salmane ben Abdelaziz, succombe lors d’une discussion au hachoir avec les émissaires de MBS (?) tenue à Istanbul.

Trump et le secrétaire d’État Pompeo font tout pour « attendre que ça passe », comme un mauvais rhume. Alors, pourquoi la CIA a-t-elle « fuité » son analyse, laquelle implique directement MBS ?

D’abord, cela vise Trump. En l’associant à un crime si « visuel », certains amis de l’ancien patron de la CIA, John Brenner, fabriquent de la perception au moment où vont se déclencher 85 (!) enquêtes parlementaires sur Trump, sa famille, ses finances, la couleur de ses caleçons et bretelles. Ce qui facilitera la tâche du procureur Mueller qui semble avoir Kushner (gendre de Trump et ami de MBS comme de Netanyahou) dans le collimateur.

Ensuite, Netanyahou vient de prendre les portefeuilles de la Défense et des Affaires étrangères, et semble s’organiser pour la future castagne avec le « commanditaire numéro un du terrorisme » : l’Iran. Or, à Riyad, la CIA a son candidat, un « collègue » qui, pendant vingt ans, a tiré les fils des services secrets, Mohammed ben Nayef al Saoud (محمد بن نايف بن عبد العزيز آل سعود‎), désigné prince hériter en 2015, puis évincé par MBS en 2017. Il est donc urgent, pour la CIA, de remplacer ce « sucre d’orge » imprévisible qui ferait « moralement » tache à tout projet de changement de régime en Iran.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 21:06.
André Archimbaud
André Archimbaud
Consultant stratégique

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois