C’est le 21 janvier 1793 qui marque le début du déclin français
Le 21 Janvier 1793, la France se suicidait en guillotinant son roi, Louis XVI. C’est Renan qui, après la défaite de 1870, portait ce redoutable jugement sur notre Histoire. Au lendemain du désastre de Sedan, une majorité parlementaire monarchiste, mais divisée entre les prétendants au trône, avait failli restaurer la royauté. Par la suite, c’est la République qui a été établie, d’une manière apparemment irrévocable, et portée par une idéologie qui faisait de l’Ancien Régime un passé non seulement révolu, mais condamnable, et d’ailleurs condamné par le progrès.
Les Jacobins, les régicides de 1793, allaient imposer leur domination politique et intellectuelle, et leur vision de l’Histoire à travers leurs héritiers et ceux-ci par le biais d’un enseignement pétri de leurs préjugés. Comme durant la première révolution, un mouvement sinistrogyre, « à gauche toute », s’enclenchait qui faisait se suivre les opportunistes, les radicaux, les radicaux-socialistes, les socialistes et les communistes. Beaucoup de Français ont baigné dans cette atmosphère idéologique qui a consisté à identifier la gauche au progrès social et la droite à la réaction sans lendemain.
La comparaison entre les destins de la France et du Royaume-Uni devrait cependant rendre plus lucide sur le suicide français. En 1789, la France est, de loin, le pays le plus peuplé, le plus riche et le plus puissant d’Europe. Les cours européennes parlent français et imitent Versailles. Nos écrivains font rayonner la culture française. Depuis Denain, en 1712, pas une armée étrangère n’a foulé le royaume. La dernière guerre contre l’Angleterre a été gagnée à Yorktown en permettant l’indépendance des États-Unis. Louis XVI veille à ce que la flotte française gagne en puissance, puisqu’elle est notre faiblesse. L’armée est la plus forte d’Europe et fort bien équipée, notamment en artillerie. La partie n’est pas jouée avec les Anglais pour la domination du monde. L’Espagne a aussi pour roi un Bourbon, cette famille qui règne à Naples et à Parme. Après le mariage avec Marie-Antoinette, l’Autriche n’est plus l’ennemie mais l’alliée catholique contre la Prusse. Sur le plan de ce qu’on appelle aujourd’hui la géopolitique, à ce moment, le monde peut encore être français. Les désastreuses guerres de la Révolution et de l’Empire vont définitivement asseoir la domination des Anglo-Saxons, Anglais jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, Américains ensuite, dont les Français ne seront plus que les seconds, comme lors de l’absurde campagne de Crimée contre la Russie. L’Angleterre n’a subi ni défaite ni invasion et s’est délestée de son empire sans guerre tout en conservant avec lui d’étroits rapports à travers le Commonwealth dont la reine est le chef symbolique, ses 53 États, parmi lesquels 16 royaumes dont elle est la reine.
La France, c’est un seul régime en mille ans et une rafale baroque de rois, d’empereurs, de républiques et de dictatures, en deux cents ans, pour aboutir à la conclusion que notre système ne fonctionne pas très bien et qu’il faudrait le changer une fois encore… Depuis leur seconde révolution en 1688, les Britanniques, qui avaient préservé la monarchie et seulement changé de dynastie à cette occasion, ont régné sur la planète durant un siècle grâce à des institutions adaptées avec pragmatisme, mais jamais bouleversées, et un parti de droite insubmersible, le groupe parlementaire séculaire, Tory, devenu il y a plus d’un siècle le Parti conservateur… Certes, l’Empire a vécu, mais le monde entier parle anglais.
Bien sûr, il est absurde de vouloir réécrire l’Histoire. Mais la nostalgie zemmourienne ne pointe pas suffisamment cette date, qui précède évidemment la conquête de l’Algérie. Le 21 janvier 1793 fut le choc entre les préjugés de la tradition et ceux du fanatisme. Lorsque la tradition est revenue dans les fourgons de l’étranger, en 1814 et 1815, elle avait sans doute définitivement perdu la partie. Mais il serait bon que les Français prennent conscience qu’il y a 227 ans, la France a fait fausse route. La Russie de Poutine qui amoindrit la rupture révolutionnaire s’appuie sur la fierté d’une Histoire qui englobe le tsar, l’orthodoxie et la grande guerre patriotique contre le nazisme. Elle déplore l’assassinat de la famille impériale par les bolcheviques.
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