Et ça se déchaîne sur Le Monde contre la chaîne russe RT

Le Monde partirait-il en guerre contre RT, la nouvelle chaîne d'information en continu qui, depuis le 18 décembre, émet aussi bien sur Freebox (canal 359) que sur nos ordinateurs ? En effet, le quotidien vespéral a publié, jeudi dernier, une tribune libre - forcément ! - qui supplie les autorités françaises de "suspendre l’attribution de la licence de diffusion à Russia Today". Les auteurs de cette tribune adressée au président du CSA, Olivier Schrameck ? Un collectif qui se dit composé de spécialistes de la Russie. La liberté d'information ? Un truc à sens unique, probablement...

Réplique immédiate de la Fédération internationale des journalistes qui a exhorté les autorités françaises à ne pas céder à cet appel, un véritable condensé d'hypocrisie malveillante. Voici, en effet, ce qui est écrit au CSA : "Quand on sait les pratiques de cette chaîne, dénoncées publiquement par le président de la République lui-même, et que l’on prend connaissance de la composition actuelle de son conseil d’éthique après le renoncement d’un de ses trois membres, et alors même que le Parlement européen a mis en garde contre la désinformation exercée par l’État russe et a pris des mesures pour la contrer (résolution 2016/2020-INI), une telle autorisation ne pourrait que susciter une profonde incompréhension, sinon l’indignation."

Mais ce n'est pas tout. Après avoir annoncé une menace de guerre hybride (sic), ces soi-disant spécialises de la Russie émettent l'idée que "cette autorisation donnée à Russia Today de diffuser en France est d’une extrême gravité car elle peut conduire au brouillage des esprits et à la désunion des Français". La paix civile est menacée, affirment-il. Rien que ça !

Tout cela n'est pas très sérieux et montre que Le Monde, une fois de plus, s'engage dans un bien mauvais combat. J'ai passé ma matinée à regarder les émissions de cette chaîne russe. Comme, sans doute, des Russes regardent France 24, sans autre état d'âme que celui de s'informer autrement. Eh bien, effectivement, j'ai vu une présentation différente de l'actualité internationale, assez objective sur les actualités françaises. J'ai regardé avec intérêt Jean-Marc Sylvestre débattre avec Jacques Sapir, que l'on ne voit plus sur nos chaînes « normales ». Sylvestre, un ancien de TF1 et de i>Télé a rejoint RT, sans se poser la question de savoir si ses confrères vont le boycotter ou pas.

Aux côtés de quelques vedettes des journaux télévisés, plusieurs dizaines de jeunes journalistes vont, sans nul doute, rafraîchir le paysage audiovisuel unilatéral que nous connaissons. Que vous regardiez les JT de TF1, la 2, CNews, BFM TV, LCI, vous avez l'impression de regarder, à peu de choses près, le même journal, lui-même reflet des dépêches de l'AFP, l'agence officielle. RT risque, effectivement, de présenter une version de l'actualité, certes pro-russe, mais en tout cas différente de celle qui nous est servie par nos médias.

Le porte-parole de la diplomatie russe accuse l'Élysée de mener cette nouvelle bataille de l'information. Et la rédactrice en chef de RT France, Xenia Fedorova, a expliqué à Délit d'images "qu'il est surprenant que les médias français soient si prompts à insulter l'intelligence et la capacité de jugement de leurs propres compatriotes".

Il est, en tout cas, intéressant de noter que le Conseil d'éthique de la chaîne, violemment attaqué par le collectif, est composé de membres sûrement plus éminents que les inconnus publiés par Le Monde. On y trouve Anne Gazeau-Secret, ancienne ambassadrice, le journaliste Jean-Marie Bourget, l'ancien député Thierry Mariani, le journaliste Majed Nehmé et Jean-Luc Hees, ancien président de Radio France. Ce dernier a répliqué à ses détracteurs en déclarant qu'en cinquante ans, "je ne crois pas avoir jamais failli à l'honneur de notre métier", ajoutant "J'en ai marre du chœur des vierges... Je me suis dit : “Sois courageux.” Ce serait plus simple de ne pas être dans ce comité d’éthique. Il n’y a que des coups à prendre. Mais je m’en fous."

Floris de Bonneville
Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois