Bloc élitaire contre bloc populaire : pourquoi Marine Le Pen pense l’emporter au soir du second tour

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Les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen restent élevées au moment où Zemmour tente de relancer sa dynamique sondagière. Le candidat Reconquête a mobilisé, dimanche après-midi, une foule immense et compacte au Trocadéro à Paris et prononcé un discours vibrant, plein de références politiques et culturelles. Zemmour a aussi - et c’est une nouveauté - plusieurs fois essayé de faire la synthèse entre ses axes de campagne et ceux d’une certaine... Marine Le Pen. Lorsqu’il évoque « le souci de la fin du mois et celui de la fin de la France », par exemple. La fin du mois, c’est un thème très mariniste. Le candidat Zemmour, celui du rassemblement des droites, de toutes les droites, élargit son spectre vers le social pendant que ses lieutenants, hier, dans leurs discours, se chargeaient d’attaquer directement Marine Le Pen.

Le hasard n’y est pour rien : la perspective de plus en plus crédible d’une Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle exacerbe les tensions. L’écart dans les intentions de vote semble se cristalliser : sept points séparent Le Pen et Zemmour dans le sondage CNews du 28 mars. Ce week-end, dans Le Journal du dimanche, Marine Le Pen affichait 19 %, derrière un Macron à 28 % qui s’érode : en un peu plus de deux semaines, l’écart au premier tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est passé de 14 à 9 points dans le même JDD. Résultat, l’état-major de Marine Le Pen se sent pousser des ailes : il considère, aujourd’hui, l’accès au deuxième tour comme acquis et travaille désormais sur l’entre-deux-tours. Dans le viseur, la revanche de 2017.

Certes, au second tour, l’écart est encore large entre Macron et Le Pen : 56 % pour Macron dans le baromètre CNews, lundi, 44 % pour Marine Le Pen. Et pourtant, si la candidate du RN y croit, ce n’est pas seulement parce que le fameux front républicain s’est démonétisé. Marine Le Pen a notamment appris de son expérience des campagnes présidentielles qu’après le premier tour, c’est une autre campagne qui commence. Une campagne de tête-à-tête frontal. « C’en sera donc fini des échappatoires du candidat Macron et de sa campagne a minima », nous confiait, ce dimanche 27 mars, un très proche conseiller de la candidate. « Macron ne pourra plus nous échapper. Il ne pourra plus échapper à son bilan », dit-il. Car, deuxième élément – et c’est la différence avec le deuxième tour de 2017 -, cette fois, Macron a en effet un bilan. Et ce bilan sera bombardé par une Marine Le Pen qui a, dit-on, bossé ses dossiers, notamment ses dossiers économiques, bien plus qu’en 2017, au point d’avoir impressionné, au MEDEF, lors de la présentation de son programme. Enfin, troisième élément qui montre que les cartes risquent d’être rebattues au deuxième tour : l’attitude du président de la République lui-même. Pour l’entourage de Marine Le Pen, Emmanuel Macron fait comme s’il n’avait pas envie d’y aller, comme s’il n’avait pas envie de se battre sur les plateaux pour emporter la conviction des Français. Et peu de ministres ou de porte-parole de La République en marche acceptent de prendre le relais, de mouiller la chemise. Certains quittent même le navire, comme François de Rugy. Enfin, la candidate du RN croit à l’efficacité de sa stratégie des deux blocs : un bloc élitaire, celui des gagnants de la mondialisation, favorable à Macron, et un bloc populaire qui traverse les partis de gauche et de droite et qui pourrait rassembler des votes très divers sur son nom. Du côté élitaire, « les bourgeois de droite et de gauche, la droite orléaniste et la droite d'affaires augmentée des bobos » associés à ceux que ce camp Le Pen appelle les « présidentolâtres », les adorateurs inconditionnels du Président. Se joindront à eux une partie des LR et de la gauche la plus mobilisée contre le péril Marine Le Pen. « On ne se dit pas qu'à droite, il n'y a que des patriotes : il y a aussi des mondialistes et un vote de classe qui ne viendra jamais vers nous. ». À ce bloc élitaire s'opposera un bloc populaire transpartisan : les ouvriers, les artisans sont clairement visés par la candidate RN. « On va aller chercher les voix LFI, des gens nous ont déjà rejoints », comme Andrea Kotarac, conseiller régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple. Ces électeurs sont pour le travail, le mérite, contre les impôts et les normes, contre la redistribution aveugle qui dispose du fruit de leur labeur. Dans ce bloc, enfin, les petits revenus, les retraités modestes : « Pour les gens qui n'ont rien, leur seul patrimoine, c'est leurs droits, la retraite, le chômage, la protection sociale, explique notre conseiller. Si on leur enlève cela, ils n'ont plus rien, ils sont seuls, dépossédés, mis à nu. ».

Marine Le Pen a fait ses calculs : les Français du bloc populaire sont plus nombreux que ceux du bloc élitaire. Et la candidate est mieux-disante socialement que Macron. Sur le papier, c'est gagné. « Je suis optimiste, notre stratégie fonctionne », assure notre conseiller. Mais il oublie que les scrutins présidentiels ne sont pas avares de surprises. Et qu'une épée de Damoclès reste suspendue sur ce bel optimisme. Cette épée peut trancher net les pronostics au soir de l'élection. C'est... l’abstention.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

136 commentaires

  1. L’État se conduit- en USURIER preuve flagrante : l’essence
    Nous payons nos impôts et la TVA
    il nous avait promis et nous attendons le ruissellement
    au lieu de cela : le gvt achète en chine et Mckinsey ………
    stop à MACRON

  2. MARINE peut-elle affronter MACRON dans un débat avant le second tour, ou verra t-on une fois encore MARINE déstabilisée, peu crédible face à MACRON muni d’une oreillette discrète et de premiers de la classe en coulisse… Verra-t-on encore la Gauche voter MACRON? et toute la droite LR qui attend déjà les postes des députés?

  3. Le Président sortant, sortira encore plus vite avec – un bilan calamiteux, sur pratiquement tous les plans, économique, sécurité, immigration, en plus des suspicions sur sa fortune, le financement de sa campagne « Algérie ? »), en plus de l’affaire McKingsey, de l’affaire Alstom, vente et rachat, il faudra, au second tour s’en expliquer avec les Français, ça sera pour lui l’affaire Fillon, puissance 10, ça ne se passera pas devant les Juges, ça sera devant les bulletins de vote des Français.

  4. L’abstention en France. Pourquoi s’abstenir quand dans certains pays, la Belgique par exemple, le vote est obligatoire. Pourquoi s’abstenir quand dans certains pays le résultat du vote est connu avant le vote ? Abstention = désertion.

  5. Ne soyez pas si pessimiste Marc… Marine va l’emporter ! Malheureusement pour Zemmour il ne sera pas celui qui a rassemblé les droites mais celui qui a divisé les voix de doite souverainistes au seul profit de Macron

  6. Trocadéro 2017 / 2022. Je fais le pari que 90% des Fillonistes de 2017 seront avec Zemmour. Et même des électeurs LR dégoutés par les costumes n’avaient pas voté FF. D’autre part LR est cuit , Sarko ne soutient pas Pécresse qui va faire moins de 10%. Et Macron n’est fort que sur le papier des sondages (achetés). Sa présidence UE, un bide, son téléphone avec Poutine, un bide, McK, un boulet, son bilan, un boulet, sa campagne un bide. La surprise Z dépassera tous les pronostics.

    • Consacrons notre énergie à téléphoner aux uns et aux autres pour que les cercles concentriques diffusent 1/ Voter au premier tour (MLP, EZ ou NDA) 2 / s’unir au 2e tour
      derrière le mieux placé 3/ Faire le siège desmacronistes 4 / exiger que les leaders patriotes s’entendent (sinon ils ne sont pas des vrais patriotes)

      • OK pour MLP ou EZ, mais franchement quelle utilité de voter pour NDA en dépit de toutes les sympathies que l’on peut avoir pour lui. L’union au 2° on est encore d’accord et sans la moindre hésitation.

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