Big Brother et le principe de précaution
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Il est normal de présenter un passeport valide pour franchir une frontière. Certains pays exigent même un visa qui indique que vous avez entamé une démarche préalable pour obtenir l’autorisation d’entrer sur leur sol. Parfois, il faut, de plus, produire un carnet de vaccination qui attestera d’une supposée immunité face à des maladies présentes et craintes dans le pays de destination. La fièvre jaune en Afrique subsaharienne ou équatoriale est un exemple. C’est la liberté d’un État souverain de conditionner à une démarche prophylactique l’accès à son territoire. Ce principe de précaution est vertueux : il permet d’éviter la dissémination géographique de la maladie lors du séjour et du retour du voyageur.
Il y a aussi des principes de précautions qui seraient nauséabonds. Pensez aux questionnaires relatifs à votre sexualité quand vous donnez votre sang : l’homosexuel devrait s’astreindre à 4 mois d’abstinence avant la date du don quand les hétérosexuels ne doivent se limiter qu’à 4 mois avec un seul partenaire. « Discriminations ! » hurlent des associations LGBT (pas toutes) qui portent le combat à la CEDH.
Le Covid-19 a haussé le principe de précaution à un niveau fondamental, absolu. Lui ont été sacrifiées nos libertés de circuler, de travailler, de commercer, de se réunir et même de penser et de s’exprimer si vos idées et propos sont dissidents. Certes, un égalitarisme forcené (confiner tout le pays quand seulement quelques régions sont dans le rouge) a été promu, mais pas au point d’éradiquer, parfois, les sauteries dans les ministères et les mairies. Quant à la fraternité, peut-elle encore se manifester derrière un masque ?
Le monde d’après se prépare. L’application TousAntiCovid a beau être un flop, elle devrait servir pour héberger le passeport sanitaire qui contiendra le certificat de vaccination et les résultats des récents tests de dépistage. La CNIL a édicté ses recommandations : contrôle par l’utilisateur, existence d’une alternative papier, exactitude et limitation stricte aux seules données nécessaires, interdiction de stockage par le destinataire, sécurité. Le secret médical est transformé en variable d’ajustement. Bien sûr, un système infalsifiable nous est promis et les opérateurs étatiques respecteront les règles et la sécurité des données sera garantie… toutes les précautions seront prises. En principe.
Le gouvernement va user, jusqu’au 31 octobre au moins, de ses pouvoirs exceptionnels. Il pourra imposer les occurrences où le contrôle des statuts sérologiques ou immunitaires des personnes par un agent privé ou public sera possible, via cette application ou non. Big Brother is watching you !
Se posent alors deux questions qui dérangent et auxquelles chacun apportera sa réponse.
Subordonner l’accès à des lieux ou des services à un statut vaccinal ou à un état sérologique est-il compatible avec une démocratie où la liberté de circuler serait effective ? Malgré les Dr Philippulus qui se succèdent depuis plus d’un an sur les écrans pour nous promettre une apocalypse sanitaire si nous ne nous soumettons pas à leurs diktats, le Covid-19 est-il une maladie assez grave pour justifier un tel renoncement ?
Quelle confiance est-il encore possible d’accorder à un gouvernement qui a tant menti et tant failli dans tous les domaines de cette crise sanitaire ?
En d’autres termes, faut-il mettre en berne le principe de précaution ?
Je laisse André Comte-Sponville conclure : « Ne sacrifiez pas l'amour de la vie à la peur de la mort. »