Bernadette et Jacques Chirac : horreurs de l’amour ou petites misères de la vie conjugale

À bientôt 85 ans, elle fait encore parler d’elle. Je veux parler de Bernadette Chirac. Remarquez, sa copine Line Renaud, qui collectionne un lustre de plus, apparaîtra encore à l’écran le 28 février prochain dans le dernier film de Dany Boon, La Ch’tite Famille. Quant à l’ennemi héréditaire de la famille – je veux parler de Jean-Marie Le Pen -, il balancera dans quelques jours son pavé de 450 pages de mémoires dans le marais ambiant. De quoi donner de l’espoir à ceux qui angoissent qu’on les oublie dans le couloir glacial de l’Histoire et se refusent à sortir de la carrière quand leurs aînés n’y seront plus. De quoi, aussi, donner des pâleurs à Jacques Attali - il fera 75 ans cette année, comme on dit par chez nous ! - pour qui, "dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société".

Bernadette Chirac fait donc parler d’elle. Et d’une détonnante façon. Rien de fracassant non plus. Elle ne nous révèle pas qu’elle faillit « se mettre en couple » avec Nicolas Sarkozy ou que son grand Jacques manqua de peu, un soir de folie, de partir pour Venise avec le crâne d’œuf de service - j’ai nommé Alain Juppé.

Non, c’est plus convenable et, au fond, plus convenu. Et par personne interposée. Son gendre, Frédéric Salat-Baroux, qui fut secrétaire général de l’Élysée de 2005 à 2007, rapporte dans le Match de cette semaine, consacré aux « premières dames », que sa belle-doche lui avait déclaré, lors de leur première rencontre : "Ne vous y trompez pas, je n’ai pas épousé mon mari par amour mais par ambition." Certes, lorsque la journaliste de Match demande à Salat-Baroux si cela est exact, M. Gendre s’empresse de répondre : "C’est vrai et c’est faux à la fois. Elle vient d’un milieu bourgeois étouffant. Dès le premier regard, elle a vu que Jacques Chirac pourrait lui permettre de sortir de la vie étriquée qu’on lui destinait et de réaliser ses ambitions." Et c’est vrai que, de ce point de vue, Mme Jacques Chirac, née Bernadette Chodron de Courcel, ancienne élève de Sciences Po Paris, n’a pas trop mal réussi. Celle qui se compare volontiers à une tortue s’est façonné une carapace autrement plus solide que la porcelaine de certaines potiches ministérielles des deux sexes et, peut-être, même que la faïence dont on fait les bidets - pour reprendre le mot cruel de Marie-France Garaud à l’égard du fondateur du RPR.

En tout cas, cette déclaration, sans doute un peu provocatrice, de celle qui régna sur l’Élysée douze ans durant et soixante-deux ans bientôt sur son escogriffe de mari nous rappelle que le mariage ne se résume pas à une histoire d’amour. Ça se saurait, mais c’est quand même bien de le rappeler. Grande sagesse du législateur de n’avoir pas parlé d’amour dans le Code civil ! "Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance." Tout laisse à croire que Mme Chirac a tenu bon. La réciprocité ? Plus compliqué car, au temps du grand Chirac, ça galopait à franc étrier ! En 2016, Mme Chirac, avec son humour de femme du monde, avait reconnu que "les papillons tournaient autour de la lampe". Et le mariage tient toujours.

À une époque où l’on nous parle d’amour, à tort et à travers, pour justifier certaines lois sociétales et où 45 % des mariages finissent par un divorce, quelque part, ça interpelle au niveau du vécu, comme pourrait dire Marlène Schiappa. Pour terminer, dans un esprit d’escalier – qui reste le meilleur moment de l’amour lorsqu'on le monte, selon Clemenceau -, quelques conseils de lecture pour le week-end : on lira ou relira avec profit Petites Misères de la vie conjugale de Balzac et, évidemment, Les Horreurs de l’amour de Jean Dutourd.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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