Benoît XVI est mort

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Le pape Benoît XVI vient de s’éteindre, ce 31 décembre, au monastère Mater Ecclesiae, dans l’enceinte de la cité du Vatican où il s’était retiré après sa renonciation à la charge pontificale, le 11 février 2013.

Un pontificat court - huit ans – mais une personnalité et un règne qui ont profondément marqué l’Église catholique.

Joseph Aloisius Ratzinger est né le 16 avril 1927 à Marktl am Inn, en Allemagne. Dernier d’une fratrie de trois enfants, ses parents l’élèvent dans une foi catholique fervente, ce qui explique son hostilité au nazisme : n’a-t-il pas vu, dans sa jeunesse, les nazis frapper le curé de sa paroisse ?

Ses parents lui inculquent également l’amour et la pratique de la musique, qui l’ont accompagné toute sa vie. Lorsqu’il était à Castel Gandolfo, il n’était pas rare d’entendre le pape jouer du Mozart, dont il disait en 2005 : « Il m'émeut toujours aussi intensément, parce que sa musique est si lumineuse et en même temps si profonde. Ce n'est jamais un simple divertissement. Tout le tragique de l'humanité y est contenu. »

Il est obligé, comme son frère Georg, d’adhérer aux jeunesses hitlériennes à 14 ans. Il effectue son service militaire dans la Wehrmacht, puis il déserte mais est interné dans un camp de prisonniers de guerre en 1945. Il est ordonné prêtre, avec son frère Georg, le 29 juin 1951.

Durant ses années de séminaire, il a beaucoup fréquenté la littérature française : Claudel, Bernanos, Mauriac, Henri de Lubac, mais il lit aussi Nietzche, Heidegger, Bergson et surtout saint Augustin, pour lequel il a une grande prédilection. D’une solide envergure intellectuelle, il poursuit ses études après son ordination et devient docteur en théologie. Il enseigne à l’université de Bonn puis de Munster, Tübingen et enfin Ratisbonne, dont il sera vice-président.

Lors du concile Vatican II, il est le conseiller théologique (peritus) du cardinal Joseph Frings. Il est sur une ligne plutôt moderniste, souhaite l’aggiornamento de l’Église et une réforme liturgique, à l’opposé de la minorité conservatrice menée par le cardinal Ottaviani et dont fit partie Monseigneur Marcel Lefebvre.

Très vite, pourtant, Ratzinger voit les dérives post-concile, qu’il attribue non pas au concile lui-même mais à une mauvaise interprétation de celui-ci, notamment pendant ses cinq années comme archevêque de Munich. Il gardera cette grille de lecture du concile toute sa vie en lui appliquant une herméneutique de la continuité, à rebours de la rupture. On pourrait même parler de révolution dans l’Église, qui a suivi Vatican II. Une analyse qui éclaire certains actes de son pontificat mais qui n’est certes pas celle du pape François. Un prêtre aux origines intellectuelles classiques mais à la théologie moderne, qui pourtant, au regard des dérives de l’Église et à mesure que ses yeux se décillent, se posera peu-à-peu comme un rempart contre celles-ci.

Mgr Ratzinger explique la devise épiscopale qu’il choisit alors, « Coopérateur de la vérité » : « Il me semblait, d’une part, que cela soulignait le lien entre mon travail de professeur et ma nouvelle mission. Si les activités étaient différentes, il n’en demeurait pas moins que ce qui était en jeu, c’était toujours suivre la vérité et être à son service. D’autre part, j’ai choisi cette devise parce que, dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui, on oublie presque complètement le thème de la vérité, tant cela paraît trop élevé pour l’homme, et pourtant, si la vérité vient à manquer, tout s’écroule » (in Le Sel de la terre, Flammarion, 2005, entretien avec Peter Seewald).

Le cardinal Ratzinger devient, en 1981, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, l’ex-Saint-Office ; il le restera pendant 23 ans. Il condamna de nombreux théologiens de la Libération comme Leonardo Boff, trop proche du marxisme… envers qui le pape François a multiplié les gestes d’amitié et autres preuves de reconnaissance.

Membre de diverses congrégations et conseils pontificaux, proche et fidèle du pape Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger est alors un personnage incontournable de la Curie romaine. Le catéchisme de l’Église catholique publié en 1992, dont il a dirigé la rédaction, lui doit beaucoup. Il a toujours soutenu et secondé Jean-Paul II dans ses prises de position en matière morale, qui ne font en réalité que suivre l’enseignement de l’Église.

Joseph Ratzinger est élu pape le 19 avril 2005. Lors de la messe d’entrée en conclave, il s’était exprimé sur la modernité et l’immense défi qu’elle constitue pour l’Église : « L'on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. Nous possédons, en revanche, une autre mesure : le Fils de Dieu, l'homme véritable. C'est lui la mesure du véritable humanisme. Une foi "adulte" ne suit pas les courants de la mode et des dernières nouveautés ; une foi adulte et mûre est une foi profondément enracinée dans l'amitié avec le Christ. »

Des propos plus que jamais d’actualité…

On ne peut résumer en quelques lignes un pontificat certes court mais intense et fécond. Pour mieux connaître Benoît XVI, on ne saurait trop conseiller la lecture des deux tomes de la biographie signée Peter Seewald, publiée en français aux Éditions Chora.

On retiendra cependant du pontificat de Benoît XVI une prise en main énergique et tous azimuts du problème de la pédophilie dans l’Église : alors qu’il était encore préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il avait maintes fois alerté sur le cas de Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, en vain. L’une des premières décisions de son pontificat fut de lui intimer une vie de prière et de pénitence à l’écart du monde.

Il s’attaque au problème sur tous les continents, aux États-Unis, en Australie, en Europe (Irlande, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Autriche). Le pape François n’a fait que poursuivre cette œuvre purificatrice.

Autre fait marquant de son pontificat, le discours qu’il prononça à Ratisbonne, le 12 septembre 2006, où il entend démonter l’assertion communément admise, que la foi est irrationnelle, que la foi et la raison - et donc la science - sont incompatibles, la foi chrétienne étant ravalée au rang de croyance. Il bat en brèche un élément fondamental de la modernité qui dénie à la foi toute la noblesse du raisonnement. Et il tranche, lumineux : « Une raison qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures. » C’est ainsi qu’il condamne tout usage de la violence - par essence irrationnelle - au service de la religion. Ce discours de haute teneur intellectuelle a provoqué un tollé dans tout le monde musulman, mais Benoît XVI tint bon.

Ce pape dont on regrettait l’absence de charisme instaura, lors des JMJ, la pratique de l’adoration eucharistique : on se souvient du silence impressionnant du million de jeunes recueillis, avec le Pape, devant l’ostensoir renfermant la présence réelle. Ce pape discret a su
par sa profondeur, par la prière, conquérir le cœur d’une jeunesse pourtant sur-sollicitée à
l’ère du tout-communication. Je l’ai pour ma part souvent constaté lors des angelus dominicaux à Rome.

Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses actions pacificatrices, par le motu proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007, il reconnut que la messe de rite tridentin, dit « extraordinaire », a toujours droit de cité dans l’Église et que sa célébration ne doit en aucun cas être retreinte ou empêchée. Une œuvre de justice, un souci visible de la liturgie, une volonté de restaurer le sens du sacré presque aboli par les suites du concile : ce motu proprio a beaucoup apaisé la vie de l’Église. En 2021, le pape François n’a pas hésité à désavouer son prédécesseur encore vivant par un autre motu proprio, Traditionis custodes, établissant que la messe post-conciliaire était la seule autorisée dans l’Église, rallumant ainsi inutilement des incendies éteints depuis longtemps.

Le 11 février 2013, Benoît XVI annonce en latin sa décision de renonciation au trône de Pierre, ouvrant une période inédite de l’histoire de l’Église : l’ouverture d’un conclave en présence d’un pape encore vivant. Lors de sa dernière messe publique, le mercredi des Cendres de cette année 2013 à Saint-Pierre de Rome, beaucoup de prélats qui l’assistaient étaient étreints d’émotion : la douceur et l’humilité du pape théologien étaient déjà regrettées.

Par sa renonciation, un acte proprement révolutionnaire, le pape Benoît XVI a ouvert une séquence de conjectures et d’hypothèses sur la nature du ministère pétrinien, mais aussi sur les raisons réelles de cet acte.

Retiré dans un monastère au Vatican, le pape Benoit en est rarement sorti. Il poursuivait néanmoins une vie intellectuelle active, recevant des visites, étudiant, priant. Il s’est néanmoins affranchi de sa réserve en mars 2018 et avait opposé un vigoureux rectificatif à la
grossière – au propre et au figuré – opération de communication de Mgr Dario Vigano, Ministre de la communication du Pape François, qui se targuait du soutien du pape Benoit dans la publication d’une série d’écrits théologiques en illustration à la pensée du pape François …soutien que Benoit XVI avait justement refusé. Parmi ces écrits, ceux de Hünermann, disciple de Hans Küng, opposant historique des papes Jean-Paul II et Benoit XVI.

De façon toute aussi marquante, avec sa précision coutumière, il était intervenu dans le débat sur le célibat sacerdotal : il soutint explicitement la publication du livre du cardinal Sarah sur ce sujet en janvier 2020, Des profondeurs de nos cœurs, jugeant sans doute qu’il ne pouvait se dérober à son devoir de réaffirmer la doctrine de l’Église sur le sujet. Un pape théologien, préoccupé du service et de la contemplation de Dieu et du bien des âmes bien plus que des affaires de ce monde, Benoit XVI lors de son pontificat agit bien souvent à contre-courant, pour le temps long. C’est là qu’est la force et la mission de l’Église.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Benoit est le dernier pape. Il avait ete demandé à Donald Trump d’ouvrir une enquête sur la façon dont Benoit a renoncé. Quand je vois les positions du prétendu pape Francois je me dis que cela n’est pas clair.
    Hélas cette enquête n’a pas eu lieu semble t’il.
    Je met mon espoir dans Robert Sarah et dans le seigneur.
    Il ne laissera pas son église aux mains des marxistes.

  2. Benoît 16 restera dans l’histoire de la papauté un grand pape…
    Il faut se rendre à l’évidence au cours des siècles l’Eglise a connu bien des tourments, tous les papes n’ont pas eu des comportements exemplaires et l’Eglise a survécu. L’ Eglise survivra même si on a l’impression que le pape actuel comprend rien au monde dans lequel il vit. On se demande si en appelant à accueillir sans cesse les étrangers, s’il ne favorise pas le grand remplacement, dans ce cas je parle du remplacement cultuel et culturel et non de couleur de peau. Le pape Benoit 16, pas plus que le pape François n’ont rien fait pour la liberté de choix des prêtres sur leur vie privée. Ceux qui préfèrent le célibat doivent être libres de le choisir mais imposer le célibat sacerdotal est un non sens. Pourquoi aucun pape ne revient sur cette prescription au risque de favoriser des abus sexuels pour ceux qui ne peuvent contrôler leurs pulsions. Le célibat sacerdotal s’impose au XI ème siècle pour combattre le trafic des charges ecclésiastiques au profit des familles de prêtres, Grégoire VII demande que l’on ordonne des hommes célibataires, comme cela était prévu pour les moines. Inscrite dans le droit canonique cette règle connaît des exceptions pour les prêtres venant d’autres confessions (par exemple Eglise catholique de rite oriental). Alors pourquoi l’Eglise se sépare t-elle des prêtres qui désirent vivre leur prêtrise au sein du mariage.
    Après Vatican II j’ai connu des prêtres obligés de quitter le sacerdoce car tombé amoureux d’une femme et désirant l’épouser ils ne pouvaient plus exercer la prêtrise. Certains de ces prêtres sans ressources ont fini à la rue…Est-ce que l’Eglise au long des siècles a toujours eu raison ? Benoit 16 a participé à la réforme de Vatican II. Maintenant qu’il est devant l’Eternel il sait..

  3. Dieu a rappelé auprès de lui ce grand Homme qui avec Jean-Paul II a fait , nous a fait tant de bien en nous montrant avec intelligence et humilité le dur chemin de la foi.
    Je souhaite de tout coeur que Monseigneur Robert Sarah leur succède et nous apporte cette force et cette passion qui s’éloigne de nous sous ce pontificat.
    Meilleurs voeux à tous

  4. Benoît XVI défendait une doctrine pure, ce grand spirituel fut également un grand intellectuel beaucoup plus abordable dans ses écrits que Jean-Paul II, certainement le pape le plus équilibré depuis Pie XII.
    Malheureusement il fut élu à un âge déjà avancé,plus jeune il aurait été capable de restaurer la liturgie et la formation du clergé .
    Espérons que des papes plus jeunes soient désormais élus,et que le titre de pape émérite soit aboli car cela n’a aucun sens, évêque émérite de Rome semblerait plus logique,il ne peut y avoir deux papes dans l’Eglise !

  5. Benoît XVI s’est-il retiré ou l’a-t-on « retiré » parce que trop intellectuellement honnête? Il reste pour moi un très grand pape: le contraire du délégué syndical actuel. Qu’il repose en paix.

  6. C’est l’autre chargé de mission de déconstruction de notre culture judéo-chrétienne, apôtre de la nouvelle religion immigrationniste confondant compassion humanitaire et charité chrétienne qui doit être satisfait en son for intérieur de la disparition d’un vrai pape, sa voix s’est tue et la voie est dégagée.

  7. C’est l’autre chargé de mission de déconstruction de notre culture judéo-chrétienne, apôtre de la nouvelle religion immigrationniste confondant compassion humanitaire et charité chrétienne qui doit être satisfait en son for intérieur de la disparition d’un vrai pape.

  8. Le mécréant que je suis sans doute avait perçu les qualités de ce pape pourtant placé dans la difficile succession de Jean-Paul II. Dans ce monde d’incapables et de perturbés mentaux, le départ d’un tel homme se fait particulièrement sentir. Qu’il repose en paix et prie pour son successeur…

  9. Benoit XVI, grand intellectuel, avide de vérité, ennemi du relativisme triomphant, timide et éloigné de la comm’ à tout crin ne pouvait pas plaire aux superficiels qui font l’opinion de notre temps. A moi il me manque. J’aimais son regard doux, sa manière d’être et pas de sembler.. J’ai de la peine et je prie pour que Dieu l’accueille dans son paradis.

  10. Sa Sainteté Benoît XVI est mort en tant que Pape (émérite au sens qui mérite de l’être) car il n’a jamais renoncé au « munus », mais il a été empêché par les ennemis de l’Eglise qui sont à l’intérieur du Vatican d’exercer le « ministerium », c’est-à-dire d’agir comme pape. C’est pour cette raison qu’il s’est retiré en situation de « Siège empêché » dans l’enceinte du Vatican. Le conclave qui a élu un usurpateur du nom de Bergoglio était illégal. Tout ce qu’a fait et dit Bergoglio est nul et non avenu, toutes ses nominations sont nulles et non avenues. Le Code de Droit Canonique est clair. Bergoglio n’est pas pape et Benoît XVI par son action a sauvé l’Eglise. Prions pour lui et prions pour l’Eglise et son petit reste!

  11. La tâche était rude pour le Pape Benoit XVI de succéder au charismatique Jean Paul II mais si il s’est montré discret il a été d’une grand utilité pour l’église et sa pérennité . Je n’en dirais pas autant de son successeur !

  12. Benoît XVI distinguait bien clairement la Parole et les discours, la Parole et les polémiques ou même le « buzz ».

    la Parole qui sort du silence. La seule qui nous atteigne.

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