Bénédiction des couples homosexuels par l’Église : combien de confusions ?

alvin-mahmudov-qJnsHa8DWyY-unsplash

L’Église, par la voix du cardinal Victor Manuel Fernandez, nouveau préfet pour le dicastère pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office) et intime du pape François, vient de publier une déclaration, Fiducia supplicans, signée par le pape François à la fin de son audience. Ce texte reconnaît au clergé la possibilité de bénir les couples homosexuels ou divorcés remariés. « Ça y est ! Le pape autorise la bénédiction des unions homosexuelles », peut-on lire à la une de journaux mainstream, un peu partout dans le monde.

Toutefois, bénir des personnes singulières – ce que l’Église a toujours fait, quelle que soit leur situation au regard de la morale catholique – et bénir des unions objectivement peccamineuses selon le catéchisme de l’Église catholique, ce n’est pas tout à fait la même chose…

Mais évidemment, dans une époque où règne la confusion, fille de l’ignorance, et où le christianisme devient minoritaire, dans une période où soigneusement l’opinion publique applaudira les avancées progressistes - réelles - du pape et taira tout aussi soigneusement ce qu’il a pu dire, par exemple, sur le respect de la vie, la déclaration Fiducia supplicans ajoute une (grosse) pierre au désordre dominant.

Que dit le texte publié le 18 décembre qui semble contredire cette réponse publiée il y a seulement deux ans par le même dicastère : « L’Église dispose-t-elle du pouvoir de bénir des unions de personnes du même sexe ? REPONSE : Non. » ?

Inclusion, solidarité, pacification

Les prémisses semblent être en continuité avec la doctrine jusque-là professée : « Cette déclaration reste ferme sur la doctrine traditionnelle de l'Église concernant le mariage, n'autorisant aucun type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion. » Mais « la valeur de ce document, cependant, est qu'il offre une contribution spécifique et innovante à la signification pastorale des bénédictions, qui permet d'en élargir et enrichir la compréhension classique, étroitement liée à une perspective liturgique. Cette réflexion théologique, basée sur la vision pastorale du pape François, implique un réel développement par rapport à ce qui a été dit sur les bénédictions […] Et c'est précisément dans ce contexte que l'on peut comprendre la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l'enseignement pérenne de l'Église sur le mariage. »

Ainsi, par « une compréhension plus large de bénédictions » celles-ci se transforment « en inclusion, en solidarité et en pacification. » Car il s’agit bien sûr d’« éviter de nous constituer en juges qui ne font que refuser, rejeter, exclure ». Puis le cardinal-préfet poursuit : « pour éviter toute forme de confusion ou de scandale, lorsque la prière de bénédiction, bien qu'exprimée en dehors des rites prescrits par les livres liturgiques, est demandée par un couple en situation irrégulière, cette bénédiction ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d'union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage. Il en va de même lorsque la bénédiction est demandée par un couple de même sexe. »

Un chef-d’œuvre du en même temps

Tout le texte est à l’avenant : trop confus, trop subtil, - ou jésuite ? - pour être parfaitement clair, il noie le lecteur, qu’il soit averti, profane ou béotien dans un flot de considérations vagues, parfois contradictoires :

« Les bénédictions peuvent être considérées comme l'un des sacramentaux les plus répandus et en constante évolution », considération qui ouvre la porte à ceci : « il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage. Dans ces cas, on donne une bénédiction qui n'a pas seulement une valeur ascendante, mais qui est aussi l'invocation d'une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut ».

Un langage peu clair, voire indigeste, qui annonce l’abandon dans les usages du rituel écrit et codifié de la bénédiction au profit d’une « créativité » pastorale où la fameuse inclusion considérée maintenant comme l’exercice d’une vertu cardinale prime sur l’usage et la signification – et donc le fruit spirituel – traditionnels de la bénédiction.

Une confusion théologique sous couvert d’innovation pastorale qui se traduit évidemment, en langage courant, par une réception erronée du propos du cardinal qui, on le répète, a été approuvé par le pape.

À cela rien d’étonnant : depuis le début de son pontificat, le pape François, sous prétexte de charité pastorale et tout en se défendant d’une quelconque innovation théologique, a fait de la confusion et donc d’une certaine forme d’anarchie un mode d’évangélisation.

Et l’on n’ose imaginer dans quelle situation se trouveront rapidement les curés de paroisses qui devront refuser le mariage religieux à des couples homosexuels, induits en erreur par les déclarations erratiques du Vatican.

Et que croyez-vous qu’il arriva ?

À peine ce texte publié, le père jésuite James Martin, paladin de la cause LGBT dans l’Église, grand ami du pape François et conseiller du dicastère pour la communication du Saint-Siège, ne s’y est pas trompé.

S’exprimant sur X et sur son blog, il écrit : « Il s’agit aussi d’un changement net par rapport à la conclusion "Dieu ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché" d’il y a à peine deux ans. La déclaration ouvre la porte aux bénédictions non liturgiques pour les couples de même sexe, ce qui était auparavant interdit aux évêques, aux prêtres et aux diacres. Avec beaucoup de prêtres, je suis maintenant heureux de bénir mes amis dans les unions du même sexe. »

Comme disait le défunt cardinal Pell : « Roma loquitur, confusio augetur » (« Rome parle, la confusion grandit », NDLR).

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

55 commentaires

  1. On se doit effectivement d’être plus clair: accueillir un couple homosexuel dans l’Eglise, comme tout individu pratiquant ou non d’ailleurs, est une ouverture souhaitable, mais n’implique pas d’en bénir l’union, qui serait en soi une contradiction avec ce qu’on croit en étant chrétien, et encore moins de la consacrer, avec la signature des registres, etc…
    Moi qui ne suis pourtant pas extrémiste, loin s’en faut, j’accueillerais cette mesure avec beaucoup d’écart, quitte à boycotter des cérémonies de telle sorte!

  2. Le camarade-pape François aura décidément fait beaucoup en faveur de la Fraternité Saint-Pie X !
    Prions donc pour que désormais, cette Fraternité puisse reprendre et maintenir le flambeau !
    Après tout, notons que si l’Église Anglicane a cru bon, en son temps, de se séparer de Rome, la Foi de l’Empire Britannique ne semble pas s’en porter plus mal aujourd’hui !
    Et au point où nous en sommes…

  3. Homosexuels ou homo-sapiens, c’est normal, ils sont les enfants ou les créatures de DIEU. Le Pape François a raison.

  4. Consternant. La fin de ce pontificat s’avère chaque jour un peu plus contestable – c’est le moins que l’on puisse dire -, mais que pouvons nous faire ?

  5. Bonjour Madame d’Armagnac,
    Ce pamphlet contre le Pape François et l’Eglise Catholique d’aujourd’hui ne vous grandit pas. Si – comme je le crois – vous êtes Catholique, cette invective publique est déplacée et hors de propos. Que certaines position pontificales puissent vous heurter, pourquoi pas? Mais est-il nécessaire d’en faire polémique en milieu séculier? De plus, vous êtes trop fine pour ne pas connaitre le gouffre qui sépare un sacrement d’une simple bénédiction. Le premier est un acte institué par le Christ, le second n’est qu’une simple demande adressé par l’homme à son Créateur.

    • Le pape n’est pas infaillible et commet de nombreuses bourdes , je suis poli, il est à des années lumières de ses prédécesseurs et à trop vouloir être dans la mêlée il se trompe et trompe tout le monde .

    • Désolé de vous contredire, mais il n’y a pas de gouffre entre une messe de mariage et une bénédiction; le seule différence est eucharistique, pour éviter de distribuer la communion à des fidèles non pratiquants. Mais la bénédiction reste telle quelle dans ce cas, ainsi que la signature du registre, et ceci concernant des couples non hétérosexuels est pour moi une imposture, faite dans notre dos, et je ne suis pas rigoriste.
      Là où je vous rejoins, concernant « l’invective publique », c’est que le sacrement de mariage concerne hélas une proportion (trop) faible des couples, et parmi eux une part encore plus infime d’homosexuels!

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois