On aimerait bien se persuader que les juges font toujours bien leur travail et qu'ils disposent des moyens juridiques et matériels d'y parvenir. Malheureusement, c'est utopique. Le 14 avril, on apprenait qu'un détenu, libéré en 2020 à cause de la crise sanitaire, avait violé une mineure six mois après sa libération anticipée. On apprenait aussi que le meurtrier de Sarah Halimi ne serait pas jugé : il aurait commis son crime lors d'une « bouffée délirante aiguë », après une forte consommation de cannabis. Aujourd'hui, on apprend que le dernier mis en cause dans le meurtre des deux cousines de 20 ans Laura et Mauranne, poignardées à la gare Saint-Charles de Marseille, en octobre 2017, bénéficie d'un non-lieu et ne sera pas poursuivi.

Le père d'une des victimes se dit « écœuré ». Il s'apprête, avec son avocat, à faire appel. Le présumé islamiste, d'origine tunisienne et frère de l'assassin, avait été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d'atteintes aux personnes ». Il se trouvait en France avant l'attentat, pour la première fois de sa vie, et avait eu des échanges téléphoniques réguliers avec son frère, y compris quelques heures avant les faits. Il avait été arrêté en Italie, où il se serait réfugié ensuite. Son signalement précisait qu'il avait fait « le djihad en territoire syro-irakien, avec une expérience de caractère militaire ».

Ce faisceau de présomptions n'a pas convaincu les juges. Pas de preuves suffisantes, donc un non-lieu. Circulez, y a rien à voir ! Il se trouve qu'il purge actuellement une peine de douze ans de prison en Tunisie pour des entraînements, collectes d'argent et cambriolages en lien avec une organisation terroriste : la Justice tunisienne semble plus sévère que la nôtre envers les criminels soupçonnés d'islamisme. À se demander si la clémence de nos juges n'est pas calculée : jugé en France, à supposer qu'il fût condamné, aurait-il été expulsé après avoir purgé sa peine ? Ou l'aurait-on nourri et logé aux frais de la princesse ?

Devant une telle situation, ce mot de Shakespeare, dans Hamlet, serait approprié : « Something is rotten in the state of Denmark ». Il y a quelque chose de pourri dans le fonctionnement de la Justice. Non que les juges n'appliquent pas le droit, mais le droit n'est plus adapté à la violence actuelle. Il est impuissant face aux criminels qui prennent un malin plaisir à le contourner ou à le détourner à leur avantage. Dans ce domaine, les islamistes en connaissent un rayon.

Ce n'est pas la réforme présentée en Conseil des ministres par Éric Dupond-Moretti qui arrangera les choses. En troquant sa robe d'avocat contre un portefeuille ministériel, il n'a pas acquis d'emblée, comme par miracle, les compétences indispensables pour garantir l'indépendance de la Justice et promouvoir l'institution judiciaire. On peut être un bon avocat et un très mauvais garde des Sceaux, tant il est difficile de perdre ses anciennes habitudes. Erreur de casting, de la part d'Emmanuel Macron ? Ou un pion assorti à son gouvernement fantoche ?

Si le droit n'est plus adapté, il faut le modifier. Encore faut-il le vouloir. L'Union européenne tend à imposer sa loi aux États membres. Quand ses moyens de pression sont limités, Emmanuel Macron, le fayot de la classe, prend les devants et se plie à sa volonté. La France ne pourra réformer sa Justice et la contraindre à marcher droit qu'en recouvrant son entière souveraineté.

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15 avril 2021 à 16:40

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