Après le front des retraites, l’affront de la loi de programmation militaire

soldat français

Décidément, quand ça veut pas, ça veut pas. On pensait que le projet de loi relatif à la programmation militaire 2024-2030 serait, justement, une promenade militaire printanière pour le gouvernement après avoir échappé de peu à une Bérézina sur le front hivernal des retraites. Eh bien, même pas ! La conférence des présidents de l’Assemblée nationale, chargée de fixer l’ordre du jour, saisie par Olivier Marleix, président des députés LR, a estimé que l’étude d’impact commandée par le gouvernement était insuffisante. Une étude qui serait « insincère », selon Marleix.

Précisons que la conférence des présidents de l'Assemblée nationale est composée de la présidente, des six vice-présidents, des neuf présidents de commissions, des rapporteurs des commissions des finances et des affaires sociales et des dix présidents de groupes politiques. Au total, 16 députés de la majorité, 12 de l’opposition. Même en ayant la majorité au sein de cette instance, le gouvernement a trouvé le moyen d’essuyer un nouveau revers parlementaire. La démarche du président Marleix, appuyée par les autres oppositions, contraint de retarder l’inscription du texte à l’ordre du jour de la chambre basse, après que le Conseil constitutionnel – décidément très sollicité, actuellement ! - se sera prononcé sur la validité de cette étude d’impact.

Ce petit camouflet est une première, d’autant qu’il concerne un sujet qui fait plutôt consensus : celui de la Défense. Le président Renaissance de la commission de la Défense et des forces armées, Thomas Gassiloud, a beau dénoncer ce qu’il qualifie de « politique politicienne », cette nouvelle escarmouche démontre, une fois encore, la fragilité de la majorité et, plus largement, de la Macronie. C’est aussi un petit échec, disons-le, pour le sémillant Sébastien Lecornu, présenté par certains comme un potentiel futur Premier ministre, comme l'évoquait, dimanche, Frédéric Sirgant.

Manque de sincérité, donc ? Ce n'est pas possible.

Pourtant, lorsqu’on se penche sur l’avis du Conseil d’État sur cette loi de programmation, rendu le 5 avril dernier, que lit-on ? « En ce qui concerne l’évolution des crédits, le Conseil d’État note, comme le fait le Haut Conseil des finances publiques dans son avis, que l’augmentation prévue est plus forte à la fin de la période couverte (2028, 2029 et 2030) qu’au début. Il souligne qu’à un tel horizon, qui excède celui du projet de loi de programmation des finances publiques au vu duquel le HCFP a émis son avis, et alors que d’ici là plusieurs exercices de programmation d’ensemble des finances publiques auront été conduits, les chiffres indiqués sont affectés de nombreux aléas... » Cet avis, délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’État, fin mars, calme les enthousiasmes qui avaient suivi les annonces faites par Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées, le 20 janvier dernier, à Mont-de-Marsan. Disons-le tout court : l'annonce des 413 milliards d’euros consacrés à notre outil militaire avait eu un véritable « effet waouh ! » Jupiter se transformait en dieu des armées ! Mais, en des mots bien choisis, le Conseil d'État nous dit que prévoir une augmentation plus forte des crédits en 2028, 2029 et 2030, autrement dit après 2027 (après moi le déluge ?), revient à faire des plans sur la comète, fabriquer des chars en papier, sculpter dans la fumée.

Le 31 janvier, Turenne, dans ces colonnes, avait, à travers de nombreuses questions (notamment celles de la reconstitution de nos stocks stratégiques, du financement du doublement de la réserve opérationnelle, de l’adaptation de notre industrie de défense), posé en quelque sorte celle de la sincérité de ce projet de loi de programmation militaire. On a aujourd'hui un début de réponse.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Du vent, toujours du vent à quoi s’attendre d’autre de ce gouvernement qui ne voit comme horizon indépassable pour résoudre notre indépendance énergétique que la multiplication des éoliennes. Et dire qu’il y a un an, il était encore possible de siffler la fin de la partie.

  2. et ajouter l’annonce du 2ème porte-avion français pour 2038, c’est dans la lignée macronienne, faire des annonces, des actes, « mais c’est quoi un acte » se demandent-ils ?

  3. Cette étude d’impact a sans doute été « inspirée » par Ersnt and Young ou Mc Kinsey !

  4. La France est ruinée avec ses 3000 milliards d’euros de dettes. Je crois savoir que pour cette année, l’Armée française peut acheter 5 pistolets à bouchon et 3 lance-pierres (payables en 3 fois) autant dire que Poutine est terrifié.

  5. Comme d’habitude avec les socialos républicains, l’Armée sera la variable d’ajustement budgétaire de service . Et quand Macron l’enverra faire les manœuvres européennes avec l’Otan en Allemagne au mois de juin prochain, quand elle rentrera, qu’elle ne s’étonne pas qu’une opération des forces spéciales américaines soit venues « transvaser » tout l’or de la Banque de France, suite à une demande de protection spéciale de la part du président macron.
    Adieu PAN N°2, Rafales F4, Scorpions et autres drones armés. Sans parler des frégates multi missions et autres chars Leclerc. ce sera le remake du film britannique de 1969 « l’or se barre » avec les américains s’enfuyant dans des gros porteurs A400M installés sur les pelouses du château de MBS à Louveciennes.
    Ruinée, la France demandera la protection des lois américaines sur les faillites bancaires. Et Jupiter sera accueilli comme un sauveur chez les anglais.

  6. « … Manque de sincérité, donc ? Ce n’est pas possible. … »

    Ne vous inquiétez pas, il va passé au forceps … le gouvernement va bien nous dégoter quelques alinéas constitutionnelles pour cela. Trafiquer l’esprit et l’usage de notre constitution et de nos textes pour légitimer une loi de programmation aux forceps … on a réuni dans le même bocal tous les spécialistes de la question.

    Il doit bien y avoir un 49.2, un 47.3 ou un 380 de marine pour réussir cette mayonnaise.

    Déjà prenez comme postula que l’autonomie stratégique n’est pas pour la France … c’est pour une UE qui n’en veut absolument pas. Donc là on en a pour au moins 30 ans de carambouilles.

    Donc fini veaux, vaches, cochons … pour le festin de nos militaires.

    Avec une présence sur cinq continents on n’aura qu’un porte avion. Point final. La Turquie vient d’achever son premier Porte Drone … qu’envisage-t-on pour nos 2 BPC, tout mignon … etc … etc … Et j’en ai marre d’évoquer nos programmes limaces avec l’Allemagne …

    Donc Messieurs ceinture !!! prenez des bretelles.

  7.  » revient à faire des plans sur la comète, fabriquer des chars en papier, sculpter dans la fumée. » La méthode macron. Il ne sait rien faire d’autre que des effets d’annonce, jamais concrétisées. Le seul domaine où il est actif, c’est la destruction du pays. Il suit parfaitement sa feuille de route.

  8. C’est le même coup que pour la construction des prisons depuis 20 ans.
    Chaque président avait promis la construction de ces établissements pendant le mandat de son successeur.
    Et systématiquement, le successeur n’en faisait rien et remettait le projet au prochain mandat.
    J’y vois uniquement une manœuvre de clientélisme.
    On promet pour satisfaire la droite, mais comme on sait que les gens confrontés au réel comme les FDO, les gardiens de prison ou les militaires, votent à droite, on fait tout pour ne pas grossir leurs rangs.

    • Martin Cale, depuis 20 ans? vous êtes gentil, moi je l’entends depuis 40 ans vous vous souvenez, sous Mitterrand

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