Amazon Prime, ou les méfaits de la mondialisation
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Pour les abonnés au service Amazon Prime, c’est la douche froide. Le service du géant américain passe de 49 euros annuels à 69,90 euros. Un bond de 40 % du prix, participation bien sentie du patron d'Amazon Jeff Bezos à la lutte contre l’inflation au pays d’Emmanuel Macron. Amazon Prime, c’est ce service qui vous offre l’accès à une livraison accélérée de tout ce que vous commandez chez le supermarché géant du Web et qui vous propose des émissions, du sport, des films, des livres ou des musiques.
Bien sûr, ça peste sur les réseaux sociaux où les Français ont le sentiment de s’être fait coincer le doigt dans la porte. D’autant que le désabonnement du fameux Amazon Prime n’a pas l’air tout simple : Amazon s’est même fait taper sur les doigts sur le sujet. De quoi réfléchir aux bienfaits de la mondialisation chère à nos politiques et à leurs très chics et très faillibles influenceurs depuis des décennies.
C’était beau, Amazon, à son arrivée en France. On racontait aux enfants l’histoire de Jeff Bezos, créateur de ce service merveilleux avec un ordinateur et deux ficelles. Un bienfaiteur de l’humanité, Jeff Bezos. Pensez donc, il commercialisait des livres ! Vous êtes contre les livres, vous ? Vous ne voulez pas que les gens puissent lire librement et sans se ruiner ? Vous êtes pour les frontières, comme avant ? Vous préférez les petits commerces aux multinationales qui servent la même soupe partout, facturent en France, ramassent les bénéfices aux États-Unis et embauchent ailleurs ? Méchant ! Ringard ! Malgré une brève polémique, malgré les gesticulations inutiles de l’Europe, on lui a vite déroulé le tapis rouge, à Jeff Bezos, lorsqu’il s’est installé en France en août 2000. Les régions se sont battues pour qu’il puisse « créer des emplois » en ouvrant ses fameux entrepôts. Ses chauffeurs ont pris l’habitude d’uriner dans une bouteille pour ne pas retarder la livraison. On s’est frotté les mains. Roland-Garros, par exemple, a cédé une partie de ses droits télévisés à Jeff Bezos. Ca payait mieux que France Télévisions.
Bref, la mondialisation s’annonçait heureuse, une fois de plus.
Les petits libraires indépendants ont bien tenté de résister. Ils se sont dressés pour certains comme de vulgaires Gaulois indisciplinés devant le bulldozer américain. En vain. Résultat ? Selon l’enquête BDCOM 2020 sur l’état des commerces à Paris (publiée le 8 février 2021 sous l’égide de la chambre de commerce de Paris-Île-de-France et de la ville de Paris), nos librairies de quartier disparaissent sans un regard de nos grands globalisateurs. « Les commerces culturels et de loisirs (environ 5.300 magasins), en diminution depuis 2005, sont aussi moins nombreux depuis 2017 (-5,1 %, -285 magasins environ), impactés notamment par la concurrence de la vente en ligne, explique ce rapport officiel. Ce sont particulièrement les librairies qui voient leurs effectifs diminuer plus fortement qu’au cours de la période précédente (-58 en 3 ans). » Le phénomène vaut à Paris et ailleurs. Le livre, cœur de métier historique d’Amazon… Depuis, on n’entend plus trop les libraires. Certains sont subventionnés par l’État, ils se taisent. D’autres ont disparu, ils se taisent aussi. Ce que les libraires français n'ont pas le droit de faire (augmenter leurs prix, ceux des livres), Jeff Bezos l'a fait d'un claquement de doigt.
Au moins, Amazon, cette entreprise parangon de la mondialisation heureuse, fait-elle profiter la France de son expansion en recrutant à pleins tuyaux ? On est tellement bien, en France et en Europe ! C’est tellement mieux pour les investisseurs, la France en Europe ! Pas comme chez ces Anglais butés comme des ânes, enfermés dans leur Brexit qui les ruinera, foi de mondialiste !
Hélas, une dépêche toute récente de Challenges et de l'AFP datée de ce 15 juillet a de quoi rincer les derniers gogos admirateurs du drapeau à étoiles. Amazon a choisi en priorité pour élargir ses troupes… le pays de Boris Johnson ! Il va embaucher « plus de 4.000 personnes supplémentaires cette année au Royaume-Uni en CDI ». « Cela devrait faire grimper ses effectifs dans le pays à 75.000 personnes et faire du groupe l'un des dix premiers employeurs privés au Royaume-Uni », ajoute la dépêche. En France, Amazon vise plus modestement la barre des 18.500 employés en CDI à la fin de l’année : quatre fois moins. Le prix de la ruine de combien de petits commerces, librairies et autres ! Au Royaume-Uni, « le géant Internet a été l'un des plus gros bénéficiaires de la pandémie et des confinements lorsque les magasins étaient fermés, poursuit la dépêche AFP. En tout, Amazon dit avoir créé 40.000 emplois au Royaume-Uni en trois ans. » En plein Brexit ! Et dire qu’on nous prédisait la fuite éperdue et en masse des grands groupes et des investisseurs anglais pressés de se réfugier en France... No comment, comme disent les Anglais.
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