Albéric Saint-Martin : « De mauvaise foi, un film au côté catho assumé ! »

Le film est sorti le 7 mai dernier. De mauvaise foi est une comédie rafraîchissante comme on aimerait en voir plus, aujourd'hui, dans le cinéma français. Son réalisateur, Albéric Saint-Martin, a bien voulu répondre aux questions de Nicolas Gauthier.
Nicolas Gauthier. Sans surprise, les critiques les plus négatives de votre film, De mauvaise foi, sont signées par Télérama et La Croix. En est-ce vraiment une ?
Albéric Saint-Martin. Il en faut pour tous les goûts ! Nous nous attendons à plus d’entrées en province que dans les grandes villes, notre film évoquant davantage la douceur de vivre que les sentiments torturés. Il s’agit donc plus d’un film « provincial » que d’un film « parisien ». Le film raconte d’ailleurs le rat des villes qui rencontre celui des champs. Mais c’est avant tout une comédie.
N. G. Nombre de journalistes comparent votre film à Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu, de Philippe de Chauveron. D’autres ont encore évoqué La vie est un long fleuve tranquille, d’Étienne Chatilliez. Quitte à faire dans l’analogie, De mauvaise foi me paraît plus proche des comédies de Thomas Gilou, Black Mic-Mac, Raï ou la trilogie de La vérité si je mens. Lesquelles exploraient à chaque fois un milieu sociologique donné : celui des Africains de Paris, des Beurs de banlieue ou des Juifs sépharades du Sentier. Un peu comme le vôtre, qui nous fait entrer dans un milieu tout aussi peu connu, celui des catholiques de tradition. Mais Oscar, de Jean Giraud, avec Louis de Funès, comédie avec portes qui claquent, n’est pas sans évoquer votre film. On se trompe ?
A. S.-M. Non, je suis aussi en partie issu du théâtre de boulevard, et dans ce registre, Oscar demeure une référence incontournable. Et tant qu’à évoquer de possibles influences, il y a encore celles des comédies de Philippe de Broca. Quant à celles de Thomas Gilou que vous évoquiez à l’instant, j’y ai aussi pensé un peu. Car il s’agit là d’entrer dans un milieu sociologique donné et de s’amuser avec ses défauts ou ses qualités. Une sorte de Vérité si je mens, façon catholique. Gérard Oury avait entrepris la même chose avec Les Aventures de Rabbi Jacob.
Des combines pas toujours très pieuses…
N. G. De ce milieu catholique de tradition, vous dépeignez fort bien les travers. Pourtant, cette France se prétendant « bien élevée » ne l’est pas toujours. Car après tout, le principal personnage incarné par Pascal Demolon finit par avouer qu’il est plus pratiquant que croyant et qu’il piétine parfois les valeurs qu’il entend défendre…
A. S.-M. Exactement. C’est vraiment ce qui m’a séduit, dans le roman de Thomas Hervouët, Les Pieuses Combines de Réginald, et qu’on a essayé de retranscrire dans le scénario, avec Hubert de Torcy : la complexité de la foi. Avec ses lumières, mais aussi ses conflits intérieurs, ses contradictions… et parfois son hypocrisie. Une belle matière pour de la comédie !
N. G. Il est vrai que le héros du film, bourgeois catholique qui se débat à la fois pour sauver son château et marier sa fille, paraît de fait plus « bourgeois » que « catholique »…
A. S.-M. C’est effectivement l’un des maux dont souffre parfois ce milieu…
N. G. Dans un semblable registre, il y a cette jolie scène entre les deux tourtereaux, l’un s’excusant d’être un « catho sauvage », alors que l’autre avoue être une « catho d’élevage ». Vous ouvrez là un vaste débat, entre la foi reçue en héritage et celle dont on s’approprie, un peu à la hussarde, le même héritage…
A. S.-M. Catholique, celui donné pour « sauvage » l’est peut-être un peu plus que celui « d’élevage », qui a tout reçu à la naissance et aura éventuellement perdu un peu de sa fraîcheur. Mais ce film ne prétend pas, non plus, être une leçon de catéchisme ! Pourtant, cette thématique de la foi a beaucoup parlé à l’équipe technique, dans laquelle il y avait évidemment de tout, croyants, non-croyants, sans négliger tous ceux qui se posaient des questions.
Aborder la chasteté avec légèreté…
N. G. Vous n’hésitez pas, non plus, à aborder ce qui est devenu une sorte de tabou, en notre société postmoderne : la chasteté avant le mariage. Pourtant, cela n’est pas forcément catholique, l’islam et le judaïsme prônant eux aussi la même virginité prémaritale. Votre film serait-il donc inclusif ?
A. S.-M. Cet aspect était dans le roman, je tenais à le traiter de manière amusante et la moins lourdingue possible. Le soupirant de notre héroïne se demande comment de telles valeurs peuvent encore exister aujourd’hui, mais il est bien obligé de les respecter, d’autant qu’Athénaïs a un sacré caractère !
N. G. La preuve en est que même le personnage du trader cynique, son fiancé officiel, respecte ce vœu de pureté…
A. S.-M. Il fallait que ce regard « antimoderne » soit mis en lumière, il n’est pas banal. Et ces deux prétendants n’ont d’autre choix que de, justement, respecter ce même choix. Tout l’enjeu était d’évoquer ça de manière intelligente.
N. G. Mais comme on vous sent malin, la scène du baiser, dans laquelle le geste sensuel du fiancé un brin appuyé est tôt interrompu par la fiancée, est finalement d’un érotisme torride. C’était voulu, ou seulement dû à la beauté renversante de Romane de Stabenrath, qui n’incarne pas vraiment le cliché du tromblon à moustaches, façon serre-tête et col Claudine ? Comme quoi on pourrait être à la fois catho et coquin ?
A. S.-M. Le magnétisme de Romane apporte beaucoup à la scène, qui montre vraiment l’attirance des deux personnages. Et quand on se cantonne à la suggestion et à la retenue, c’est toujours beaucoup plus évocateur… C’était la force de Grace Kelly chez Hitchcock !
N. G. Cela se voit aussi dans les rapports entre les parents, incarnés par Pascal Demolon et Herrade von Meier, respirant tout l’amour conjugal, certes spirituel, mais également charnel…
Un film pas très hygiéniste…
A. S.-M. Et pourtant, en voulant bien faire, le père de famille fait tout de travers. L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions ! Quant à Herrade von Meier, elle a apporté beaucoup de sa verve à ce film, n’hésitant pas à parfois improviser, telle cette réplique, « maintenant, pipi, la prière et au lit ! », qui est une de ses trouvailles. Elle a véritablement incarné le personnage, un peu grenouille de bénitier toujours entre deux chapelets, et passablement foldingue…
N. G. Mais finalement si attachante, à la fois pieuse et sensuelle…
A. S.-M. Elle est parfaite, dans le rôle !
N. G. Vous revendiquez le théâtre de boulevard. Mais à propos de théâtre, il y a aussi Philippe Duquesne, personnage rabelaisien par excellence, qui joue un peu les chœurs antiques ?
A. S.-M. Il apporte une vraie bonhomie au personnage.
N. G. On voit qu’il aime boire et manger, ainsi que son patron de notaire, accroché à sa bouffarde et toujours entre deux verres. Votre film n’est pas très hygiéniste…
A. S.-M. Il est vrai qu’ils fument, qu’ils boivent et qu’ils roulent en diesel dans Paris ! C’est loin d’être anodin, à l’époque dans laquelle on vit…

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

Un commentaire
Ce film est excellent! Je l’ai vu avec grand plaisir. Un plaisir, d’ailleurs, à consommer en famille!