Aide médicale d’État : c’est généreux, la France !

"C'est grand, c'est beau, c'est généreux, la France…" disait de Gaulle en 1958. Et ça l'est même de plus en plus pour certains, puisque l'aide médicale d'État (AME), créée en 1999 par Lionel Jospin, va voir son budget augmenter de 108 millions en 2018, pour atteindre une somme voisine du milliard.

Ce dispositif permet aux étrangers non européens en situation irrégulière et à leurs ayants droit d'être soignés gratuitement (sous réserve de remplir certaines conditions : trois mois de résidence en France et revenu inférieur à 700 euros par mois environ). La mesure vise un objectif non seulement humanitaire, mais aussi de santé publique, puisque notre politique migratoire (ou son absence) entraîne la recrudescence de maladies contagieuses qu'on pouvait croire en voie de quasi-disparition.

Pour le FN, ce sont les migrants qui importent leurs maladies. D'ailleurs, Marisol Touraine elle-même reconnaissait que l'AME ne permettait pas seulement de soigner les personnes, mais également "d'éviter la propagation de certaines maladies sur le territoire national". Mais pour les associations de défense des migrants, ce sont leurs conditions de précarité et l'insalubrité de leurs hébergements qui en précipitent le déclenchement. Qu'importent les causes, les effets sont là...

Et comme bien des mesures sociales, celle-ci a immanquablement inspiré les fraudes : ressources réelles dissimulées, site Internet chinois proposant des cartes AME payantes, médecins escrocs inventant des actes fictifs, tourisme médical… Selon les auteurs de Santé, le grand fiasco, jusqu'en 2011 [date d'un décret d'abrogation] des femmes sans papiers se sont fait rembourser intégralement leurs cures thermales et des parcours de soins type procréation médicalement assistée (PMA) avec des fécondations in vitro (FIV), lesquelles ont coûté en moyenne 8.000 € chacune (rapport de l'Inspection générale des finances de novembre 2010). À Paris, en 2009, 22 bénéficiaires de l'AME ont eu recours à des PMA pour plus de 99.000 euros."

Médecins du monde réfute l'idée que l'AME générerait un « appel d'air », car 90 % des migrants se rendraient en France, en Europe, pour des raisons économiques, et "seulement 6 à 10 % pour des motifs médicaux". Mais 6 à 10 % de… combien, au fait ? Ça fait beaucoup !

Personne ne remet en cause le principe humanitaire de l'AME, mais la gratuité généralisée des soins – qui souvent, par ailleurs, explique la désinvolture de ses bénéficiaires à leur égard - choque un nombre croissant de soignants.

Enfin, on remarquera qu'un patient AME est aujourd'hui mieux couvert qu'une personne payant ses cotisations mais n'ayant pas de mutuelle ou pas accès à la CMU complémentaire. Le premier est pris en charge à 100 % alors que le bénéficiaire de la Sécurité sociale ne l'est qu'à 70 % pour ses consultations, et entre 15 % et 65 % pour les médicaments. Ce que certains appelleraient "la préférence étrangère"…

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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