Sur l'âge du départ en retraite, plus de la moitié des Français sont farouchement opposés à l'âge pivot de 64 ans proposé par le gouvernement. Or, on nous explique que cette mesure est nécessaire pour équilibrer le régime des retraites.

Les pontes du libéralisme y vont tous de leur petite phrase pour démontrer l’impossibilité de faire autrement, au vu de la démographie. Certes... Mais il n'est pas besoin d'être un expert pour savoir que deux années de plus vont créer deux années de chômage ou d'inactivité chez les jeunes qui ne parviendront pas à entrer dans le monde du travail. Ces deux années creuseront donc un déficit dans la caisse de l'allocation chômage ou retireront du pouvoir d'achat à des foyers qui consommeront moins. Autant dire qu'il s'agit là d'une opération quasiment neutre pour l'équilibre des comptes de l'État.

Mais alors, pourquoi envisager une telle mesure, si défavorablement perçue par l'opinion publique ?

En vérité, si nous sommes de moins en moins à travailler sous la pression de la logique de rentabilité du capitalisme, celui-ci doit doit continuer à être valorisé par le travail ; c'est pourquoi le chômage est devenu systémique, et ceux qui ont la chance de travailler doivent travailler toujours plus.

Dans la logique libérale, le travail est devenu une valeur d'échange, au même titre que la marchandise.

Pour maintenir le capital et la finance apatride en place, dans un monde globalisé et sans frontières, il paraît donc nécessaire d'augmenter la durée de travail (même s'il y a beaucoup de chômage) afin de s'aligner sur les pays qui ont déjà pris ces mesures. Dans l'espoir, sans doute, de maintenir l'attractivité envers les investisseurs et de permettre aux financiers apatride de continuer à spéculer librement.

Et la même logique s'applique dans d'autres pays pour ce qu'on appelle les « travailleurs pauvres ». Il faut à tout prix trouver un compromis entre compétitivité et sécurisation du capital par le travail effectif.

Plus qu'à maintenir les comptes, cette mesure vise avant tout à faire perdurer un système en place et tous ceux qui font travailler l'argent. En attendant, les Français commencent à s'opposer les uns aux autres. On tape sur les régimes spéciaux, on tape sur les fonctionnaires. Pourtant, les vrais privilèges ne sont pas là. Mais l'opération de communication aura fonctionné. Le Président qui se disait rassembleur et taxait son opposant, au second tour de l'élection présidentielle, de diviseur, aura réussi à dangereusement fracturer la société. Pire : il sera parvenu à créer une époque significativement prérévolutionnaire.

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20 décembre 2019 à 20:35

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