Adieu Odysseus : Ulysse, nouveau mâle blanc exclu des programmes !
Adieu, l’homme aux mille ruses. Toi, le héros vaillant qui as su ouvrir la ville de Troie après un siège de 10 ans et tant de combats par définition homériques, tu vas déserter les classes du lycée de Lawrence dans le Massachusetts. Les chants qui ont fait connaître ta gloire sont bannis. Chassés. Censurés. Exclus.
Trop de violence. C’est vrai que tu n’as pas été très Charlie avec les prétendants de Pénélope. En plus, attendre qu’ils aient mangé tes viandes et bu le vin pillé dans ta cave avant de les attaquer par surprise à quatre contre cinquante, c’est abuser de ta force. Et pas la moindre mansuétude : tous passés par les armes. Et les servantes qui se sont vautrées dans la luxure avec eux, était-il indispensable de les pendre ? Elles étaient des victimes du patriarcat ! Quant à la prise de Troie chantée par l’aède devant Alkinoos, c’est meurtres et pillages à en faire pâlir le plus blasé des cinéastes gore. OK, tu n’étais pas seul, mais c’est à se demander si les achéens victorieux n’étaient pas des barbares. Oui, c’est un oxymore.
Trop de stéréotypes de genre, aussi. Pénélope qui tisse sa toile et qui t’attend, comme une gourdasse qui ignorerait tout d’Olympe de Gouge, Simone de Beauvoir et Judith Butler. Mon corps mon choix, elle pouvait partouzer avec 50 prétendants ou se réfugier dans les bras des servantes peu farouches susnommées, au lieu d’attendre ton retour. Surtout que tu as été volage. Circé et Calypso étaient consentantes, pourquoi s’en priver ? Et Nausicaa, elle s’occupe elle-même de la lessive, encore une esclave domestique, toute princesse qu’elle soit !
Trop de racisme enfin. C’est juste un peu moins évident à prouver que pour les autres. Quand Circé transforme tes marins en porcs, ce n’est pas halal et c’est par conséquent islamophobe et donc raciste.
Bref, dans ce livre où tes aventures sont contées, il y a trop de violence, trop d’assignation à des stéréotypes de genre oppressifs, trop de racisme, trop de mal-pensance en général pour que les nouvelles générations s’encombrent la tête avec ça. Alors, ton carnet de voyage de dix ans en Méditerranée, tes souvenirs d’ancien combattant, tu peux les ranger dans le tiroir et tu te fais oublier.
Oui, je sais, tu as été pendant 28 siècles un inspirateur patenté de tous ceux qui taquinaient la muse ou grattouillaient le parchemin de leurs plume. Ronsard, Fénelon, Jean Giono, James Joyce, Robert Graves, etc... te remercient pour avoir fourni le personnage, mais maintenant, c’est rideau. Au moins à Lawrence, Ma, USA. Tant pis pour les futurs élèves. Ils seront incapables de comprendre les innombrables références à tes aventures qui truffent les moindres détails du langage. Mais ils seront soumis à la pensée unique et bonne.
J’ai comme une envie de pasticher Cassandre : ne laissez pas entrer ce nouveau cheval dans nos murs, il nous détruira. Pas physiquement, mais ce que nous sommes, notre essence, notre culture. Sauf que Cassandre n’est jamais crue, pour le malheur de tous.
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