Adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN : la Turquie tente d’éteindre l’incendie qui gagne

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En ces colonnes, le colonel Georges Michel a mieux que bien décrit le funeste engrenage qui nous guette avec la possible adhésion d’Helsinki et de Stockholm à l’Alliance transatlantique ; inutile, donc, de revenir sur la question.

Béate comme toujours, l’Europe joue sa partition : celle des harkis des États-Unis, laissant Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, affirmer que Suède et Finlande seraient accueillies « à bras ouverts ». Mais, pour ce faire, l’unanimité étant la règle de cette organisation, un pays persiste à faire entendre sa différence : la Turquie.

On peut certes penser ce que bon semble du président Recep Tayyip Erdoğan. Pourtant, il est un mérite qu’on ne saurait lui contester, celui d’être un chef d’État turc œuvrant pour les intérêts supérieurs de la Turquie et ne prenant pas ordre et feuille de route auprès de la Commission européenne. Ce qui explique cette glaciale déclaration : « Nous suivons actuellement les développements relatifs à la Suède et à la Finlande, mais nous n’avons pas une opinion favorable à ce sujet. » Au-delà de la traditionnelle langue diplomatique, par essence feutrée, voilà qui veut dire « non ».

Surtout quand ce « non » se trouve assorti de cette autre mise en garde : « Nous ne voulons pas voir se répéter la même erreur que celle commise au moment de l’adhésion de la Grèce à l’OTAN... » Il est vrai que faire cohabiter deux nations en proie à d’ancestrales querelles territoriales n’était pas forcément l’idée du siècle. Bref, le sultan stambouliote renforce son pouvoir ; après tout, la Turquie n’est-elle pas l’un des piliers historiques de l’OTAN ? Et il est probable qu’Erdoğan ne frémisse pas plus que de raison devant les rodomontades de Jean Asselborn, chef de la diplomatie luxembourgeoise : « Si ces deux pays veulent adhérer, aucun des Trente ne peut s’y opposer. » Il est à croire que si ; personne n’imaginant que le puissant Luxembourg puisse, fort de son armée d’exception, connue pour être la terreur des steppes, faire plier la chétive Turquie.

Plus sérieusement, Recep Erdoğan raisonne en homme politique à l’ancienne, n’a que faire des élégances humanitaires du moment, se contentant de jauger les rapports de force en présence tout en prenant soin de ne pas participer à l’irréparable, soit une guerre globale dans laquelle toutes les nations en présence auraient gros à perdre ; la sienne, surtout.

Voilà pourquoi il excipe encore de son poids incontournable pour pousser ses propres pions. Il se dit prêt à dialoguer en direct avec Stockholm et Helsinki, mais fait dire aux deux principales nations intéressées, par Mevlüt Çavuşoğlu son ministre des Affaires étrangères : « Le pays qui sera notre allié [au sein de l’OTAN, NDLR] ne doit pas soutenir l’organisation terroriste qui nous attaque au quotidien et qui cause la mort de soldats, de policiers et de civils. » Soit le PKK, mouvement indépendantiste kurde, un jour terroriste et l’autre non, éternel cauchemar d’Ankara.

Dans la foulée, et histoire de davantage capitaliser sur sa position incontournable, le président turc exige, de plus, la levée de l’embargo portant sur la vente de certaines de ses armes, l’autorisation d’acheter les avions de combat américains F-16 et que l’on cesse de lui chercher noise sur l’acquisition du système antimissile S-400, de fabrication russe.

Pour résumer, le sultan ne met pas tous ses œufs dans le même panier, tout en tentant de maintenir les grands équilibres continentaux, au risque de décevoir les va-t-en-guerre de tous poils. Entre Turquie et France, le parallèle est cruel. Là-bas, on fait de la politique, ce qu’attend probablement son peuple. Tout bien réfléchi, les Turcs ont de la chance d’avoir un véritable président.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/05/2022 à 14:45.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

37 commentaires

  1. On ne va quand même pas critiquer le Président de la Turquie qui, une fois n’est pas coutume, tente de faire preuve d’une forme de modération.

  2. Soyons sérieux. Erdogan n’a strictement rien à foutre de l’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande. Comme à l’habitude (n’oublions pas l’affaire rétention de migrants vs fonds européens), le sultan exerce un chantage qui parle à tous les pays déjà membres de l’OTAN et désireux d’y accueillir les Scandinaves: reconnaissez sans détour que le PKK est une organisation terroriste, vendez-moi des F16, et cessez de m’emm… au sujet des SS400 russes. Croyez-moi, il obtiendra ce qu’il veut.

  3. La première fois que j’admire Recep Tayyip Erdoğan et suis ravie qu’il existe.
    Je tiens à le noter

    • De l’admiration, c’est peut-être un peu exagéré, mais force est de reconnaître qu’il a une vision réaliste de la situation en essayant d’éviter que le conflit s’aggrave. À côté de nos va-t-en-guerre européens prêts à déclencher un conflit qui les dépassera bien vite, quelle différence !

  4. L’Europe de l’Oural à l’Atlantique ne sera pas car les Etats Unis ne le supportent pas. Elle sera donc des Dardanelles au même Atlantique car La Turquie, solidement implantée en Allemagne et depuis peu en France, a une revanche à prendre sur ceux qui anéantirent son Empire après 14-18…..français et anglais….

  5. L’Otan fait une démonstration de force qui peut ressembler au chant du signe. A l’occasion de la guerre en Ukraine, le clan progressiste se rassemble car son hégémonie est de plus en plus contesté dans le monde. Le progressisme est une bombe à fragmentation.

  6. Un seul gagnant dans cette affaire les USA et ses marchands de canons, avions et missiles.
    Pour le reste : Si tout va bien des restrictions alimentaires et autres ainsi que la famine dans les pays pauvres à cause de l’embargo contre la Russie. Si tout va mal, et ça se présente mal, une petite guerre chez nous. Et ce jour là, les Américains resteront calfeutrés chez eux.

  7. L’histoire se répète inéluctablement. « Pardonne leur, Seigneur, ils ne savent pas se qu’il font ! Si ce n’est, grâce au subtil « pilotage forcément désintéressé » des EU via l’OTAN, démontrer que la mondialisation est plus qu’une utopie, c’est un leurre. Le seule maître du monde, est celui qui fabrique des armes, celui qui les vend tout en conservant leurs contrôles, à l’abri et donc à distance…C’est pourquoi certains entretiennent des conflits dans le monde quand d’autres y font face…

  8. « Tout bien réfléchi, les Turcs ont de la chance d’avoir un véritable président. »
    En France, les Français ont celui qu’ils viennent de réélire. Et ça n’a rien à voir avec une quelconque chance.

  9. Merci à Erdogan qui semble être le seul avec un peu de bon – sens (même si ça arrange ses affaires..) l’escalade américaine en phase totale avec Zelenski nous êloigne de plus en plus de la diplomatie de paix indispensable avec la fierté principal caractère de Poutine qui ne doit pas être bêtement insultée.
    « On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre…. »

  10. Allons soyons sérieux, faisons de la « realpolitik », . Erdogan en remettteant en cause l’adhésion de la Finlande et de la Suéde à l’OTAN, en jouant les vierges effarouchées, négocie l’entrée de la turquie dans l’U.E ! C’est du « donnant-donnant »

    • On a certes raison de se méfier des US mais pas au point de devenir amoureux de Poutine jusqu’à devenir un agent béat du néo-soviétisme. 22 ans de pouvoir autoritaire et de meurtres d’opposants, de villes rasées, et les Français trouvent ça bien ! Totalement inconséquents ils reprochent aux politiciens ukrainiens les mêmes vices qu’ils ne voient pas chez les Russes. Avec un tel peuple Macron est tranquille.

      • Cher TDLN Dans le tomme un « les bourreaux » d’une histoire mondiale du communisme, est relatée la famine organisée par Staline et son prédécesseur Lénine, l’Holodomor. Ukraine signifie confins. A faire lire à Roussel…

  11. Les grands empires se reconstituent et l’Empire ottoman y est particulièrement bien placé. Il se trouve à la fois dans l’OTAN (proche du G7) et participe à l’E7 (avec Chine, Russie et Brésil). Il a donc un rôle d’arbitre. On a vu que quand ces alliés azeris ont attaqué l’Arménie, aussi bien les Etats-Unis que la Russie n’ont pas bougé.

  12. Je suis loin d’être un fervent admirateur d’Erdogan, mais force est de constater qu’il a plus l’étoffe d’un président soucieux de l’avenir de son pays, que l’actuel locataire mondialiste de l’Élysée avec son blabla indigeste et ses gesticulations quotidiennes.

    • Très bizarre ! En quoi le fait d’empêcher la petite Finlande (pays valeureux, martyrisé et amputé par les Russes) de vouloir à juste titre se protéger serait au crédit d’Erdogan et de l’avenir de la Turquie (50% pro OTAN, 50% pro Poutine) ? Faites moi un croquis

      • L’adhésion de la Finlande à l’Otan ne va pas la protéger, mais la mettre en première ligne puisque les Etats-Unis vont y placer des têtes nucléaires, ce qui sera inacceptable pour la Russie.
        Imagine-t-on Poutine placer des lance-missiles à la frontière mexicaine?

      • Cher TDLN, je vous contredis, C’est un fourbe de la pire espèce, u scapin ottoman . Ainsi que le montre Laurent Atur du Plessis: Erdogan ou la haine de l’Occident et un livre intitulé M.I.T relatif au service secret turc. Bien cordialement.

  13. Et n’ai-je pas vu passer une info signée Macron disant qu’en cas d’agression la Suède et la Finlande aurait la France à leur côté. Suivez mon regard. Excellente déclaration en ces temps plus que troublés. Inconséquent si vrai.

    • La Turquie essaie de tirer parti de la situation, c’est tout. Pas sûr que l’équilibre du continent lui importe.

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