Abstention : la vraie raison

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La grande question qui se pose à une démocratie est celle du dêmos qui est censé être le souverain de cette réalité politique. Pour que le peuple soit souverain, encore faut-il qu’il y ait un peuple. En France, le peuple, avant même d’être souverain, constituait une nation. Malgré la diversité de ses coutumes et de ses patois, la France prenait conscience d’elle-même en s’identifiant à son roi.

L’unité de la nation française, sa permanence sont un trésor exceptionnel qui a d’ailleurs élevé la France au rang de modèle. Comme Tocqueville le montre dans L’Ancien Régime et la Révolution, la rupture de 1789 n’est, de ce point de vue, qu’une apparence. La centralisation, l’uniformisation du pays ont commencé avant et se sont poursuivies après. En commettant la grande erreur de son règne - la persécution des protestants -, Louis XIV travaillait à l’unité du pays, mais la laïcité post-révolutionnaire a visé le même but jusqu’à aujourd’hui.

Sans roi, sans religion, ni même une laïcité ferme et conquérante, sans ennemi, peut-il y avoir encore un peuple conscient d’être une nation souveraine, bâtissant son avenir d’élection en élection, peut-il y avoir une démocratie ? La récente algarade entre les ministres de l’Intérieur et de la Justice est révélatrice de la décadence de notre « démocratie ». Le premier se vante qu’une majorité d’électeurs se soit portée sur son nom aux municipales puis aux départementales, mais il oublie de rappeler la relativité de cette majorité qui ne porte que sur un tiers des électeurs potentiels. Dans « sa » ville de Tourcoing, 75 % d’abstentions aux municipales, 80 % aux départementales. La représentativité d’un élu par une portion aussi faible et sans doute peu proportionnelle de la population est-elle encore légitime ? Le second, qui doit se contenter des 8,5 % obtenus par sa liste aux régionales, crie à la trahison et sus à l’ennemi : cet homme dont les Français découvrent l’inintelligence se rend-il compte qu’en démocratie, il ne peut y avoir d’ennemi intérieur, sauf lorsqu’une partie de la population pactise avec l’étranger ?

La lutte des classes a vécu. Le parti qui se disait représentant de l’une d’elles était soumis à une puissance étrangère : l’URSS. Cette menace a disparu et, aujourd’hui, avec une inconséquence absolue, on ose désigner comme « ennemi » un parti qui se veut plus « national » que les autres. Ce parti a évidemment le même droit que les autres à représenter la nation à travers ses élus. La nation est une communauté humaine de destin. Ce n’est pas, comme on a trop tendance à le penser dans notre pays, le vecteur d’une idéologie, que ce soit celle des droits de l’homme ou une autre. Le désintérêt pour la politique de la première des nations historiques n’est pas une anecdote. C’est le résultat effarant d’une trahison des prétendues élites qui ont systématiquement ruiné ce qui constituait l’identité française, son enracinement chrétien, sa fierté linguistique, son goût pour les victoires ailleurs que sur les terrains de football, son culte de l’Histoire comme roman national. Que reste-t-il, de nos jours : une grégaire solitude, un ensemble de tribus, comme dit Maffesoli ? La première a été amplifiée par les mesures sanitaires qui ont accru l’isolement du « chacun pour soi », le séparatisme des secondes est en marche. L’abstention de dimanche dernier, ce n’est pas la plèbe faisant sécession de l’oligarchie, ce qui serait le signe avant-coureur d’un soulèvement salutaire, mais l’expression d’un désenchantement de la politique, le repli massif des individus, faute d’un message d’avenir clair et mobilisateur.

Christian Vanneste
Christian Vanneste
Homme politique - Ancien député UMP, Président du Rassemblement pour la France, Président de La Droite Libre

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