À propos des « rapatriés » d’Afghanistan…

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On va me dire que je chipote, que je joue sur les mots, qu’il y a des choses bien plus graves que ça. Peut-être. Mais il n’empêche...

Il n’empêche que lorsque je lis, un peu partout dans la presse, ces jours-ci, que « la France a rapatrié des Afghans », je fais des bonds. « Afghanistan : comment sont surveillés les rapatriés à leur arrivée en France ? » (franceinfo). « Tout comprendre - Que sait-on des cinq Afghans rapatriés en France placés sous surveillance ? » (BFM TV). « Un Afghan rapatrié en France soupçonné de liens avec les talibans, un homme en garde à vue » (Europe 1), etc.

Je sais bien que la France est la patrie des droits de l’Homme et que, en conséquence, à ce titre (de séjour ou pas), tout le monde est un peu français dans le monde et qu’« ils sont chez eux chez nous », comme disait Mitterrand. Certes. Mais tout de même. « Rapatrier » veut dire, selon mon dictionnaire, qui date un peu, « faire revenir des personnes, des biens, des capitaux dans leur pays d’origine ».

« La France a rapatrié des Afghans » signifie donc, en bon français, qu’elle les a renvoyés dans leur pays d’origine. Il semblerait pourtant que le renvoi - le rapatriement ou l’expulsion, si vous voulez - des cinq Afghans soupçonnés de liens avec les talibans, n’est pas à l’ordre du jour, que ce serait même plus compliqué que ça, maintenant qu'ils sont chez nous - je veux dire chez eux. L’un des cinq, bien que lié aux talibans, nous dit BFM TV, a aidé à évacuer des Français, notamment des journalistes, des Afghans. On frise la Légion d’honneur. Ensuite, bien évidemment, la procédure et tout ça...

Mais restons-en à la sémantique. En 1962, avec l’indépendance de l’Algérie, on parla des « rapatriés d’Algérie ». Parfois avec mépris. On se souvient même que le très socialiste Gaston Defferre ne voulait pas d’eux à Marseille. Pour ces pieds-noirs, la France, c'était leur patrie, même pour ceux qui descendaient d’Espagnols, de Maltais, d’Italiens ou de Juifs d’Afrique du nord. Une petite vingtaine d'années avant, nombre d'entre eux l'avaient d'ailleurs prouvé du côté du Garigliano et sur les plages de Provence.

Puis, société de consommation oblige, démocratisation des loisirs, le mot « rapatriement » a pris un air de voyage organisé qui se termine mal parce qu’on a mangé des trucs pas frais ou qu’on s’est fracassé la jambe dans un safari en descendant de son lit ou en glissant sous la douche. À condition d'avoir pris la bonne assurance. Mais il s’agissait toujours de rentrer à la maison.

Aujourd'hui, les choses sont déjà assez compliquées comme ça. Ce serait bien qu’on n’ajoute pas de la confusion en employant n’importe comment des mots qui ont un sens. Mais, vous me direz, c’est peut-être voulu.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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