Général Vincent Desportes : « Vladimir Poutine ne peut plus compter sur une victoire rapide »

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« À quoi sert la guerre ? À changer les conditions de la négociation. » Au 18e jour du conflit en Ukraine, le général (2s) Vincent Desportes fait un point sur la situation des armées belligérantes pour les lecteurs de Boulevard Voltaire. Les Russes s'enlisent : l'issue du conflit se rapproche-t-elle ?

Marc Eynaud. L’armée russe continue d’envahir l’Ukraine. Selon vous, peut-elle venir à bout de la résistance ukrainienne dans les semaines qui viennent ?

Général Vincent Desportes. Le rouleau compresseur est en train de s’embourber. Quand vous superposez les cartes du théâtre de guerre que la presse publie tous les matins, vous vous apercevez que les avancées sont minimes. Aujourd’hui, au 18e jour de guerre, la seule ville conquise est la ville de Kherson. Partout ailleurs, les Russes sont en échec. Ils n’arrivent pas à prendre Kharkov, ni Marioupol, ni Kiev. Ils sont freinés dans leur avancée vers Odessa. L’armée russe est actuellement dans une mauvaise situation qui ne permet pas de voir une percée. Aujourd’hui, le moral n’est pas dans le camp russe mais dans le camp ukrainien. Pour l’instant, c’est l’armée ukrainienne qui gagne en défensive ; avec un rapport initial de un contre neuf, elle arrive à arrêter une armée russe entraînée depuis des années. L’armée ukrainienne a un moral de vainqueur alors que l’armée russe s’embourbe avec, forcément, un moral de perdant.

M. E. Le phénomène de la fonte des neiges provoque une boue qui peut ralentir les armées d’invasion. L’armée russe est-elle aux prises avec ce phénomène ?

G. V. D. Jusqu’à présent, l’Ukraine était frappée par une vague de froid considérable qui a fait souffrir le martyre aux différents réfugiés. M. Poutine a plusieurs possibilités. Soit il va assez vite dans le cadre des négociations en obtenant ce qu’il peut obtenir grâce au rapport de force, soit il monte aux extrêmes. J’espère qu’il aura la sagesse de s’en tenir aux négociations.

M. E. Pour vous, il faut qu’il négocie très vite ?

G. V. D. Il ne peut plus compter sur une victoire rapide. La presse se fait l'écho de sa demande de renfort à la Chine. Cette dernière dément. On sait que l’armée russe rapatrie toutes les troupes disponibles de la partie asiatique du pays et de Géorgie. Le président Poutine a demandé l’envoi d’une légion syrienne et il essaie de reconstituer ses forces. Ce n’est pas étonnant, car l’état-major français dit que Vladimir Poutine a utilisé complètement les deux premiers échelons qu’il avait rassemblés pour se lancer dans la bataille, le 24 février au matin. À présent, il est en train de taper dans ses réserves. Il n’est pas pris à la gorge, mais il le sera bientôt. Donc, soit il monte dans la violence, soit il négocie.

M. E. Le gouvernement ukrainien peut-il renoncer à la perte des républiques du Donbass et de la Crimée ?

G. V. D. Nul ne peut préjuger de ce qui sortira des négociations. Mais il est évident que M. Poutine n’arrêtera pas l’horreur dans laquelle il est entré s’il n’obtient pas quelque chose. Aucun dirigeant ne pourrait rentrer dans son pays en disant « J’ai fait tuer 10.000 soldats pour rien ». Il faudra bien qu’il ait quelque chose et que le président Zelinsky en lâche un peu, probablement les républiques du Donbass et probablement la Crimée, dont le lien avec l’Ukraine est un peu faible. Il faut qu’il comprenne que ne rien lâcher, c’est aller à sa propre perte.

À quoi sert la guerre ? Ça sert à changer les conditions de la négociation. Et avant la guerre, M. Poutine n’était pas écouté quand il voulait que la Crimée soit reconnue comme russe et que les républiques du Donbass soient libres. Il est entré en guerre pour avoir plus de poids dans la négociation. Il ne sortira de ces nouvelles négociations que si on lui donne quelque chose. Et il faudra, à un moment donné, que M. Zelensky le comprenne, ce ne sera pas forcément simple. Ce dernier fait figure de héros et il aura tendance à s’accrocher à cette figure de Churchill ukrainien. Probablement que les Américains ou les Européens lui feront comprendre que l’intérêt de tout le monde et de l’Ukraine est qu’il y ait des négociations et que M. Poutine reparte avec quelque chose.

On sort de la guerre de deux manières, soit par la négociation et les compromis, soit par la destruction de l’un ou l’autre. Il faut trouver une solution raisonnable.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Personne ne sait ce que veut Poutine exactement, ce qui est vrai c’est que des centaines d militaires russes sont morts. Coté ukrainien aussi et beaucoup de civils.
    Poutine voulait une invasion ultra rapide avec ses chars; un blitzkrieg genre allemand, c’est raté.

  2. Je vous ai connu plus indépendant d’esprit, mon Général, et donc bien plus intelligent…
    Poutine libère des villes russes (Marioupol, Kharkov,…) et donc ne peut avancer que sur des œufs, car il ne veut pas massacrer sa propre population. Évidemment les Ukrainiens, n’ont pas ces freins, et utilisent même les civils comme boucliers…. En leur interdisant l’évacuation.
    Les cartes réelles montrent une importante progression russe. Le CPCO est intoxiqué par le Rens US.

  3. A mon avis, l’armée russe a les consignes de faire le moins de victimes possibles dans la population civile qui est prise en otage dans les villes par les bataillons Ukrainiens et qui sert de bouclier humain . C’est là que l’on constate les demandes d’ouverture de couloirs humanitaires par les russes souvent refusés par leurs adversaires. C’est cela qui provoque la lenteur de la progression. Le but, c’est d’attendre que les villes se vident de leurs habitants avant de lancer une offensive…

  4. Ce qui manque surtout à beaucoup de gens est : nous n’avons qu’un seul son de cloche. Les USA et ses vassaux ont vite fait muselé les médias Russes tout comme il ont déployé tout aussi vite les embargo et autres sanctions, qui soit dit en passant vont surtout nous pénaliser NOUS les imbéciles Européens pieds et poings liés par l’Oncle Sam.

  5. Réponses sensées à des questions sensées. Tous les affidés de l’ambassade de Poutinie réagissent au quart de tour, tous surchargés de médailles comme de vrais généraux russes et donneurs de leçon à un général… Gloire à l’Ukraine immortelle et à ses résistants !

  6. Encore un général d’opérette qui prend ses informations chez BFM et batifole avec l’ado de l’Elysée.

  7. A quoi sert l’occident aujourd’hui? Le reste du monde produit tout ce qui leur est nécessaire? Sa plus sure contribution c’est à fomenter des guerres dans le monde entier au nom de la démocratie dont ils ne font pas usage eux mêmes! Le reste du monde est désormais armé pour le détruire. Il est temps de changer de tactique et de s’inscrire dans la catégorie, consommateurs et meilleurs clients des E7.

  8. Eloge de la lenteur! La lenteur de Poutine s’explique par sa volonté de vider les villes assiégées de leurs habitants. Peut etre attend-il de cueillir les fruits d’une forme de guerre civile qui commence a opposer les milices armées neonazis aux Ukrainiens. On en voit de terribles images sur les sites étrangers. La lenteur permet aussi aux Européens de dévoiler leurs cartes voire de les abattre. La lenteur permet à chacun de choisir son camp tant le clan occidental s’agite fébrilement .

  9. Pour l’instant la seule presse que l’on a ne permet pas de voir le réel. J’ai compris par contre que Zelensky avait bien été formé par la CIA et qu’il avait bien appliqué le deal décidé par l’exécutif américain ; Biden ne faisant que lire ou dire les ordres qu’il reçoit.
    Pour moi Zelensky à « vendu » les siens . On comprend que Mr Poutine protège son pays,, que les usa sont derrières tous les conflits, lesquels sont toujours en dehors de chez eux.

  10. Poutine ne fait pas la course , il a tout le temps : l’ Ukraine est complètement encerclée , il faut qu’elle capitule . Les cartes du front , en effet , ne changent pas : c’est évidemment de la propagande occidentale

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