Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, va-t-il réussir à nous fâcher avec la Suisse, 502 ans après la signature de la « paix perpétuelle » entre le royaume de France et les treize cantons suisses ? Il faudrait le faire ! La Suisse, en France, on en parle pas mal, actuellement, depuis que le référendum d’initiative citoyenne (RIC) est sur la table et qu’on se demande si l’herbe n’est pas plus verte dans les pâturages helvètes. Depuis 1848, année de création de l’État fédéral, notre voisin a organisé 600 votations. Autant dire qu’ils en connaissent un rayon en matière de démocratie. Bon, cela dit, les femmes ne votent que depuis 1971, soit un quart de siècle après la France…

Alors, bien sûr, on ne manque pas de moquer - un peu condescendant comme on sait l’être en France, histoire, peut-être aussi, de déconsidérer le principe du RIC - le caractère apparemment burlesque ou folklorique de certaines questions posées au peuple helvétique. Par exemple, la consultation sur les vaches à corne fait rire chez nous, sans que l’on sache d’ailleurs de quoi il retourne vraiment. Bien français, ça aussi, cette manie de parler savamment des choses que l’on ne connaît pas ? Pourtant, derrière cette votation, il y a la question de la douleur animale pour laquelle les belles âmes savent si bien s’émouvoir par chez nous. Mais nous nous éloignons du sujet.

Pour ce qui est de parler savamment des choses qu’on ne connaît pas, nous pourrions peut-être revenir à Richard Ferrand, cause de la fâcherie helvéto-française du moment. Et là, ça vaut son poids de chocolat au lait, celui où l’on voit une vache dotée d’une belle paire de cornes, s’il vous plaît. Il y a deux jours, donc, l’ancien maire de Genève, Guillaume Barazzone, tweete : "Honte à vous Richard Ferrand ! – ignare – qui venez de déclarer à l’Assemblée nationale sur le droit de référendum helvétique : “Les thèmes soumis sont très souvent le fait de cliques affairistes et de quelques lobbystes démasqués.” Le peuple suisse appréciera." Comme on dit, ça envoie du bois.

Réaction immédiate du président de l’Assemblée nationale, apparemment sûr de lui, comme toujours : "Cher monsieur Barazzone, je démens formellement avoir pensé ou tenu ces propos que vous me prêtez. Quelles sont vos sources ? Évitez svp les FakeNews !"

Ah, les "fake news" ! On sait que la Macronie a fait du combat contre cette peste numérique une sorte de croisade des temps modernes.

Mais arrive le tir de contre-riposte de l’Helvète : "Voici vos propos @RichardFerrand contre la démocratie demi-directe helvétique… Allez-vous présenter des excuses ? Bonne journée." Et de joindre les sources, la preuve irréfutable : la vidéo de France 3, en date du 16 juillet 2018, alors que Richard Ferrand n’était encore que le pasteur du troupeau des députés de La République en marche. Si on ne peut même plus faire confiance à la télévision d’État, c'est à désespérer ! Allô Tonton, pourquoi tu tousses ?, comme disait Fernand Raynaud. À l’heure où ces lignes sont écrites, toujours rien du côté du perchoir… Pas d’excuses, rien, nada, silence radio. Cela dit, si c’est pour avoir des excuses à la Gilles Le Gendre, autant en rester là.

Ce qui est assez rigolo, dans cette histoire, c’est que lors de la séance des questions à l’Assemblée, ce mercredi après-midi, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, faisait le malin en évoquant le noble et beau combat mené par ce gouvernement et la majorité contre les "fake news", du reste, souvent, évidemment, du fait de l’estrèmedrouate…

Cela dit, Richard Ferrand est peut-être de toute bonne foi : il ne serait pas le premier homme politique à avoir des pertes de mémoire sélectives. "J’ai la mémoire qui flanche, je me souviens plus très bien", chantait Jeanne Moreau…

En tout cas, on ne devrait pas se moquer de la Suisse.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:23.

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19 décembre 2018 à 19:05

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