S’accuser d’avoir été trop sincère, intelligent ou subtil, est-ce VRAIMENT un mea culpa ?
On a beau dire, on a beau faire, les racines chrétiennes collent à la peau des Français les moins suspects de piété comme un chewing-gum. Prenez le mot "mea culpa" issu du Confiteor, à répéter en se frappant la poitrine : c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute… Il a envahi la Toile, il est devenu LE mot de cette fin d’année. Après la saison 1 des gilets jaunes - qui sent, Noël approchant, sa trêve des confiseurs, mais qui n’a peut-être pas dit son dernier mot -, chacun y va de son mea culpa. Les plateaux télés exhalent des odeurs de sacristie, on « confesse, la tête penchée, avoir « péché », on promet de ne plus recommencer.
Il y a tout d’abord le mea culpa des journalistes.
Dans Les Échos, ce sont Guy Birenbaum (France Info) et Laurent Guimier (Europe 1) qui ont signé conjointement leur "media culpa" (joli !) : "Des citoyens en nombre croissant n’ont plus aucune confiance dans la manière dont nous travaillons et assimilent les journalistes aux politiques." Ils évoquent "journalistes corporatistes et déconnectés" et enjoignent leurs petits camarades à faire "preuve de davantage d’humilité" : "Surtout, cessons de considérer nos publics comme simplets." On ne sait encore si les actes suivront mais, enfin, l’accueil frisquet - et c’est un euphémisme - réservé aux journalistes sur les Champs-Élysées a indéniablement suscité une certaine lucidité.
Vient ensuite celui des politiques. Et là, ça risque d’agacer. Pour Aurore Bergé, "on a péché par cet excès de sincérité et de volonté d’aller extrêmement vite sur les réformes". Gilles Le Gendre, lui, s’accuse avec ses amis d’avoir "insuffisamment expliqué". Et puis, aussi, d’avoir "probablement été trop intelligent, trop subtil, trop technique…" (sic).
Sincère, volontaire, intelligent et subtil. Voici donc les défauts que se reconnaissent les proches du gouvernement. Cela sent l’examen de conscience impitoyable. Les gilets jaunes sont si benêts qu’ils espéraient, bien sûr, des politiques menteurs, velléitaires, idiots et bornés.
Marlène Schiappa, dans Le Figaro, va aussi - à petits pas - à Canossa : cette colère est une "grosse leçon d’humilité collective" : "Il va falloir écouter, entendre et savoir être davantage dans le dialogue." Il est vrai que, pour elle, c’est un peu la Bérézina : D’« Envoyé spécial », qui a interviewé "ces femmes qui n’ont pas eu souvent la parole, qui triment dans leur coin toutes seules, qui se battent avec de petites miettes de pain pour nourrir leurs enfants" au Figaro, qui a enquêté sur "ces femmes gilets jaunes qui ont investi les ronds-points" et qui "sont en première ligne", "familières des fins de mois difficiles, élevant souvent seules leurs enfants", tous les observateurs sont marqués par la forte féminisation des rangs. Inutile de forcer, ici, à la parité, la souffrance ne les a pas oubliées. Et Marlène Schiappa, sûrement, n’en revient pas : pas une pancarte réclamant l’écriture inclusive, la PMA pour toutes ou exigeant de se faire appeler Madame LA gilette jaune. Dingue, non ?
Qu’à cela ne tienne : plusieurs associations féministes, dont Osez le féminisme !, ont lancé ces derniers jours (mais oui !) une grande pétition : "Marre du rose. Jouets : stop aux stéréotypes sexistes." Ont-elle vu que, pendant qu’elles se battent contre les jouets genrés, d’autres se battent pour offrir un jouet… tout court ? Est-il bien certain que, malgré leurs airs contrits, Marlène Schiappa et ses amies aient tout compris ?
Parce que si tout le monde, avec des accents pieux, bat sa coulpe, confit en dévotions, les gilets jaunes sont des curés sans concession, comme qui dirait, Vatican II n’est pas trop passé par eux : pour l’absolution, il va falloir VRAIMENT faire montre de bonnes résolutions. Et puis faire pénitence sans suffisance. Sans être certain, du reste, que cela suffise à éviter une saison 2, passé le réveillon.
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