Nouvelle-Calédonie : la démographie a voté, sans surprise, et le territoire est plus divisé que jamais

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Tout le monde politique semble saluer le « non » à l'indépendance qui a recueilli 57 % des suffrages hier, avec une participation forte de 80 % des inscrits. La droite de Laurent Wauquiez et Marine Le Pen, bien sûr, qui s'était engagée pour le non. Mais aussi le président de la République, qui s'était placé au-dessus de la mêlée, accomplissant des gestes, lors de son voyage, en direction des deux camps. Son message d'hier dit qu'il n'y a qu'un seul vaincu : la division. Le sens du rassemblement, la peur de retourner aux affrontements violents d'il y a trente ans commandent cette langue de bois.

Et pourtant si, bien sûr que si : dans une élection démocratique, il y a toujours un gagnant et un vaincu. En l'occurrence, le projet d'une Kanaky indépendante portée par des héritiers de M. Tjibaou est le vaincu. Le Monde peut bien trouver qu'avec 43 %, le camp indépendantiste fait mieux que prévu et que le "non" n'a remporté qu'un "succès en demi-teinte", il oublie de rappeler que le corps électoral pour ce référendum, après d'âpres négociations, avait été, au mépris des plus élémentaires principes démocratiques, transformé en une "liste électorale spéciale" limitant les inscriptions de nouveaux résidents métropolitains et inscrivant systématiquement tous les Canaques non inscrits.

Malgré cette manipulation antidémocratique du corps électoral, le résultat était prévisible. Prévisible par la démographie : Le Monde avait diffusé un visuel, ces derniers jours, qui rappelait que si, en 1958, la population canaque était encore majoritaire, aujourd'hui, elle ne représente plus que 39 % de la population totale. 39 %-43 % : le vote d'hier est un vote ethnique, purement et simplement, comme lors des élections provinciales de 2014. La géographie électorale montrera que c'est toujours la même province sud, majoritairement caldoche, qui a voté non, et la même province nord, contrôlée par les indépendantistes canaques, qui a voté oui. La Nouvelle-Calédonie est un territoire plus divisé que jamais.

Cette expérience néo-calédonienne, depuis les accords de Matignon d'il y a trente ans jusqu'à ce vote, rappelle cette vérité toute simple que la démocratie, dans une nation où coexistent des communautés ethniques ou culturelles très différentes, n'est que la voix du plus nombreux. Et celui qui veut gagner les élections doit compter avec deux atouts – ou deux adversaires : le temps et la démographie. Qui veut exercer le pouvoir démocratiquement sur son territoire doit savoir gérer habilement le temps, les échéances, et orienter efficacement la natalité et l'immigration. Ou, comme ce fut le cas en Nouvelle-Calédonie, imposer des restrictions sur la composition du corps électoral. Mais est-ce encore démocratique ?

Ce qui fut vrai pour l'Algérie naguère, pour la Nouvelle-Calédonie aujourd'hui, le sera peut-être un jour pour la métropole. La France a encore beaucoup à apprendre de ses anciennes colonies.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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