Nicolas Dhuicq : « En prison, on a acheté la paix sociale en n’appliquant pas le règlement pénitentiaire »

Nicolas Dhuicq

Après l'attaque d'un prisonnier islamiste à la prison de Condé-sur-Sarthe, Boulevard Voltaire a recueilli l'analyse de Nicolas Dhuicq qui, lorsqu'il était député, avait eu l'occasion de visiter cet établissement.


Trois jours après l’attentat de Condé-sur-Sarthe, 4 prisons sont encore bloquées.
Quel est le problème avec les prisons françaises ?

Il faut différencier à chaque fois la question des maisons centrales de celle des maisons d’arrêt.
Condé-sur-Sarthe est une maison centrale. Je rappelle à nos auditeurs que les maisons centrales accueillent les longues peines. Les gens sont en cellules individuelles, alors que dans les maisons d’arrêt, la question principale est celle de la surpopulation carcérale. Nous sommes bien dans un cas où la question n’est pas la surpopulation carcérale.
Depuis 30 ans, à la suite des premières vagues d’attentats, ont été incarcérés les premiers terroristes islamistes. Nous avons observé un phénomène d’hybridation, les détenus de droit commun se nourrissent de l’islamisme politique qui cherche à mettre en place un nouveau type de société par la violence, le combat, les attentats ou par les armes à la main.
Cela survient au moment où le législateur a du mal depuis des années à percevoir la question de la violence et des limites. En prison, on a acheté la paix sociale en n’appliquant pas le règlement pénitentiaire. Le règlement pénitentiaire en centrale demande que les portes de cellules soient fermées. Ce n’était pas le cas à la centrale de Moulins que j’avais visitée.
Lorsque madame Taubira était garde des Sceaux, elle est allée plus loin. Elle a voulu faire scier les bâtons d’autodéfense des surveillants pour être sûr qu’ils ne les utilisent pas. Plus précisément, en ce qui concerne la centrale de Condé-Sur-Sarthe, la question vient du fait que l’architecture avait été conçue pour être très sécuritaire, mais pour des périodes d’incarcération brèves. Cette centrale était destinée à recevoir des détenus déjà en maison centrale qui avaient transgressé la règle, afin de les recadrer. Or, madame Taubira a voulu que cette centrale devienne comme les autres. L’architecture n’est pas faite pour cela. Les murs sont très hauts, ce qui permet peu de contacts avec la nature et avec le ciel. Cela rend les humains relativement fous.
À Condé, j’avais vu le comble. Un détenu avait obtenu de la direction une pièce pour lui seul avec des punching-balls pour s’entraîner. On peut se demander pourquoi on laisse des détenus s’entraîner à donner des coups si ce n’est après pour agresser les gardiens.
La centrale de Condé-Sur-Sarthe est faite en trois ailes. Lorsque j’y étais, seulement deux ailes étaient remplies parce que les détenus avaient détruit le mobilier pour un tiers. On avait cannibalisé le mobilier de la troisième aile.
Lors de ma visite, j’étais passé devant une porte qui donnait sur une salle où les détenus peuvent faire des activités. L’officier m’avait dit que la porte avait été détruite par un détenu la semaine précédent ma visite. Je lui ai demandé si le détenu avait été puni. L’officier m’a répondu que non et qu’ils avaient simplement changé la porte.
Il y a donc une absence de cadre et de limites, alors que dans le même temps le niveau de violence a augmenté.


Nos prisons sont-elles construites pour répondre à ce type de pensionnaires radicalisés ?

Il n’y a pas que les prisons. La lutte contre l’islamisme politique nécessite d’agir sur plusieurs facteurs en même temps. Elle nécessite de changer de politique étrangère. Nous allier par exemple avec les puissances du Golfe, dont le Qatar qui ont financé les islamistes en Syrie est une aberration.
Elle nécessite également un travail d’éducation et d’enseignement. Il faut donc réenseigner le roman national pour que les jeunes enfants s’intègrent et prennent les briques fondamentales quitte à les critiquer ou les compléter à l’âge adulte.
Et en ce qui concerne les prisons, cela nécessite de reposer un cadre qui n’est pas fait aujourd’hui.
Enfin, pour tout vous dire, je ne crois pas à ce terme de déradicalisation. Nous sommes face des combattants politiques. Ils trouvent dans l’idéologie islamiste une justification à leur mode de vie violent. Le terme de déradicalisation ne me semble pas adapté.


Les surveillants de prison se trouvent désarmés. Ils sont face à des individus qu’ils ne peuvent fouiller et contre lesquels ils ne peuvent pas se défendre.
Comment répondre à cette crainte du personnel pénitencier ?

Simplement en redonnant symboliquement le primat sur les surveillants par rapport aux détenus.
Nous sommes allés dans un système qui donne le primat en prison aux détenus.
Exemple symbolique, j’étais le seul député qui visitait tous les ans un lieu de détention en France, non pas pour voir les détenus, mais pour voir les surveillants eux-mêmes.
Le renversement qu’il nous faut c’est de redonner le poids aux professionnels, lui redonner les moyens humains, matériels et l’autorisation, lorsque c’est nécessaire de la fouille au corps.

Nicolas Dhuicq
Nicolas Dhuicq
Médecin psychiatre

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