Emmanuel Machiavel pris à son propre piège ?

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"Ce n’est pas une chose de peu d’importance que de choisir ses ministres. Car c’est par les gens que le prince tient autour de sa personne que l’on juge de son esprit et de sa prudence", disait Nicolas Machiavel, auteur auquel Emmanuel Macron avait consacré un mémoire lors de ses années d’étudiant. Après le départ de quatre ministres, tous visés, à différentes échelles, dans ces "affaires" que l’exécutif voulait à tout prix éviter, trop conscient du fait que ces dernières avaient plombé le précédent quinquennat dès son commencement, on est en droit de se demander si le nouveau président de la République a bien assimilé les leçons du maître florentin.

Le pacte d’alliance conclu entre le MoDem de François Bayrou et Emmanuel Macron fut une opération « gagnant-gagnant ». Le Palois a certainement donné l’Élysée à l’ancien ministre de l’Économie, lui permettant de réaliser l’OPA sur le centre qui a gonflé son score de premier tour d’au moins 4 ou 5 points. En échange, Emmanuel Macron a sauvé le MoDem d’une disparition programmée. Alors que le parti centriste n’avait pas obtenu un seul député en 2012, il pourra désormais compter sur une quarantaine d’élus et les subventions publiques qui vont avec. Pour bien entendre qui est François Bayrou, il faut garder à l’esprit qu’au moment où il prenait la tête de l’UDF, la formation était forte de 150 députés. En moins de dix ans, et deux aventures strictement personnelles, faites de trahisons et de reniements, François Bayrou avait fait du MoDem une machine à perdre.

Au cœur de l’attitude de François Bayrou à l’égard d’Emmanuel Macron, les ressentiments d’un homme aussi admiratif que jaloux du succès de l’Amiénois. S’est-il fait prendre au piège d’Emmanuel Macron ? Revenons sur le déroulé des événements. Mardi 20 juin, Sylvie Goulard désarmait. Soupçonnée dans l’affaire des emplois fictifs du MoDem au Parlement européen, pour le mandat 2009 – 2014, la ministre des Armées n’était pourtant pas la plus menacée, contrairement à Marielle de Sarnez et François Bayrou. Il se dit que Sylvie Goulard aurait informé Emmanuel Macron de sa décision plusieurs jours auparavant, jugeant devoir assurer sa défense et ne plus être en mesure d’exercer ses fonctions ministérielles. De l’autre côté, François Bayrou et Marielle de Sarnez, ministres estampillés MoDem, n’avaient pas du tout envie de quitter le gouvernement.

Est-ce à dire que Sylvie Goulard et Emmanuel Macron savaient que cette première démission obligerait le tandem Bayrou-Sarnez à s’éclipser ? C’est hautement probable. En somme, Emmanuel Macron tente de rattraper une séquence calamiteuse qui commençait à faire désordre. Et ce, d’autant plus que François Bayrou, vindicatif et arrogant, était chargé de faire passer la future loi sur la moralisation de la vie publique. L’homme du Béarn devenait gênant. Il le sera tout autant dehors, tant il aime à démontrer son pouvoir de nuisance. Après le recyclage de Richard Ferrand en tant que président du groupe La République en marche–MoDem à l’Assemblée, qui ressemblait fort à une exfiltration, ce départ groupé des ministres MoDem fait tâche.

Pour l’instant, Emmanuel Macron s’en tient à la ligne de conduite qu’il s’était fixée, dite « jupitérienne », s’obligeant au silence pour se donner la stature qui pouvait lui faire défaut compte tenu de son âge et d’une relative inexpérience. Il pourra aussi bénéficier de l’opposition « constructive » d’une quarantaine de députés de « droite », ambitieux et certainement attirés par les ministères laissés vacants. La difficulté d’une position de droite et de gauche est qu’elle oblige à un équilibre précaire, déstabilisé au moindre coup de vent.

Combien de temps durera l’état de grâce d’Emmanuel Macron ? Qui votera la confiance au gouvernement ? Autant de questions suspendues aux résultats qu’aura la politique d’Emmanuel Macron…

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