L’opposition constatée entre la prohibition du cannabis en France et sa légalisation qui s’étend en Amérique du Nord invite à une réflexion.

En France, les partisans de sa légalisation font remarquer que, « comme d’habitude », après quelques années, nous copierons le « modèle américain », l’ayant si souvent copié, pour le meilleur et pour le pire. Nos décideurs, n’ayant pas trouvé la marche arrière du char de l’État, sont incapables de toute correction quand il s’agit du pire. Réjouissons-nous si cette imitation demande plusieurs années, qui seront gagnées sur les méfaits que cette drogue infligerait à des consommateurs dont le nombre s’accroîtrait.

Laissons aux États qui le prohibent encore le temps de décider s’ils sombrent dans cette tentation ou, sinon, entendons les raisons qui les en dissuadent. Il est constaté déjà, dans les États légalisateurs, un accroissement du nombre de consommateurs et, surtout, de la fréquence des accidents survenant sous l’influence de cette drogue. Si, malgré cela, cette permissivité se généralisait, on devrait l’interpréter comme l’imperium du libéralisme de la société américaine, dans laquelle chacun choisit et assume ses choix : « La drogue si je veux » (pour autant que j’aie les moyens de l’acquérir) ; « Si je me détériore, l’État ne viendra pas à mon secours ». Il récompense les fourmis qui contribuent à sa richesse nationale, mais n’a rien à donner aux cigales qui se sont shootées tout l’été.

La France a fait le choix de la solidarité et de l’assistance à tous ses démunis. Elle l’exerce à un niveau qui excède les ressources issues de l’imposition de ses citoyens, ressentie comme « confiscatoire » par ceux qui la subissent (moins de 50 % de la population). C’est un facteur de démotivation des plus laborieux, qui diminue notre productivité nationale. Qui plus est, cette solidarité, dépassant les moyens disponibles, s’exerce à crédit. Elle a accumulé une dette abyssale, qui continue de s’accroître, inquiétant légitimement certains parents et les jeunes qui devront la rembourser. Cette assistance s’exerce vis-à-vis des victimes des drames inévitables de la vie. Pour contenir son poids considérable, la loi s’applique à limiter le recrutement de handicapés supplémentaires. S’agissant, par exemple, des victimes de la route, elle a décrété le port obligatoire de la ceinture de sécurité, l’interdiction de téléphoner au volant, la réduction de la vitesse, le contrôle obligatoire des véhicules, la prohibition de la conduite sous l’empire de l’alcool ou d’une autre drogue. Contrastant avec ces dispositions rigoureuses, l’ingéniosité vis-à-vis des drogues se limite à des taxes (tabac, alcool). On envisage de réduire celle vis-à-vis des dealers et des consommateurs à des amendes. Ces ressources sont très loin de couvrir les dépenses somptuaires de prise en charge des victimes des drogues.

Les positions des Français sur les drogues sont assez anachroniquement en discordance avec leur positionnement politico-philosophique.

Chez certains domine le souhait d’une légalisation du cannabis. Cette position est en contradiction avec leur demande intense d’assistance sociale. Ils s’inscrivent dans une pensée libertaire, aux accents d’anarchie, proclamant « l’interdiction d’interdire » héritée de Mai 68 ; ils la complètent de la revendication d’une « jouissance sans entraves ». Ils semblent plus consommateurs de cannabis que les autres et semblent moins inquiets pour ses conséquences sur leurs enfants et plus laxistes pour leur éducation. Ils semblent plus souvent bénéficiaires de l’assistance d’État que lourdement contributeurs à l’impôt. Dès lors, ils devraient réfléchir et s’émouvoir du fait que l’assistance prodiguée par notre État s’effectue largement à crédit ; qu’elle n’est pas illimitée et que nos prêteurs pourraient finir par se faire tirer l’oreille et, même, bientôt nous tirer les oreilles. Si les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, les dettes, elles, peuvent s’élever jusqu’à la faillite.

Les autres, plus libéraux, pourraient être plus sensibles à la légalisation d’inspiration libérale qui se développe aux États-Unis. Pourtant, majoritairement, ils n’y sont pas. Ils adhèrent plus volontiers à la formule d’Albert Camus "Un Homme, ça s’empêche" ; ils cultivent une meilleures maîtrise d’eux-mêmes ; ils sont plus regardant sur l’usage des deniers publics ; plus préoccupés par la grandeur de notre nation dans la compétition internationale ; plus partisans « d’un esprit sain dans un corps sain » ; plus nombreux à « aimer et craindre Dieu » ; plus adeptes de la compétition intrasociale ; plus individualistes.

Cette dichotomie sociologique, sans doute trop simplificatrice, essaie de comprendre les différences d’appréciations relatives à la législation du cannabis.

Notre réflexion invite les partisans de la légalisation à choisir entre elle et l’assistance si chère à une majorité d’entre eux, car cette légalisation s’inscrit dans un libéralisme où chacun assume les pleines conséquences de ses choix et de ses comportements.

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07 mai 2018 à 14:37

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