Alors que l’avenue des Champs-Élysées était à feu et à sang et que Macron skiait dans les Pyrénées, un décret était discrètement publié au Journal officiel du 16 mars 2019. Ce texte, signé du président de la République, mettait, dans un langage administratif convenu, « fin aux fonctions de directeur des services actifs de police de la préfecture de police, directeur de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police, exercées par M. Alain Gibelin ». En langage moins policé, cela signifiait que ce dernier était viré.

Alain Gibelin, ce Lozérien d’origine âgé de 57 ans, avait fait parler de lui à l’occasion de l’affaire Benalla. Interrogé par la fantoche commission des lois de l’Assemblée nationale, présidée par la non moins fantoche Yaël Braun-Pivet, ce dernier, après avoir reconnu sous serment que l’ancien garde du corps de la famille Macron avait bien assisté à diverses réunions après mise à l’écart de l’équipe élyséenne, était revenu, par écrit, sur ses déclarations.

En réalité, ce revirement n’avait trompé personne. Et nul n’avait pu douter un instant que des pressions de « haut niveau » avaient été exercées sur le policier pour qu’il revienne sur son dérangeant témoignage. Gibelin est donc le premier fusible à sauter dans l’affaire Benalla.

Petite prise, en vérité, pour ceux qui ont décidé de le sacrifier sur l’autel présidentiel, tant il est évident que sa mise à mort administrative ne résoudra rien. Elle met, cependant, en évidence quelques pratiques qui ne manqueront pas, une fois de plus, de venir écorner la « République irréprochable » de Jupiter.

Tout d’abord, parce qu’elle entérine qu’auprès du président de la République, il y a bien deux catégories de personnes. Ceux qui ont menti devant les diverses commissions d’enquêtes, et dont Gibelin ferait partie. Et ceux qui auraient simplement « oublié » de donner certaines précisions, comme Alexis Kohler, le directeur de cabinet de Macron. À l’un, l’infamie de la destitution, à l’autre, l’excuse d’une mémoire défaillante.

En second lieu, ce limogeage atteste bien de ce que bon nombre des témoins qui sont intervenus dans le cadre de l’affaire Benalla en savaient beaucoup plus que ce qu’ils ont dit. Et, par ailleurs, qu’ils ont menti de façon éhontée afin de protéger des pratiques pour le moins contestables au cœur de la République. Enfin, qu’il est beaucoup plus dangereux pour la carrière d’un haut fonctionnaire de police de contrarier ceux qui gouvernent que d’être incapable de gérer le maintien de l’ordre dans la capitale.

Et ce, même si Michel Delpuech, feu le préfet de police de Paris, vient enfin d’être débarqué. Sa fidélité au régime n’ayant finalement pu compenser son incompétence en matière d’ordre public. Mais si l’on en croit les dernières déclarations de Laurent Nuñez, l’insipide secrétaire d’État à l’Intérieur, la liste de proscrits risque fort de s’allonger sous peu.

En effet, incapable de faire face aux manifestations violentes qui empoisonnent la vie des parisiens depuis plusieurs semaines, la vieille méthode qui consiste à aller chercher les responsables « au sein de la chaîne hiérarchique » va reprendre du service. Quelques têtes seront ainsi mises au bout d’une pique et servies en pâture à l’opinion publique. Cela permettra de faire diversion et de gagner un peu de temps. En particulier jusqu’aux prochaines élections européennes dont les résultats, pour LREM, pourraient pâtir du vaste désordre qui touche désormais la France.

Cette perspective consolera peut-être Alain Gibelin. Reste à espérer pour lui que, dans cette affaire, il n’aura rien sacrifié de son honneur car tous ces médiocres actuellement au pouvoir ne le valent décidément pas.

Addendum :A l'heure ou nous publions ces lignes, une nouvelle tête vient de tomber à la Préfecture de police de Paris puisque nous apprenons le limogeage de Frédéric Dupuch, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne

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19 mars 2019 à 14:02

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