Changement de cap ! Après avoir dénoncé la prétendue « démagogie » de tous ceux qui, à l’instar du Rassemblement national et des équipes d’Éric Zemmour, appelaient à lutter efficacement contre la fraude sociale, voilà que le gouvernement, sans doute pressé de fermer la séquence des retraites, décide de se saisir de ce combat. Invité d’Apolline de Malherbe sur BFM TV, ce 18 avril, Bruno Le Maire a confirmé la volonté de l’exécutif d’en finir avec la fraude aux prestations sociales. « Nos compatriotes en ont ras le bol. […] Ils n’ont aucune envie de voir que des personnes peuvent bénéficier d’aides et les renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu’ils n’en ont pas le droit », martèle le ministre de l’Économie. Les actes suivront-ils ? Seul l’avenir nous le dira.

Cette sortie n’a évidemment pas été du goût des ténors de la gauche. « Chers compatriotes musulmans ou originaires du Maghreb, comme moi, préparez-vous. Pour faire diversion, le gouvernement annonce par la voix de Bruno Le Maire une nouvelle campagne pour vous montrer du doigt », réagit, à chaud, Jean-Luc Mélenchon. Et Olivier Faure, patron des socialistes, d’embrayer : « Mobiliser des préjugés racistes pour éviter de rappeler que la fraude sociale est essentiellement le fait d’employeurs et la fraude fiscale est sans commune mesure. L’extrême droite remplit dangereusement le vide gouvernemental. » Libération s’est également joint à ce concert d’exagérations. « Le Maire s’aventure dans les eaux marécageuses des préjugés racistes », écrit ainsi l’un des chroniqueurs politiques du quotidien. Au-delà des accusations de racisme, tous invoquent un même argument : « La fraude fiscale écrase la fraude sociale. » Une affirmation qui, d’un point de vue comptable, est vraie mais qui doit être nuancée. En effet, selon un sondage Harris Interactive de 2022, un Français sur deux considère que la lutte contre la fraude sociale reste plus urgente que le combat contre l’évasion fiscale.

Fraude à la résidence

Il faut dire que la fraude aux prestations sociales est loin d’être anecdotique. En 2019, elle était ainsi estimée à au moins 2,3 milliards d’euros (si ce n’est beaucoup plus). Alors que nombre d’allocations sociales, à l’exception des pensions de retraite, sont soumises à une condition de résidence stable en France (entre six et neuf mois), il arrive que certains bénéficiaires, mentant sur leur lieu d’habitation, continuent de recevoir ces aides tout en résidant à l’étranger. Cette fraude, connue des services de l’État et étayée par de nombreux rapports, n’est pas négligeable. En 2019, selon un rapport de la Cour des comptes, « sur près de 9.000 contrôles lancés par la CAF […], 62 % ont conduit à constater des indus pour un montant total proche de 55 millions d’euros. […] Quatre indus sur cinq étaient affectés d’une suspicion de fraude [à la résidence]. » Il en va de même pour les aides de Pôle emploi pourtant conditionnées à une obligation de résidence en France. La commission d’enquête parlementaire sur les fraudes sociales met ainsi en avant que 9 % des fraudes constatées sur les allocations chômage sont liées à la résidence à l’étranger. Plus important encore, à propos des droits à la protection universelle maladie (ex-CMU), « l’INSEE fait apparaître un écart d’environ 2,5 millions d’assurés ne répondant pas ou plus aux conditions d’activité ou de résidence stable en France »notent les experts de la rue Cambon.

Face à ce phénomène de fraude à la résidence, le gouvernement entend mettre en place, comme annoncé au mois de mars, une coopération avec les compagnies aériennes afin de traquer et identifier les fraudeurs qui habitent à l’étranger. D’autre part, à compter du 1er juillet 2023, les versements d’allocations sociales (hors retraite) sur des comptes bancaires non européens ne seront plus possibles. Des mesures, sans doute marginales, mais qui permettront de renforcer les contrôles.

Les pensions de retraite qui, quant à elles, sont dites exportables sont tout autant concernées par la fraude. Comme BV l’expliquait en septembre dernier, il existe dans certains pays, dont l’Algérie, un phénomène de « fraude massive ». Il arrive ainsi que des retraités, pourtant décédés depuis plusieurs années, continuent de percevoir leur pension. Pendant ce temps, François, un retraité berrichon, a, pour sa part, dû prouver qu’il était bel et bien en vie afin de récupérer sa retraite perdue en début d’année…

9466 vues

19 avril 2023 à 20:37

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

59 commentaires

  1. De 1973 à 1976, je travaillais come guichetier cambiste dans une grande banque nationalisée et l’on était confronté tous les mois à ces transferts d’argent vers les pays du Maghreb et d’Afrique de l’ouest. Les gens rallaient déjà et rien a changé, bien au contraire, depuis 50 ans.

  2. Pourquoi avec les compagnies aériennes ? La police aux frontières des aéroports a toutes les informations. Les passeports sont systématiquement scannés.

  3. Changement de sujet ! les scandales « covid », « Ukraine « , « retraites « , et que sais-je encore, doivent être dépassés et surtout oublié. Après Macron, si nous le laissons faire, la France sera un champ de ruines.

  4. Boulevard Voltaire aurait la naïveté de croire que Le Maire et ses complices sont l’intention de faire quoi que ce soit ?

    Ils vont faire du vent, du bruit, présenter une loi avec tout plein de petits * et de petit caractère en bas qui fait que la loi ne sera pas applicable ou aura de très gros trous dans la raquette.

    Impossible de faire confiance dans ces gens-là, ils nous ont trop menti

Les commentaires sont fermés.