Certes, Emmanuel Macron a été élu avec un gros score : 66,1 %. Mais, à y regarder de près, il est loin d’avoir la confiance de deux tiers des Français : c’est un candidat minoritaire qui a été élu à la présidence de la République, ce qui est le comble quand seuls deux concurrents sont en lice.

En effet, si l’on tient compte du fort taux d’abstention – plus d’un électeur sur quatre ne s’est pas déplacé – et du nombre record de bulletins blancs et nuls, il n’obtient que 43,63 % des voix par rapport aux inscrits. On peut donc être élu président de la République tout en étant minoritaire dans le pays.

C’est plus, sans doute, que François Hollande en 2012. Mais, au moins, le candidat socialiste avait-il réuni sur son nom une coalition de gauche : même Jean-Luc Mélenchon avait appelé à voter pour lui sans contrepartie – ce dont il se mordit les doigts.

Dans le cas d’Emmanuel Macron, c’est un conglomérat hétéroclite qui lui a assuré la victoire : tous les partis de gauche, de droite et du centre qui, avant le premier tour, avaient dit pis que pendre de sa personne et de son programme ont vu en lui l’ange salvateur, seul capable de les protéger de la diablesse frontiste.

Avant le second tour, il a fait pression sur les personnalités politiques qui ne le soutenaient pas ouvertement, pour leur donner mauvaise conscience : « Ne pas se positionner » entre Marine Le Pen et lui, c'était « décider d'aider Mme Le Pen ». Le résultat acquis, il a passé de la pommade aux Français qui n’ont voté pour lui qu’à contrecœur, mais – il l’a répété – il appliquera tout son programme pour ne pas « trahir » ses fidèles du premier tour. Bref, il sait qu’il est minoritaire, mais n’en a cure.

Emmanuel Macron va-t-il donc gouverner pour les 24,1 % de Français qui lui ont apporté leurs suffrages au premier tour ? Étrange conception de la démocratie, diront certains. D’autres soutiendront que c’est la loi de la majorité – fût-elle minoritaire.

À ce paradoxe s’ajoute, chez trop de girouettes politiciennes, la tendance à naviguer au gré des vents. Opportunisme qui blesse la démocratie, mépris à l’égard des Français qu’ils sont censés représenter et qui ne les ont pas élus pour qu’ils changent de boutique.

Faut-il parler des investitures pour les législatives ? Ces socialistes, qui ont été les godillots de François Hollande et qui, aujourd’hui, cirent les pompes d’Emmanuel Macron ! Ces personnalités de droite, qui brûlent de le rejoindre mais n’osent quitter leur bercail tant qu’ils ne sont pas sûrs que le jeu en vaut la chandelle ! Et l’éternel centriste, qui estime avoir été mal servi et en redemande.

Sans compter ces candidats issus de la société civile, qui se prétendent vierges de tout engagement partisan, mais qui ont déjà flirté avec des partis politiques…

Tout aussi funestes pour la démocratie, cette propension à la démagogie, à la caricature, au non-dit, la complicité de médias qui répandent la pensée unique dont ils sont eux-mêmes imprégnés, pour inhiber les esprits, le mépris de l’opinion du peuple. Ces donneurs de leçons n’aiment le peuple que lorsqu’il les suit aveuglément.

Si la démocratie pouvait parler, elle dirait : « J’étais déjà en mauvais état, mais Macron m’a tuée ! En ne reconnaissant pas qu’il est minoritaire, en n’en tirant pas les conséquences, en ne réagissant pas aux injonctions préventives de la Commission de Bruxelles, en ne cherchant pas à rendre plus juste le fonctionnement de la démocratie. » Elle lui donnerait cet avertissement : « À force de mépris, tu risques, un jour prochain, de subir la révolte du peuple. »

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12 mai 2017 à 11:45

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