[Une prof en France] Qui veut la peau de l’Éducation nationale ?

naufrage

Avez-vous regardé M6, dimanche dernier ? Ce n'est peut-être pas votre truc, mais cette fois-ci, vous auriez dû. Vous pouvez toujours vous organiser une session de rattrapage pour voir le documentaire de Zone interdite, « L'Éducation nationale au bord du naufrage », s'il vous reste encore quelques réserves d'écœurement et d'indignation.

Chaos à tous les niveaux

Qu'y voit-on ? Des enseignants recrutés en quinze minutes, sans aucune vérification réelle de leurs compétences et sans accompagnement lorsqu'ils sont lancés dans l'arène des classes. Des élèves lynchés par des hordes de barbares particulièrement bronzés pour des petits métropolitains. Des professeurs humiliés, insultés, méprisés et systématiquement abandonnés par une hiérarchie dont la lâcheté n'a d'égal que l'hypocrisie sournoise. Des enfants obligés de passer de longues heures, chaque jour, dans des locaux totalement insalubres que personne n'est prêt à réhabiliter, tant la machine administrative et politique favorise la déresponsabilisation comme l'envolée des factures. Des établissements chaotiques dans lesquels la médiocrité le dispute à la vulgarité et à l'entrisme islamique. Mais aussi un rapport du cabinet McKinsey compilant 200 pages de platitudes pour la modique somme de 500.000 euros. Et un programme informatique anachronique piloté par des amateurs et des incompétents, mais coûtant 400 millions d'euros au contribuable.

Le grand public a peut-être découvert une réalité qu'il refusait de voir. Les professeurs n'ont eu que la confirmation que ce qu'ils vivaient, chacun, n'était pas une malheureuse exception mais tendait à devenir la norme.

Gabriel Attal, le chevalier blanc qui va tout sauver !

L'intervention finale de Gabriel Attal est délicieuse. On se laisserait presque séduire par son optimisme. Tel le chevalier blanc, il va réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué, car bien évidemment, il n'est pas mû par les mêmes biais idéologiques. Cela fait trente ans qu'on nous fait des promesses. On peut se poser quelques questions et se demander si cet échec en est bien un ou si ça ne serait pas plutôt la parfaite réussite d'un système. D'un côté, il y a le discours à destination de la société et des médias : tout le monde prône la restauration de l'autorité, de l'exigence, de la sélection, de la sanctuarisation de l'école. De l'autre côté, il y a le réel et les décisions prises, que l'on ne peut pas toujours mettre sur le compte de l'amateurisme et qui vont presque toutes dans le même sens depuis des décennies. On assiste à une construction progressive et concertée du chaos. Quand on croise cela avec d'autres éléments convergents, cela a quelque chose de fascinant. A-t-on vraiment eu aux commandes des hommes politiques de bords différents qui, en trente ans, n'ont pas réussi à enrayer la chute du système, dont les causes seraient exogènes et non canalisables, ou bien la situation actuelle est-elle la résultante de choix concertés et conscients, bien que non assumés ? Devant un tel désastre, il semble légitime de s'interroger.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 26/11/2023 à 13:18.
Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Je réponds à la question avant même de lire l’article : les gouvernements de la France depuis le 10 mai 1981.
    Allez je vais lire l’article.

  2. Ici on n’a pas eu besoin de voir l’emission car depuis très longtemps, on sait qu’il suffisait de lire les livres des enfants, de voir les cahiers de vacances pour comptrendre que tout avait foutu le camp comme on dit. Tout ayant été fait pour crétiniser les enfants. Enlever l’excellence nous a fait perdre l’émergence d’une élite et les enfants qui bossent ont bien raison de partir de France. Très petit espoir que Mr Attal réussisse, mais au moins, il tente quelque chose. Soyons certains que les peaux de bananes vont se répandre sous ses pieds. Et il faudrait surtout que les profs soient au niveau eux-même pour un espoir de réussite.

  3. J’ai connu en 2000/2001 un Prof de Maths Sups au lycée français international de Galatasaraï (Istanbul) et qui a été muté dans un lycée de ZEP à Marseille !!! Il passait 1/2 par cours à faire l’appel des élèves , en cla de … seconde ! Heureusement pour lui, il ne lui restait que deux ans à attendre pour être à la retraite. Ceci prouve le beau gâchis de cette très mauvaise Administration. Et il n’était pas le seul dans son cas !!!

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