[Une prof en France] Faudra-t-il abolir les examens ?

examen

Pourquoi reposer la question des examens ? Gabriel Attal, lors de son passage éclair à la tête de l'Éducation nationale, avait fait plusieurs annonces, parmi lesquelles on trouvait une reviviscence du brevet des collèges, qui aurait repris sa place d'examen de fin de cycle et, donc, de sésame pour le passage dans le cycle supérieur. Dans le cadre de son fameux (mais déjà moribond) « choc des savoirs », il avait en effet déclaré vouloir « donner une véritable exigence au brevet des collèges », estimant qu'il pâtissait d'un « affaiblissement du niveau d'exigence ». Très bien, très bien. Depuis son départ, on n'entend plus parler de tout cela, dont on n'avait d'ailleurs pas vu le début d'une transcription dans quelque note de service ni circulaire que ce soit, alors même que le ministère produit chaque année 3.000 pages de circulaires. Il ne semble pas que Mme Belloubet ait l'intention de donner corps aux déclarations péremptoires de son prédécesseur, malgré l'enthousiasme naïf qu'elles avaient suscité dans une grande partie de l'opinion.

On peut s'en désoler. On peut, aussi, se demander si le réel n'aurait pas de toute façon très rapidement tempéré cet enthousiasme. Si l'on se penche un peu - pas trop, car cela donne le vertige… - sur le cas du brevet, on se prend un coup de réel qui fait vaciller. Les chiffres de réussite, quoique mirobolants puisqu'ils avoisinent les 90 %, ne faisaient pas taire les interrogations des chefs d'établissement concernant le devenir des élèves de 3e échouant à l'examen. Et la réforme annoncée du mode de calcul des points faisait frémir. Pourquoi ? Il faut comprendre dans quelles conditions se passe cet examen. La note finale est obtenue à moitié par les épreuves écrites de français, maths, histoire-géographie et sciences, passées en juin de façon anonyme, auxquelles s'adjoint un vague oral sur sujet libre, et à moitié par le contrôle continu.

Le CNESCO (Conseil national d'évaluation du système scolaire) avait fait en 2018 une enquête sur les résultats aux épreuves écrites du brevet. En Île-de-France, leur terrain de jeu, le taux de réussite à ces épreuves écrites était seulement de 42,8 %, avec de grandes disparités entre les territoires. Les territoires dits « très favorisés » obtenaient 57,5 % de réussite, contre 24,3 % dans les territoires dits « défavorisés », le taux descendant à 16 % dans certaines zones des Yvelines. Le taux de réussite de 87,3 % était donc obtenu grâce au contrôle continu, les mêmes élèves se métamorphosant visiblement lorsqu'ils sont en classe et envoyant leurs jumeaux maléfiques, et illettrés, passer l'examen final à leur place. Il faut, en effet, que les résultats au contrôle continu, c'est-à-dire la moyenne annuelle des élèves, soient vraiment très bons pour compenser les résultats calamiteux obtenus lors de l'examen, dont les copies sont anonymisées…

Pour bien prendre la mesure de cela, il faut aussi regarder les sujets (et les consignes de correction, dont il est peu de dire que la bienveillance est le maître mot).
Mes élèves étaient en brevet blanc, cette semaine, et j'ai surveillé l'épreuve d'histoire-géographie. Voici ce qu'on leur a demandé : sur une carte de France, sur laquelle étaient dessinés les grands fleuves, et grisées les zones montagneuses, ils devaient… situer cinq grandes villes, nommer deux fleuves et positionner trois pays frontaliers, à savoir l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Voilà, voilà… On ne teste pas seulement leurs connaissances par des questions dont l'exigence terrible explique le faible taux de réussite… on les fait aussi réfléchir et argumenter ! Le sujet d'EMC était un dessin sur lequel un jeune garçon se présentait devant le bureau de son directeur en disant : « Au nom du Conseil de la vie lycéenne, j'ai l'honneur de vous remettre ces 5.000 signatures pour rebaptiser le lycée Maurice-Ravel en lycée Beyoncé. » La question du paragraphe rédigé : « Pourquoi peut-on dire que la situation illustrée par le document 1 est garantie par la Constitution ? » (On ne leur demandait évidemment pas de la connaître ; on leur donnait les deux articles à utiliser.)

Est-il besoin que je conclue ?

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

41 commentaires

  1. Avec notre nouvelle ministre, pas de soucis il y aura du diplôme pour tout le monde et après… du chômage pour tout le monde également. C’est ça le en même temps même si c’est un tant soit peu en décalé.

  2. Et surtout, pas une tête ne doit dépasser dans ce marais putride qu’est devenu l’enseignement public, sauf, évidemment pour les privilégiés qui reçoivent un enseignement digne de ce nom dans les établissements privés de renom.

  3. Je suggère que des fondations privées organisent des examens de niveau CEP, BEPC, BAC des années 60. Seul le privé peut se lancer là dedans car aucun membre de l’EN approuvera. Ce serait un peu l’équivalent des dictées de PIVOT. Tout le monde constaterait avec effroi que le niveau BAC actuel est inférieur au niveau BEPC voire CEP des années 60.

  4. Les taux de réussite ( élevés) aux examens sont comme ceux des élections des dictatures ,à de pareils niveaux on est en dehors de la réalité

  5. Nous arrivons doucement mais sûrement à l’époque où les « professeurs » issus eux-mêmes de cette lamentable institution, sont aussi ignorants que les élèves à qui ils sont supposés enseigner !
    Le niveau des concours ,en chute libre, et bientôt, l’impossibilité de trouver des jurys capables de discerner les bonnes réponses achèveront le carnage….

  6. Cela montre le niveau de ceux qui posent ces questions. Connaître la carte de France aussi succinctement, de mon temps, c’était du niveau de la classe de septième. Pas étonnant qu’on ait des ministres aussi nuls, représentant la France en ne sachant même pas parler ou écrire sans fautes de francais (avec une cédille que l’ordinateur n’a pas!). Le brevet, toujours de mon temps, n’était pas obligatoire pour passer en seconde, et l’on écrivait tout à la main. Quelle que soit la matière, les devoirs étaient sanctionnés s’il y avait trop de fautes d’orthographe.

  7. Bonjour Virginie. Votre article est effrayant. J’en suis abattu. Un certain ministre de l’Éducation Nationale évoquait un « mammouth » à remuer. Il est devenu une montagne . Il nous, il vous faudra des décennies pour redresser cette institution. Elle n’est pas seulement atteinte superficiellement. C’est en profondeur qu’elle est rongée, dans ses rouages primaires, tel un cancer avec métastases. Attal a été auréolé dans la précipitation. Son auréole lui est passée à travers la tête. Il devait vous suivre. Il a bien vite abandonné, disons déserté. Dans nos jargons de populistes on dirait « il a eu des prétentions de femme saoule « , avec tout le respect qui vous est dû. Nous avions des alertes sur cette décadence de l’enseignement. Les résultats au bac étaient trop significatifs. Mais le mal vient de beaucoup plus loin, dès la crèche je suppose. Rien d’étonnant lorsque l’on distrait, détourne l’esprit du plus jeune enfant avec des notions de genre et autres disciplines tout autant farfelues. Quelle société ! 7 années de macronisme à déconstruire la France. Je suis ulcéré. Et ils veulent une Europe forte bâtie sur des fondations sablonneuses ! Quelle absurdité ! Le bon sens voudrait que l’on bâtisse des Nations fortes sur lesquelles s’appuyer pour obtenir une Europe forte. Non, ils prétendent mettre la charrue avant les boeufs lesquels sont pourtant l’unique source de profits. Sans eux, pas de profits.! Je suis réellement estomaqué. Bien, ce qui ne prive pas l’eau de couler sous les ponts. Je vous souhaite une bonne semaine Virginie. Bon courage.

  8. « Plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre. Même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave » Nicolas de Condorcet. Nos dirigeants, depuis quatre décennies, l’ont très bien compris et, malheureusement, parfaitement appliqué.

  9. Dans les années 50, le BEPC était toute proportion gardée, supérieure au bac d’aujourd’hui

  10. Ces notions élémentaires de géographie figuraient encore au programme des classes de CE 2 lorsque mes enfants étaient en primaire ! Je possède le cahier de travaux pratiques que ma plus jeune fille a utilisé en 2012 .On étudiait aussi les cinq continents , l’ équateur , les pôles , les tropiques , la carte de l’ Europe .Quelle régression !

  11. Je lis dans l’épreuve du brevet : « situer cinq grandes villes, nommer deux fleuves… » Je me souviens pour ma part, qu’en CM2, on étudiait les affluents des grands fleuves français. Et on devait être capable de nommer quatre affluents pour chacun des quatre grands fleuves. En CM2… Alors, à vous lire, je me souviens des jours heureux et je pleure…

  12. Fut un temps où toute la France s’esclafait en lisant « La Foire aux cancres » qui collectionnait les ratées des copies d’élèves. Exemples: la première croisade était dirigée par Jo Bouillon au lieu de Godefroy de Bouillon, ou « les Croisés lorsqu’ils rentraient de Terre Sainte, étaient heureux de retrouver leur femme, et de découvrir enfin les nombreux enfants qu’ils ne connaissaient pas encore… »
    Las! Tout passe… Aujourd’hui je suis obligé de préciser, même au milieu d’un groupe diplômé de prestigieuses universités ou grandes écoles, que Jo Bouillon était un célèbre chef d’orchestre de jazz et variétés, alors que Godefroy de Bouillon (et non de Montmirail… Plus célèbre depuis certains films.) était un Duc belge, très connu pour ses exploits guerriers…
    Mais peut-être que les profs, en général, ont une responsabilité dans cet effondrement?

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