Enseignement : Gabriel Attal veut prendre le bon sens comme boussole

Gabriel Attal a bien choisi son jour pour faire ses annonces visant à élever le niveau des élèves : les résultats de la dernière enquête PISA étaient publiés ce 5 décembre : « Le niveau des élèves dégringole en maths et en français », titre Le Parisien, ce qui ne constitue pas une surprise. Plus surprenantes, la méthode du nouveau ministre et les premières mesures qu'il compte prendre.

Pour la première fois, un ministre de l'Éducation nationale a partagé ses décisions avec les professeurs (dans un courrier envoyé à la communauté éducative ce mardi matin, NDLR) avant de les présenter à la presse, ce qui est la moindre des politesses, pour qui reconnaît que « c’est avec les professeurs, par les professeurs, grâce aux professeurs, que nous relèverons le défi de l’élévation du niveau ». Mais plus encore que la forme, ce sont les mesures annoncées qui détonnent dans le concert habituel des directives ministérielles. Gabriel Attal jette un pavé dans la mare, rompant avec les éternelles antiennes de ses prédécesseurs.

Réhabilitation du redoublement

Citons, par exemple, la réhabilitation du redoublement, les professeurs ayant désormais le dernier mot ou pouvant prescrire aux élèves des stages de réussite durant les vacances scolaires, pour passer dans la classe supérieure ; l'instauration de trois groupes de niveaux pour les enseignements de français et de mathématiques, en sixième et cinquième d'abord, puis en quatrième et troisième ; la revalorisation du diplôme national du brevet, qui conditionnera l'accès au lycée ; ou encore l'introduction d'une épreuve anticipée de mathématiques et de culture scientifique au baccalauréat.

Tout cela, bien des professeurs et beaucoup de parents le demandaient depuis longtemps. Le sursaut attendu viendrait-il de Gabriel Attal ? Ne nous réjouissons pas trop vite, car à supposer que ses annonces soient dénuées de toute arrière-pensée politicienne, les embûches se dresseront très vite devant lui.

Recruter à bac+3

Ne parlons pas des bien-pensants, qui vont faire entendre leur voix, crier à la stigmatisation, à l'élitisme, à l'atteinte au collège unique ! Pour eux, se référer au bon sens, c'est être de droite, voire d'extrême droite. Même s'ils n'étaient pas écoutés, le système est tellement intoxiqué par les mauvaises habitudes qu'il sera difficile d'en modifier le fonctionnement. Le risque est gros que ces mesures ne soient qu'illusoires, soit qu'il manque de moyens humains et matériels pour les mettre en œuvre, soit qu'il n'y ait pas une véritable volonté de les appliquer.

Pourra-t-on vraiment, comme le dit le ministre, « [donner] aux élèves les plus en difficulté la possibilité, en petits groupes, de combler les lacunes et de progresser » et permettre aux meilleurs « de s’envoler, en allant plus loin encore que le programme » ? Lier le passage au lycée à l'obtention du brevet est bien beau, mais aura-t-on les moyens d'instaurer, pour les recalés, « une classe "prépa-lycée" pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite » ? Il est plus probable qu'on déshabillera Paul pour habiller Jean et que les situations seront très diverses selon les établissements.

De plus, le ministre disposera-t-il de suffisamment de professeurs compétents pour instruire les élèves ? Il a déjà dû prolonger d'un mois la période d'inscription aux concours. Pour résoudre le problème de l'attractivité du métier, il envisage de les recruter à bac+3. Quand on connaît le niveau moyen des étudiants en licence, on a tout lieu de s'inquiéter de leur formation, surtout si elle est confiée aux INSPÉ, avatars des IUFM.

Gabriel Attal prend le bon sens comme boussole, mais le système éducatif est si désorienté qu'il ne sait plus où il va. Il faut redéfinir ses objectifs et le reconstruire de fond en comble !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 08/12/2023 à 14:23.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Reprendre ce qui faisait la réussite de notre enseignement serait-il pas le bonnes . Les programmes des années 60 permettaient à tout un chacun d’avoir un socle solide pour aborder le collège puis le lycée avec de bonnes chances de réussite. Relancer les écoles normales d’instituteurs (je préfère ce terme à celui pompeux de professeur des écoles) qui ont formés avec succès tant d’enseignants de qualité.

  2. « Gabriel Attal prend le bon sens comme boussole »! Pour éviter bruits parasites , personnellement je mettrait sur la touche tous les conseillers du ministère ainsi que ceux chargés d’établir les programmes qui portent toute la responsabilité du naufrage de l’enseignement public. Les professeurs ne doivent pas faire de politique ni ne doivent afficher leurs opinions. Leur métier est d’enseigner,d’instruire ,d’encadrer les élèves et non pas de les châtrer pour qu’ils pensent tous la même chose. Laissons MR Attal travailler .Nous referons le point à la rentrée 2024 .

  3. Pour une fois qu’un ministre fait preuve de quelques lueurs et d’un certain courage, ne l’attaquons pas !
    La gauche va le vomir et il trouvera devant lui le mur des syndicats d’enseignants qui ont largement contribué à la ruine de l’EN. Il y aura des grèves monstres. La majorité des enseignants vote NUPES. Le gros problème de l’EN, c’est l’idéologie des enseignants et leur propension à suivre les consignes des « pédagogistes » destructeurs et à formater l’esprit des enfants. S’il tient le coup chapeau !

  4. La boussole « bon sens » est une très bonne boussole, il ferait bien d’en équiper tous nos dirigeants. Plus sérieusement, je pense et il n’y a pas que moi, que notre classe dirigeante mondiale, n’a aucun intérêt à instruire le peuple, il n’en a plus besoin, donc une population ignare, camée, plus ou moins accros aux aides sociales sera plus facile à gérer que des gens instruits avec une famille à nourrir et cherchant à s’élever moralement et socialement.

  5. G. ATTAL a raison de secouer le cocotier de l’EN. Mais la tâche est immense ! Et sans bons profs, impossible d’avancer. Il faut embaucher des vacataires, des bac+2 ou +3 dans la matière enseignée : maths pour enseigner des maths, physique, français, anglais… pour ces matières, etc. NE PAS refaire l’erreur de Pap Ndiaye qui a embauché des bac+5 en n’importe quoi ! Prendre de préférence des gens ayant une expérience de prof particulier ou de formateur. Eux au moins ont l’habitude des élèves !
    Autre point : comme il est clairement établi que le niveau a baissé dramatiquement et donc que les pédagogistes nous ont menti effrontément depuis 20 ou 25 ans, il faut qu’il y ait des sanctions contre ces charlatans responsables du naufrage de l’EN : leur retirer leurs pensions, titres et médailles, et faire des procès publics pour sanctionner leurs actions nuisibles contraires à l’intérêt supérieur de la France.

  6.  » le système est tellement intoxiqué par les mauvaises habitudes qu’il sera difficile d’en modifier le fonctionnement. ». Il est plus qu’intoxiqué, il est grippé. Définitivement.

  7. Comment avoir de bons profs si les bons diplômés préfèrent aller ailleurs? Il faut payer les bons élèves qui veulent être profs au même tarif que dans les autres secteurs. Aujourd’hui un prof est payé une misère mais il ne travaille qu’à mi-temps! C’est faux ! Ah bon ? Autrefois il n’y avait pas toutes ces vacances. Et pourquoi y a-t-il toutes ces vacances ? Pour faire vivre « l’industrie touristique ». Permettons aux enseignants de très bon niveau de travailler à plein temps et d’être payés en conséquence. Il suffirait d’organiser des cours de rattrapage gratuits pendant les vacances scolaires réservés aux élèves volontaires. Par ailleurs il est à noter que les grands parents et même les parents sont aujourd’hui incapables d’aider leurs rejetons en mathématique et en physique/chimie. Toute la terminologie a changée. Mais si les Gaulois ne peuvent être aidés par la famille ça permet aux élèves issus de l’immigration de ne pas être désavantagés. Il faut le dire l’immigration conduit l’enseignement au nivèlement par le bas notamment quand on parachute en 3ième des MNA ne parlant pas le français (cas d’un collège berruyer).

    • Ma fille est prof. Elle travaille largement plus de 35h par semaine par elle fait des fréquemment des contrôles et elle sacrifie une partie de ses WE à faire des corrections. D’accord, ce n’est pas le cas général. Mais cela montre qu’un prof sérieux qui s’investit dans son boulot travaille déjà à temps plein.

  8. Je suis Franc-Comtois… En Franche-Comté nous avons eu un écrivain pour lequel je nourris une admiration sans borne. Son œuvre est magistrale et a rayonné dans le monde entier. C’est un homme qui a su décrire avec une qualité d’écriture remarquable la vie des gens simples autant que l’épopée historique fort riche de notre belle province. Cet homme, c’est Bernard CLAVEL. Pour tout bagage, il avait un CAP de Pâtissier… On peut donc parfaitement se rendre compte de la qualité de l’enseignement primaire à cette époque qui a su procurer à cet homme, certes d’exception, les bases sur lesquelles il a édifié toute son œuvre…Et mieux mesurer l’état de délabrement actuel…

  9. Attal est un pur produit de la macronie…A la vue des commentaires ici, une belle parole et les gens s’enthousiasment.. Attal fait du Macron et ça marche. C’est assez désespérant.

    • Exactement, tous les ministres font du « macron », il en a été toujours comme ça, Chirac avait recadré Sarkozy en disant « je décide il exécute », c’est normal seul dans ces fonctions le président est élu. Mais comme dit le proverbe: les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, c’est particulièrement vrai en politique!

  10. au fait il les a mis où les 85 élèves récalcitrants à la commémoration de Samuel Paty, dans la nature où les a t-il simplement déplacés pour qu’ils sèment la zizanie ailleurs

  11. Comme disait Chirac, un chef, c’est fait pour cheffer ! Si Attal est convaincu par ces mesures (et bien sûr, elles sont bonnes), alors il est en mesure de mettre l’Education Nationale au pas. S’il le faut, il doit avoir le pouvoir, non pas de virer les récalcitrants (hélas, tous ces messieurs-dames ont un emploi à vie !), mais de leur infliger tout un train de sanctions qui devraient les clamer un peu et les obliger à rentrer dans le rang. Cela dit, c’est tout de même un comble que ce soit un ministre de gauche qui prenne enfin les décisions que tout le monde attendait depuis trente ans.

  12. Je discutais hier avec mon chauffagiste. Il me parlait de son extrême difficulté à recruter. Les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi, ne savent rien faire en sortant de nos merveilleux établissements techniques mais ils veulent 2000 Euros tout de suite. Leurs motivations au travail est inexistante, la conscience professionnelle, ils ne connaissent pas. Tout leur est dû. Ils ne s’intéressent pas à ce qu’ils font et rechignent à partir en déplacements… Voilà, en gros, la mentalité des générations produites par notre système scolaire… Il va falloir une volonté de fer et beaucoup de temps pour rattraper tout ça…

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