[Tribune] Les refus de prise de plainte, un autre symptôme de la maladie du système

POLICE

En 2022, 240 signalements de refus de plainte ont été signalés au Défenseur des droits. Et il y a fort à parier qu’ils ont été, en réalité, beaucoup plus nombreux. Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis très longtemps, en effet, nombreux sont nos compatriotes qui ont été confrontés à une telle situation. Incompréhension, colère et indignation suivent alors ces visites dans les commissariats de police ou les brigades de gendarmerie où certains justiciables, déjà traumatisés par l’infraction dont ils viennent d’être les victimes, ont parfois même été mal voire purement et simplement éconduits. L’attitude des policiers ou des gendarmes concernés, pour aussi condamnable qu’elle soit, mérite cependant quelques explications.

En 2021, la Justice a été saisie de 4,5 millions de plaintes et procès-verbaux. 9 affaires sur 10 portées à la connaissance des juges provenaient des services de police ou de gendarmerie. Ces dossiers concernaient des atteintes aux biens pour 39 %, des atteintes aux personnes pour 29 %, des infractions à la circulation pour 16 %. Le reste concernait divers autres crimes, délits ou contraventions. Sur l’ensemble de ces procédures, 7 sur 10 ont été considérées comme non poursuivables et ont donc été classées sans suite pour diverses raisons. Ainsi, seulement 3 infractions sur 10 ont fait l’objet d’un traitement judiciaire et, le plus souvent, ont abouti à la condamnation de l’auteur de l’infraction concernée.

On le voit donc, seule une partie infime des crimes, délits et contraventions portés à la connaissance de la Justice aboutit à une sanction pénale. Encore faut-il souligner que par sanction pénale, ce n’est pas forcément une peine de prison ou une amende qui est prononcée.

C’est dans ce contexte que policiers et gendarmes sont amenés à prendre des plaintes. Rappelons que les officiers ou agents de police judiciaire ont l’obligation, selon les dispositions de l’article 15-3 du Code de procédure pénale, de recevoir la plainte même si le service est incompétent. Par ailleurs, la plainte doit être prise, quel que soit le lieu de commission de l’infraction, quel que soit le lieu de résidence de la victime, et ce, qu’il existe ou non des éléments de preuve au moment de déposer plainte. Une fois recueillie, la plainte est transmise au procureur de la République qui reste seul maître de « l’opportunité des poursuites ». À noter, cependant, qu’un classement sans suite par le procureur ne met pas fin à une affaire pénale qui peut toujours être reprise si des éléments nouveaux apparaissent.

Une fois posé ce contexte, force est de constater qu’il arrive parfois que des justiciables soient éconduits lors de leur démarche dans un commissariat ou une gendarmerie. Méconnaissance de la loi (ça arrive malheureusement), incompétence, refus d’exécuter une mission peu gratifiante, les raisons de ce comportement anormal de certains fonctionnaires ou militaires, heureusement très minoritaires, ne sauraient dissimuler d’autres difficultés liées au fonctionnement de ces institutions.

Les incitations justifiées à déposer plainte ainsi que les moyens modernes mis à la disposition des justiciables, pré-plainte en ligne par exemple, ont conduit à une hausse sans précédent de cette démarche. Pourtant, les moyens humains n’ont pas suivi et certains services de police ou de gendarmerie sont aujourd’hui débordés par un flux procédural qui ne cesse de croître. Croulant sous le nombre et la complexité des normes légales, policiers et gendarmes passent, pour certains, désormais plus de temps derrière leur bureau que sur le terrain.

C’est, une fois encore, tout un système qu’il conviendrait de réformer. Augmenter le nombre d’agents habilités à prendre les plaintes, simplifier au maximum le formalisme procédural, recourir massivement à l’amende forfaitaire pour les infractions les moins graves, abolir et remplacer l’obligation du dépôt de plainte actuellement exigé par certains organismes, telles sont notamment les quelques pistes qui pourraient être suivies. En tout état de cause, parvenu à son paroxysme, le système actuellement en vigueur a atteint ses limites.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Il y a plusieurs années (vers 1986 je crois) j’ai été agressée un jeune voulant mon sac ,blessée à la tête les personnes m’ayant aidé m’ont emmené chez un médecin pour faire des points de sutures sur la coupure.Quand je suis allée au commissariat de Créteil Université pour la déclaration (qu’ils ne prennent pas après une certaine heure,il était environ 22h30-23h) ils m’ont demandé ce que je faisais dehors à cette heure là et pourquoi je venais si tard les voir ayant été agressée vers 22h.Sortant à 21h du travail bld ney avec 1 heure de trajet et la visite chez le médecin,pas facile d’arriver avant.donc il a fallu que j’y retourne le lendemain pour la déclaration,mon mari m’ayant accompagné car j’avais aussi une énorme entorse je pouvais pas marcher,le gradé (très agréable « lui ») qui a pris la déposition m’à demandé pourquoi je leur avait répondu que je faisais le tapin ce qui l’à bien fait rire car question idiote réponse idiote.J’après été convoquée pour reconnaître le voleur derrière la glace sans tain,je leur avait dit que c’était un blond et il me convoquait pour un brun,celui qui lui ressemblait le plus (mais en plus grand) était un flic et les personnes notant ce que je disais ont tous dit en choeur « c’est toujours le même ».Donc fin de l’histoire,a si je devais avoir une « pension » de la SS,je l’attends toujours .

  2. Bof, je me suis fait traiter, par écrit dans un courriel adressé à plusieurs de mes connaissances de « nazi ». J’aidéposé plainte dans les délais pour diffamation privée auprès du procureur. Ce dernier à classé l’affaire au prétexte que si ma LRAR est arrivée dans les délais au palais, elle est arrivée passé les délais sur son bureau ! Elle est pas belle celle là !

  3. Merci Monsieur Damien de poser ce constat. Mais après, on fait quoi, n’est ce pas aux politiques de mettre en oeuvre les dispositions pour pallier les carences. Ne rien faire, n’est il pas la traduction que ce gouvernement tolère ce dysfonctionnement pour mieux masquer son incompétence?

  4. Cela fait baisser le nombre de crimes et délits réels , donc très favorable à ce gouvernement pour les statistiques .

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois