Nous avons tous appris à l’école républicaine le lent cheminement de la construction de la France, construction réalisée grâce à l’opiniâtreté des rois de France, poursuivie par la Révolution, l’Empire et les Républiques jacobines.

La France est un défi politique, un projet politique permanent du pouvoir en place qui a dépassé puis cimenté le dynamisme jaloux des peuples celtiques de la Gaule, peuples gaulois qui, aux dires mêmes de Jules César, avaient mené ensemble un combat contre Rome et ses légions.

Philippe Auguste, qui règne de 1180 à 1223, inscrit sur ses actes « Rex Franciae ». L’un de ses successeurs, Philippe le Bel, dit « le Roi de fer », règne de 1270 à 1285 et, « avec son armée de légistes formés à la discipline des lois pour la défense du roi », impose sans faiblesse le pouvoir du souverain.

La longue saga des rois jusqu’en 1789-1792 montre qu’ils n’ont eu de cesse d’utiliser l’État pour asseoir non seulement leur pouvoir mais surtout la cohésion nationale de la France. L’Empire, la Restauration, Napoléon III, les Républiques ont tous eu le même logiciel, la même politique : l’État est l’incarnation juridique de la nation.

Mais aujourd’hui, l’État hoquette, déboussolé ; le « roi-Jupiter » veut le supplanter par l’utopie qu’il affectionne, « la souveraineté de l’Europe ». Mais il ne s’arrête pas à cette supplantation chimérique, délibérément ; il remet en cause les serviteurs de l’État qui ont fait vocation de servir le souverain pour la pérennité de la nation.

C’est d’abord la suppression de l’ENA, remplacée par l’Institut national du service public (INSP). Cela n’est qu’un ravalement de façade, peut-être, mais l’objectif est de déconsidérer celles et ceux qui souhaitent servir l’État : on les accuse d’être des « héritiers de la culture dominante », d’appartenir à une « noblesse d’État » ( Pierre Bourdieu), oubliant que l’État doit être servi par des cadres performants, des légistes engagés, des hussards au service de l’instrument juridique qui garantit le projet politique !

Mais plus encore que la suppression de l’ENA, le démantèlement du corps diplomatique est édifiant ; il disparaît dans un corps hétéroclite dont les membres auront vocation à naviguer d’un ministère à l’autre. Il s’agit là de la destruction délibérée et programmée de l’atout professionnel incomparable de la France dans les relations internationales.

La diplomatie ne s’invente pas, c’est un art qui s’apprend à la longue, par expérience : la diplomatie soviétique nous en donne un exemple, avec le talentueux ministre russe Andreï Gromyko entré au ministère des Affaires étrangères soviétique en 1944 ; il y resta jusqu’en 1988 sans discontinuer.

La disparition de notre corps diplomatique est une faute sans appel à un moment où les tensions internationales vont croissant. Se priver des connaissances des diplomates de haut niveau en croyant que la lecture de quelques articles de presse à Paris suffit à fonder une politique étrangère est simplement grotesque !

L’appareil d’État est déboussolé, sans cap ni autorité. Or, « on ne gouverne pas une nation éclairée par des demi-mesures, il faut de la force, de la suite et de l’unité dans tous les actes publics », disait Bonaparte.

Pour cela il faut un État fort, servi par des agents qui ont le service chevillé au cœur, des guerriers légistes.

Un État déboussolé, cassé dans son essence, a pour conséquence directe de briser la France, car la France est toujours et plus que jamais un projet politique dont la cohésion est menacée par la déliquescence de son cadre juridique.

Ses régions, ses provinces tirent à hue et à dia, des Juncker locaux narguent l’État chancelant.

Les mouvements salafistes et leur détermination à vouloir appliquer en France la « charia » sont l’exemple accompli du dépérissement de l’État et de son échec, incapable de faire respecter les lois du souverain, ce qui entraîne le remise en cause de l’unité national.

Mais, plus grave encore, les violences gagnent la foule et se déchaînent alors contre les boucs émissaires. Sénèque ne nous avait-il pas enseigné que « la preuve du pire, c’est la foule », une foule rudoyée, insultée par celui même qui se prétend être son chef. « La liberté naît de l’ordonnancement naturel des choses », écrivait Chateaubriand. Si l’ordre disparaît, la boîte de Pandore est ouverte sur l'aventure et le chaos.

« Il est des temps où la nation connaît aussi le désespoir, c’est quand le peuple n’aime plus son âme, la patrie » (Bernardin de Saint-Pierre).

Voilà pourquoi la France et l’État sont des êtres consubstantiels pour garantir la paix civile et la pérennité de la nation.

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15 janvier 2022 à 13:30

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23 commentaires

  1. M. Myard a raison. Ce sont nos institutions qui soutiennent notre système de gouvernance. La monarchie, l’Empire passent aujourd’hui c’est la République. La continuité de l’État passe par nos intitutions que Macron  »modernise » au nom de quoi? Une mode, la mondialisation, imputabilité? Allez savoir.

  2. J’aime votre article, Monsieur, il est remarquable de clarté et de vision de l’état dans lequel se trouve notre pauvre pays. Décharné, désossé, il ne tient plus debout. Merci pour votre témoignage.

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